Vos plumes

RETROUVAILLES

UN WEEKEND DES PLUS BANALS QUI SOIENT!

Il est des fins de semaines qui apportent leurs lots d’ondes positives propagatrices de joie, de paix, de fraternité et d’amour. Ce fut le cas, un vendredi après-midi, lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique d’Olivier, un ami de ma connaissance résidant à Kampala en Ouganda, et qui, en raison de ses affaires, séjourne régulièrement dans la capitale centrafricaine. D’où à l’occasion, ces coups de fil d’Olivier, d’ordinaire passés entre deux courses dans le centre-ville pour me signaler sa présence. Et souvent, à peine ai-je décroché, qu’à l’autre « bout des ondes », toujours cette même voix familière et pleine de vie, me lançant dans la langue de Shakespeare : « Hello bro ! I am around. Let’s plan something together. »
Une fois ensemble après des mois de séparation, c’est au restaurant, en journée ou en soirée, que nous avons l’habitude de célébrer nos retrouvailles. Toujours avec le même plaisir et dans la bonne humeur, autour d’un bon repas modestement arrosé. Entre amis, nous passons ainsi du bon temps à échanger de tout et de rien ; à parler de nos défis et du cours que prennent nos vies ; à constater que le temps est bien loin où nous étions de la  »next generation » comme disent les anglophones ; une façon de prendre conscience et de reconnaître que l’ampleur des responsabilités qui incombent aujourd’hui à notre génération ainsi que celle de la réalité de tous les combats qui l’oppose à ses propres géants.
Ces retrouvailles du vendredi furent empreintes d’une certaine gravité. Les aléas de la vie, telle la pandémie qui avait impacté nos vies professionnelles et privées avaient légèrement déteint sur nous. Mais le sourire et l’optimisme étaient toujours là ! Il a régné durant cette soirée un sentiment de nostalgie car c’était la première fois que nous nous retrouvions juste tous les deux, sans les autres amis éparpillés sur tous les continents.
L’apothéose du week-end sera un moment de réjouissance entre amis et parents durant lequel nous avons fait honneur à la diversité de la cuisine locale. Ce repas fraternel fut pour nous une sorte de catharsis collective. Les travers de notre société ainsi que les loufoqueries vécues par les uns et les autres furent tournées en dérision.
La conception tordue du concept genre, le népotisme, la jalousie, la religion, la politique furent quelques-uns des sujets qui ne purent échapper à notre razzia humoristique. Les fous rires atteignirent leur paroxysme à l’évocation des turpitudes de la coalition rebelle de la Seleka après leur prise du pouvoir entre 2013 et 2014. Nous fûmes unanimes pour convenir que la dizaine de mois qu’a duré leur gestion de la chose publique fut psychologiquement éprouvante. Ça pétaradait à tout bout de champs pour n’importe quelle raison. Les psychotiques, toujours sur le qui-vive, que nous étions devenus se mettaient à courir pour un oui ou un non !
Aboudou racontera que ce fut le cas un jour, alors qu’il était assis avec son petit frère et ses sœurs devant le portail de la maison familiale. Il y eu, subitement une salve nourrie de tirs d’armes automatiques. Les gens se mirent à courir dans toutes les directions sans savoir ce qui se passait, ni d’où étaient tirés ces coups de feu. Notre narrateur et sa fratrie ne furent pas en reste. Leur « avantage » était qu’ils avaient juste à ramasser, pour ceux qui en ont eu le réflexe, leurs tabourets, bancs, chaises et se réfugier à l’intérieur. Aboudou voulu fermer à double tour le portail. Il se fallut de peu qu’il ne reçût le battant du portail en pleine figure !
La cause en était l’abbé Gaspard, qui ayant fait un saut à la Bruce Lee avait repoussé l’embrasure du portail, en criant d’un ton plus désespéré qu’empreint de foi : « Au nom de Jésus ! » L’homme d’église était, par le plus malheureux des hasards, dans les parages lorsque la fusillade avait éclaté ; Mû par un instinct de survie, il avait foncé vers la demeure la plus proche. Celle, justement, de notre ami qui voulait, en toute ignorance, lui fermer au nez la porte du salut ! Aboudou, dû faire appel à tout son sens de l’équilibre pour ne pas se retrouver fesses à terre.
Notre abbé karatéka fit, telle une flèche, le tour de la maison, et commença à escalader le mur mitoyen pour sauter chez les voisins. Et ainsi de suite. La poussée d’adrénaline opère vraiment des miracles ! Nous étions morts de rire à l’écoute de cette histoire.
Nous n’étions plus des adultes confrontés à diverses pressions quotidiennes ; Mais juste de grands enfants qui étaient heureux de prendre du bon temps ensemble ! Nous nous sentions connectés les uns aux autres grâce à un lien tissé de paix et d’amour fraternel. La sérénité, un respect teinté d’affection, des ondes de paix et de joie, tel était l’ADN de ces agapes.
Bien que vivant dans un pays en crise et ayant vécus moult et inexplicables atrocités, nous renvoyions une image de centrafricains fiers, pleins d’allant, confiants et résolus à ne pas prêter le flanc à la compromission ; des centrafricains résistant à la corruption morale ambiante, qui telle une lave incandescente de violence, de haine, de félonies et autres bassesses morales, affecte notre société.
C’est aussi ça la République Centrafricaine.
Ce n’est pas que ça mais c’est aussi ça !

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