Grand format de J.Gréla

REPORTAGE : BAMBARI, UNE CAPITALE « SELEKISTE » DANS LA TOURMENTE

Tout homme armé dans les rues sera désarmé

La presse cherbourgeoise, dans son numéro du 17 octobre 1944, écrivait : « Des scènes de sauvagerie et de bestialité désolent actuellement nos campagnes : on pille, on viole, on assassine, toute sécurité à disparu aussi bien à domicile que par les chemins ». Cette description amère concorde avec les atrocités commises par les groupes armés apparentés à telle ou telle entité.

Ainsi, ce qui se passe en Centrafrique et plus particulièrement à Bambari  aujourd’hui est dramatique. La méfiance s’est installée. Des tensions latentes, à cause des déprédations, des pillages, des actions qui semblent être le lot normal imposé par les selekas aux villages et communes environnantes, oppressent la population. Elle vit désormais dans une peur suffocante, insupportable et attend impuissante son tour. La cohabitation, entre les seleka, la Misca, les sangaris et les populations civiles locales, n’est plus simple et facile.

Les velléités sécessionnistes

L’arrivée des Sangaris a freiné les violences dans la ville de Bambari. Mais les nouvelles qui viennent de différents villages de la région, comme les avait décrites et détaillées, les plumes de RCA, dans son reportage du 19 mai 2014 : « Bambari, la Ouaka, capitale au rythme des sélékas », alimentent le ressentiment contre les Seleka et ceux qui sont perçus comme leurs complices. En d’autres termes, la persistance d’exactions d’éléments de la Seleka dans les villages a suscité ces dernières semaines la méfiance dans les communautés. Certains, a souligné La Press Afrik avec RFI, craignent même, si rien n’est fait, qu’un cycle de violence et de représailles ne puisse s’y installer, comme à Bangui ou dans l’ouest du pays. « Il faut stopper les exactions des éléments incontrôlés dans le département de la Ouaka si on veut empêcher que le phénomène des anti-balles AK se développe comme dans l’Ouest », a expliqué une source locale à RFI relayé par la Press Afrik du mercredi 21 mai 2014.

A Bambari, chrétiens et musulmans ne savent plus très bien où ils en sont. Les selekas se sont restructurés avec des objectifs plus ou moins dévoilés, sachant que le rêve de la partition ne les a jamais quittés. De la guerre a été déclarée contre les anti-Balles AK. «Nous venons de restructurer nos forces, nous avons des objectifs. Si les anti-balles AK essaient de franchir les zones que nous occupons actuellement, nous n’hésiterons pas à les mater » a indiqué, lundi 19 mai, dans une déclaration exclusive à Anadolu, le nouveau chef d’Etat-major Seleka, le Général Joseph Zoundeko. L’éventuelle menace de partition à l’exemple du soudan du sud demeure donc dans les têtes des dirigeants des seleka ainsi que l’espoir d’un territoire autonome dans cette une région, « vaste trou noir » du centre-nord de plus en plus coupée de Bangui, avec capitale : Bambari.

Manifestation contre le cantonnement des hommes de la Séléka

Les  Sangaris, qui avaient obtenu des seleka qu’ils mettent de l’ordre dans leurs rangs, avaient assisté aux discussions de Ndélé, le weekend du 9 mai, tout comme des représentants du gouvernement de transition. « Nous avons tout intérêt à ce que ces groupes éparpillés se réunissent », avait expliqué à RFI un acteur du processus de réconciliation. « Désormais, le nouveau chef d’état-major sera comptable des actes de ses hommes sur le terrain », avait estimé pour sa part un responsable Seleka.

Or, ce jeudi 22 mai, le chef d’état-major des selekas « est comptable des actes de ses hommes sur le terrain ». Réunis à Bambari, les seleka ne devraient plus être des éléments incontrôlés. Ils ne sont plus, selon l’expression de leur chef d’état-major, « certains éléments qui se disent Seleka et qui font des exactions ». Ce sont des éléments de selekas qui, ce jeudi matin, avant 8 h, arboraient sans complexe leurs armes dans les rues de Bambari où la tension était déjà perceptible. Selon l’envoyé spécial du journal La Croix, Laurent Larcher, à Bambari, « tôt le matin, la ville s’était réveillée en ébullition. Des jeunes musulmans montaient des barrages, tandis que des soldats de la Séléka, composée essentiellement de groupes de musulmans venus du nord et du nord Est du pays, circulaient en ville avec leurs armes. Ce qu’ils ne faisaient plus depuis quelques jours ».

L’État-major des Séléka n’a aucun fondement juridique
Pas d’armée parallèle à l’armée nationale

Certains habitants de Bambari acquis à la cause des Séléka, ont très mal pris les annonces et le discours ferme, la veille, de l’ambassadeur de France, Charles Malinas, venu spécialement avec une délégation d’officiels centrafricains et internationaux, à Bambari, apporter les exigences de la communauté internationale. Il avait jugé publiquement que ledit « État-major de la Séléka », basé à Bambari « n’avait aucun fondement juridique », autrement dit, les Séléka n’auraient plus la main sur cette ville qu’ils contrôlaient depuis leur arrivée en décembre 2012. Ils doivent être cantonnés. Tout homme armé dans les rues de Bambari serait désarmé.

Selon l’ambassadeur de France Charles Malinas, dans l’amphithéâtre de l’Ecole normale d’instituteurs avec les populations réunies, « les résultats du congrès de Ndélé de la Seleka ne sont pas ceux qui étaient espérés, a-t-il expliqué, repris par RFI : « Ce qui est sorti du congrès de Ndélé, ce n’est pas tout à fait un parti politique. Ce sont des choses qui s’appellent « état-major », des choses comme ça. Et bien, cela, ce ne sont pas des mots acceptables. On ne peut pas avoir d’armée parallèle, on ne peut pas avoir de structure militaire parallèle aux structures militaires autorisées par les résolutions des Nations unies et les mesures de confiance qui vont avec ».
Le chef des Sangaris, le général Soriano, a de son côté enfoncé immédiatement le clou en rappelant que seules les forces régulières sont habilitées à porter de l’armement.

L’un des responsables de la Seleka présents à la réunion, le porte-parole de l’état-major Seleka, Ahmat Nadjad Ibrahim, interrogé par RFI, réclame un délai de réflexion : « Vous savez, dans ce cas, nous aussi on va se retirer pour réfléchir. Parce qu’il y a certains trucs qui ne nous conviennent pas bien. Ce qui nous préoccupe, c’est d’abord la sécurité de la population. La menace est là, en face. Tant qu’il n’y a pas la paix, il n’y aura pas de cantonnement et de désarmement. C’est clair ».

Le discours des selekas ici est fermé et ne laisse aucun espace à la négociation. D’aucuns  savent que, tant qu’il n’y a pas de cantonnement et désarmement, il n’y a pas de paix. C’est évident.

Lors de cette réunion, les uns et les autres ont par ailleurs réaffirmé qu’il ne saurait être question de partition du pays. Sur ce point, la Seleka rejette les intentions qu’on lui prête. « La Centrafrique est une et indivisible », a confié le porte-parole des rebelles à RFI.

Turpitudes et manipulations : Accrochages à Bambari

Les jeunes ne sont pas d’accord avec le désarmement de la Seleka, a indiqué à RFI, ce jeudi 22 mai, le président de la Jeunesse islamique. « Parce que si les Seleka sont désarmés, a-t-il dit, les anti-Balles AK vont entrer dans Bambari ». C’est pour cela qu’ils manifestent et lancent des pierres vers la force française. « À leurs yeux, a précisé l’envoyé spécial, la Séléka est la seule force capable de les protéger des anti-Balles AK, les milices populaires défendant les communautés chrétiennes ».

La tension persistait toujours, en milieu de journée, après les accrochages de ce matin de 8 à 9 heures, entre les militaires de Sangaris et les Seleka. « La ville est coupée en deux », s’est lamenté un prêtre. La rive droite de l’Ouaka est tenue par les Sangaris et des éléments de la Minusca tandis que la rive gauche est entre les mains de la Séléka et de jeunes en colère et agressifs, a décrit Laurent Larcher du journal La croix,à Bambari, ce jeudi 22 mai 2014.

Déplacement de la population

Dès les premiers coups de feu, des milliers d’habitants des différents quartiers de personnes avaient quitté leurs habitations,  à la recherche de sécurité, qui avec un vieil attaché-case, qui avec des baluchons ou des marmites, des nattes sous les bras pour se réfugier soit dans la brousse, soit converger vers l’évêché où il y a 1 500 déplacés autour de Mgr Edouard Mathos, a rapporté le journaliste.

Tout le monde craignait l’embrasement d’un conflit entre les communautés comme avait été le cas à Bangui. Le président de la Jeunesse islamique a déploré deux morts et quatre blessés dans ses rangs.

C’est le deuxième accrochage particulièrement violent avec les sangaris quinze jours après celui de Boguila, particulièrement violent, dans le Nord du pays, même si personne ne sait encore, officiellement, si ces hommes étaient ou non des Seleka.

Voilà les Seleka au pied du mur…

Joseph GRÉLA

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