ET SI L’ON PARLAIT UN PEU DE « LA FAMILLE »…
Famille. Ah « LA FAMILLE » ! Parlons-en donc, parlons-en un peu. Avec AMOUR et même dévotion si l’on veut. Mais sans langue de bois ni fioritures. Surtout sans HYPOCRISIE ni pudibonderie.
« LA FAMILLE » ?
« La famille c’est sacrée », «La famille avant tout », « La famille d’abord », « la famille, c’est notre premier et dernier refuge », « la famille, c’est notre forteresse » « la famille c’est la chose la plus importante au monde », « la famille c’est notre unique secours dans l’épreuve et la douleur », « Si le monde nous abandonne, la famille ne nous abandonnera jamais », « s’il peut arriver que tout le monde nous trahisse, la famille, elle, nous protège toujours quoiqu’il advienne », « la famille, c’est ce qui reste quand on n’as plus rien», « la famille c’est ci, la famille c’est ça » …et patati et patata.
Soit.
Que de discours élogieux et de formules dithyrambiques n’entend-on donc pas ! Que de superlatifs doucereux, d’expressions gracieuses et bienveillantes, dès lors qu’il s’agit de « LA FAMILLE » ! Et tout le monde y croit. Et chacun y va gaiement de sa petite chanson naïve…jusqu’au jour où survient la fausse note. Et elle survient si souvent cette fausse note. Celle de l’odieuse trahison et de la désillusion fatale. Celle du triple reniement de Pierre précédé du baiser de Judas. Celle de la perversité d’une détestation hypocrite longtemps entretenue et qui finit par s’éclater.
Du coup, lorsque j’entends le mot « FAMILLE », je sors mon revolver !
Chut ! De grâce, ne vous échappez pas. Et que chacun se rassure, et que tout le tout le monde comprenne : ce n’est point pour tirer que j’ai dégainé. C’est Simplement pour me protéger de « LA FAMILLE ». « LA FAMILLE », cette entité si noble, si innocente mais malheureusement si vulnérable, que certains de ses membres parviennent à la manipuler tel un couteau à double tranchant, ne laissant à d’autres membres nul autre choix que celui de s’entourer de précautions, d’être en permanence sur leur garde, et même de devenir méfiant au point de se replier dans leur dernier retranchement. Voyez-vous donc ? Quand je dis « lorsque j’entends le mot Famille, je sors mon revolver », je ne suis pas pour autant subitement devenu fou. Et quand bien même je le serais devenu, ce n’est point à la manière de ce cinglé d’Herman Goering et son groupe d’officiers nazis qui, en la travestissant, ont contribué paradoxalement, à rendre aussi célèbre que rébarbative la fameuse citation de l’écrivain et dramaturge allemand Hanns Johst : Lorsque j’entends le mot « Culture », je sors mon revolver !
Mais passons. Commençons par le commencement. C’est –à-dire par cette question simple : qu’est-ce donc pour vous « LA FAMILLE » et ce qu’elle représente? Je pressens qu’ici commencent également toutes les difficultés, tous les problèmes. Car chaque fois qu’on veut parler de « LA FAMILLE », tout essai de définition, ou plutôt la moindre tentative pour circonscrire « LA FAMILLE », ainsi que les explications subsidiaires qui s’ensuivent, varient systématiquement d’un individu à l’autre. Du conservateur à l’iconoclaste, de celui qui a son expérience de « LA FAMILLE » à l’autre qui a « bénéficié » de l’expérience contraire ; de celui qui clame en public une chose et avoue une autre en privé ; de celui qui dit n’importe quoi pour plaire aux autres ou faire comme tout le monde, fut-il en désaccord profond avec lui-même ; de tous ces individus dis-je, l’on en arrive à remplir un sac plein de tout et son contraire. Et voilà ! Nous nous perdons tous en conjectures. Fatalement. Qu’à cela ne tienne.
À la vérité, il en est de « LA FAMILLE », comme du TEMPS selon Saint Augustin : « Si personne ne me le demande, je le sais bien ; mais si on me le demande, et que j’entreprenne de l’expliquer, je trouve que je l’ignore. »
Essayons donc de faire simple et tenons nous en à ce qui semble être le fondement même de l’idée que la plupart des gens se font de « LA FAMILLE » : LE LIEN DE SANG. Que ce SANG soit concentré, moins épais, dilué, et même transparent pour ainsi dire. À ceux qui ne l’auraient pas compris, j’entends par « sang concentré, moins épais, dilué, et même transparent exactement la même chose que famille en ligne directe ou famille nucléaire – sang concentré – ; famille élargie ou « grande famille » – sang moins épais, liquide ou clair etc. Du coup, avec ces distinctions, naissent également diverses considérations. Mais là n’est pas notre sujet principal. Revenons-en donc à nos fameuses expressions du début : « La famille, c’est sacré » et le reste de la litanie ci-dessus.
À mon humble avis, toutes ces idées que l’on veut se faire de « LA FAMILLE », toutes ces formules ou expressions dont on a fini par doter ou enrober « LA FAMILLE », traduisent un malaise fondamental. À dire vrai, ces éloges de « LA FAMILLE », visent et servent à cacher – d’ailleurs assez mal -, des réalités pourtant douloureuses et cruelles mais bien souvent invisibles – si ce n’est tolérées -, de ce qu’est « LA FAMILLE ». Aussi, quand bien même l’on se flatterait et chercherait à se convaincre et à se réjouir à l’idée que « LA FAMILLE » est notre forteresse, qu’elle nous protège, ne nous trahira jamais quoiqu’il advienne et bien d’autres choses dans le genre, chacun finit un jour ou l’autre à passer par une expérience personnelle qui l’amènera à comprendre que toutes ces affirmations sont de véritables contresens et manquent de consistance.
À analyser finement, tous ces « doux refrains », toutes ces effusions de gratitude, toutes ces flatteries constantes ainsi que toutes ces colonnes d’apothéose que le monde nous a appris à dresser sans discernement et sans réserve à « LA FAMILLE », relèvent au final de la manipulation des esprits, et fournissent la preuve s’il en était besoin, de l’ d’HYPOCRISIE COLLECTIVE que nos sociétés entretiennent, et transmettent depuis des générations. Autrement dit, nos sociétés devraient cesser de considérer et admettre « LA FAMILLE » dans sa forme la plus éculée. « LA FAMILLE » en tant que bande d’hypocrites et d’opportunistes unis pas le sang.
Que l’on se comprenne bien : je ne suis guère en train de remettre en cause « LA FAMILLE » en tant que première cellule à partir de laquelle germent et éclosent toutes les autres cellules sur lesquelles nos sociétés sont construites. Je ne renie nullement « LA FAMILLE » en tant que lieu de tous les commencements, l’endroit où l’on apprend et celui dont on rêve. Mais de là, à considérer que « LA FAMILLE » c’est sacrée ou qu’elle est « notre premier et dernier refuge », et « notre grande protectrice », même dans ce qu’elle a de plus complexe, de plus violent et de plus répugnant ; même quand « LA FAMILLE » se révèle une caverne de renards trompeurs, une tanière de loups revêtus de peaux d’agneau, un nid de hiboux aux regards gluants, un asile de haineux et de jaloux, dans ces cas dis-je, il y’a un pas que je refuse de franchir. Je refuse de tomber les yeux ouverts au fond du gouffre béant et de me laisser prendre piège de tendu par gourous et autres prêtres de la religion « LA FAMILLE ».
Non, « LA FAMILLE » – qu’elle soit de sang concentré, épais, ou dilué et tout ce que l’on voudra -, n’est pas ni sacrée, ni notre refuge sûr, ni notre protectrice ; elle n’est ni essentielle, ni la chose plus importante sur cette terre. Cela se saurait. Toutes ces affirmations et considérations sociales que nous avons souvent fini par prendre pour paroles d’évangile, ont été bien souvent à l’origine des angoisses et détresses émotionnelles graves, dès lors qu’elles sont démenties par les faits. C’est le cas par exemple, quand certaines personnes découvrent sur le tard, qu’elles ont vécu de longues années, côte à côte sous le même toit, avec des frères et sœurs qu’elles croyaient connaître, alors qu’en fait, ils ignoraient tout les uns des autres. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la violence inouïe avec laquelle certains conflits familiaux – à propos de l’héritage laissé par les parents par exemple -, se règlent. L’on aurait dit des tribus sauvages de l’Australie au 18ème siècle. Ce qui pousse d’ailleurs à penser, dans certains cas, que ne pas avoir de « LA FAMILLE », vaut beaucoup mieux que d’avoir une famille à vomir.
Sur un autre registre, voici ce que dit un proverbe bien connu en Centrafrique – il en existe je crois des versions plus ou moins similaires ailleurs : « Tongana famille ti mö à douti na ndjoni ndo, mö kê tè fango lë ti kondo apè ». Littéralement, ceci donne à cela: si un membre de ta famille est assis à une belle place, tu ne peux manger un poulet aux yeux crevés ». Pour aider à mieux comprendre, reformulons ainsi : celui qui a un parent bien placé fait bonne chère. Cela dit, toute personne socialement (professionnellement) bien assis, a l’obligation de s’occuper de tous les membres de sa famille. Et si l’on pousse la déduction encore plus loin, on peut dire. Quiconque n’a pas de parent socialement ou professionnellement bien assis, mourra de faim ou n’existe pas.
Toutes les fois qu’il m’est donné d’entendre prononcer ce proverbe, je me dis toujours intérieurement. « Hélas ! Si ceux qui utilisent cet adage, avait seulement conscience de tous les torts qu’a causé et causent encore à notre pays, cette manière égoïste de vois les choses et de considérer la vie ! ».
Sans entrer ici dans les détails de ma réflexion, je crois cependant pouvoir avouer sans me tromper, que ce proverbe et peut-être d’autres encore du même genre, sont à la base et expliquent la persistance de l’un des maux dont souffre gravement la RCA et qui a pour nom : NEPOTISME. Ou « Abus de quelqu’un qui use de son autorité pour procurer des avantages aux gens de SA FAMILLE »
C’est là un exemple de ce que les « fausses » considérations et importances, ainsi que tous privilèges accordés par la société à « LA FAMILLE », se retourne contre cette même société. L’on se rappellera que les Centrafricains s’étaient plaints hier de ce que le défunt Président KOLINGBA par exemple, avait réservé aux membres de SA FAMILLE , l’ensemble ou l’essentiel des hautes responsabilités administratives, politiques, militaires, économiques et financières. Et aujourd’hui, c’est au tour du Président TOUADERA de subir exactement les mêmes griefs.
N’avons-nous donc pas dit que: « Tongana famille ti mö à douti na ndjoni ndo, mö kê tè fango lë ti konfo apè » ?
Il faut donc savoir ce que l’on veut !
Il nous faut revoir certaines valeurs sur lesquelles nos familles et nos sociétés se fondent, s’organisent, et fonctionnent. Cela passe nécessairement, par un véritable changement des mentalités. Une fois de plus.
Beaucoup de choses restent néanmoins à dire au sujet de la famille, et que je ne pouvais envisager de traiter dans un seul et même article.
En définitive, j’incline à croire que ce n’est point par le lien du sang que doit se déterminer la véritable famille, mais plutôt par le choix du cœur. Certes, on ne choisit pas sa famille – ou les membres qui la composent -, avant de naître. Mais qu’est-ce qui nous oblige et nous condamne à subir « LA FAMILLE », jusqu’à la fin de notre vie ? Dans certaines circonstances, une FAMILLE D’ESPRIT ET DE CŒUR, née de rencontres au cours desquelles se sont tissées de véritables relations individuelles productives, et fondée sur des relations sociales généreuses, ne vaudrait – elle pas mieux que « LA FAMILLE » de chair, qui ne subsisterait que pour sauver les apparences en attendant de disparaître ?
« LA FAMILLE » c’est sacrée dit-on ? Mais LA FAMILLE D’ESPRIT ET DE COEUR ou encore FAMILLE CHOISIE l’est tout autant. Sinon plus.
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