Vos plumes

LE POLICIER APPRENTI BOXEUR

C’était une fin d’après-midi. Un samedi. J’étais à un croisement, pianotant un message à un ami avec qui j’avais rendez-vous. Ami qui était, comme à l’accoutumée, en retard. Subitement, j’entends des cris de l’autre côté de la route. Et je vois qu’il y a une espèce d’attroupement et que les passants s’arrêtent pour suivre ce qui semblait être une dispute. « Encore une querelle » me dis-je. Les gens sont devenus si susceptibles et violents par les temps qui courent que ça en devient lassant.
Il y avait une foule qui déferlait du principal stade de football. Il y avait eu la finale de je ne sais quelle coupe. Cela fait un moment que je ne suis plus vraiment l’actualité footballistique locale. Il s’agissait vraisemblablement d’une dispute entre supporters des deux équipes qui avait dégénéré. En somme, rien de bien nouveau ni de surprenant, pour qui sait de quoi sont capables des fanatiques du ballon rond.
Le pugilat avait lieu à quelques mètres d’un check-point tenu par des policiers. Ceux-ci étaient passés champions, au gré de leurs humeurs, dans l’art de compliquer la vie aux malheureux passants ou automobilistes. Il suffisait parfois de passer juste un peu trop près de leur ombre pour avoir des problèmes. Vous comprendrez qu’une bagarre à zéro mètre de leur “base“ était du pain béni.
Je décidais, de prime abord, de continuer mon chemin parce que ce genre de spectacle était pour moi un non-événement. Mais je me rendis compte que l’un des deux protagonistes était un policier qui, juste au moment où je décidais de bouger, envoya son poing dans la figure du jeune homme avec qui il avait décidé d’offrir ce spectacle improvisé de combat de MMA pour profane !
Le civil, loin d’être intimidé se rua sur notre homme en tenue. Ses amis essayaient de le retenir tandis que les autres policiers, accouraient à la rescousse de leur camarade. « Oula… il ne fait pas bon traîner dans les parages. Un accident est si vite arrivé ! » me dis-je. Il y en avait un que ça démangeait apparemment de jouer de la gâchette.
Mais, chose bizarre, nos forces de l’ordre si promptes à rouler des mécaniques semblaient subitement battre en retraite, en ne sachant apparemment pas sur quel pied danser. Le civil était, quant-à-lui, de plus en plus déchainé. Ses amis peinaient à le retenir. Les gens accouraient de toute part. L’attitude embarrassée et indécise des policiers était plutôt inhabituelle. L’affaire devenait plutôt intéressante.
Tout en préférant prudemment rester de l’autre côté de la rue, parce qu’on ne sait jamais… je m’enquis de la situation. Il s’avérait que le civil était en fait un militaire, un membre des forces armées nationales ! Le policier qui s’était pris pour Francis Ngannou se retrouvait dans la situation d’un croyant coupable du plus invraisemblable des blasphèmes. Ce n’était pas le civil lambda sur lequel ses comparses et lui avaient l’habitude de passer leurs humeurs et de brimer pour un oui ou pour un non ! La situation était trop rocambolesque pour que je passe mon chemin sans chercher à en savoir plus!
Un véhicule de patrouille de police passait justement et s’arrêta à cause de l’attroupement qui ne cessait de prendre des proportions au point de quasiment bloquer la circulation. Le militaire était déchainé- à l’extrême. Ses amis se sont mis à plusieurs pour le bloquer afin de l’empêcher de voler dans les plumes de notre cher agent à la main leste.
Dès qu’ils ont compris de quoi il s’agissait, les patrouilleurs démarrèrent leur véhicule et mirent les voiles sans demander leur reste, abandonnant leurs frères d’armes, qui n’en menaient pas large malgré leur semblant de rodomontades.
Les quolibets fusaient çà et là de la foule qui avait pris fait et cause pour le militaire agressé. On entendait des propos du genre : » Bien fait pour eux ! Ils ont tellement le coup de poing facile. Qu’ils essayent de l’embarquer pour voir. On va bien s’amuser… »
J’apprendrais d’ailleurs, que parmi les hommes qui retenaient le soldat furibard, se trouvait au moins un gendarme ! De mieux en mieux… Le Ciel, ou le karma, avait vraiment un sens de l’humour particulier ! Nos policiers n’en menaient pas large. Ils avaient agressé le mauvais civil. Civil, qui d’ailleurs leur promis monts et merveilles question règlement de compte !
Notre héros malgré lui s’en alla, quasiment poussé de force par son ami gendarme, non sans vociférer des promesses à nos shérifs tropicaux, leur assurant sur tout ce qu’il avait de cher que l’affaire n’allait pas en rester là. C’est le minimum que souhaitait la foule spectatrice frustrée car estimant que ce show avait un goût d’inachevé.
Le principal protagoniste parti, nous n’avions plus d’autre choix que de nous disperser. Le sentiment général que j’entendis dans plusieurs bouches était que c’est bien dommage que le FACA n’ait pas appelé ses frères d’armes afin de corriger ces policiers indélicats qui n’inspiraient décidément la sympathie à personne. En somme, que des pensées bienveillantes et apaisantes !

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