« Baba satan é ga la so na da ti mo, baba satan mo ba éééé… » (Papa satan nous voici dans ta maison…). C’est sur cette version d’un cantique des plus célèbres que la messe est dite en la cathédrale Notre Dame de la Grande Bergerie de la Perdition Éternelle, commence comme à l’accoutumée.
Ces messes plus que noires se suivent et deviennent de plus en plus ténébreuses. La cathédrale a tendance à être archipleine à l’approche de certaines échéances religieuses, comme celle devant procéder à l’élection du Représentant sur terre du Berger suprême qui aura pour mission de guider ce peuple de ruminants dévoués sur le chemin de la damnation perpétuelle. Les veaux, les moutons, les boucs et autres ruminants, toute tendance politique confondue, n’ayant pas trouvé place dans la nef s’agglutinent sur l’esplanade de la cathédrale. Et ceci, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il y ait une tempête de poussière, occasionnée dans ce cas précis, par les rues et routes non asphaltées des villes et des villages de la Théocratie Indigne et Désunie du Désœuvrement des Aliénés Assumés !
Je vous entends déjà pousser des cris d’orfraie, insinuant qu’un saupoudrage a lieu, de temps à autre, afin de combler les cratères qui provoquent entorses et foulures aux fidèles adorateurs citoyens de cette nation qui a tout d’un asile à ciel ouvert. Je suis bien obligé de convenir avec vous qu’il est de bon aloi de fournir, de temps à autre, de l’avoine avariée aux ruminants de Panurge afin de leur donner l’illusion que le Guide suprême se soucie de leur bien-être. Surtout, justement, à l’orée d’éventuelles mascarades de consultations populaires !
L’adoration du veau d’or, qui est la personnification du Guide suprême de l’abrutissement général ne souffre aucune contestation. Les bêlements du veau pernicieux sont parole d’évangile et ne sauraient être analysés, critiqués, encore moins contredits ! Il est plutôt recommandé et encouragé, de s’exercer de toutes ses forces, à développer des compétences en mimétisme dans le dessein d’imiter, du mieux qu’il soit possible, le mugissement du bovin maléfique. Les réfractaires à cette religion sont qualifiés d’hérétiques indignes de fouler la sacro-sainte terre nationale. À croire qu’il y en a qui sont locataires et d’autres propriétaires…
Le plus malheureux est que ces mêmes fanatiques, pour peu que leur divinité maléfique leur tourne le dos et fasse fi de leurs incantations, ils deviennent subitement des membres tapageurs de la Secte des opposants illuminés. Il s’agit là d’une société secrète aux nombreuses ramifications et loges, communément appelées partis politiques. Le Grand maître unifié de la majorité de ces loges s’appelle Talleyrand. Le gourou des retourneurs de veste dont la philosophie est la colonne vertébrale des rites et pratiques de la multitude de ces opposants alimentaires.
Le moment le plus…intéressant est celui de la quête durant laquelle, chacun de ces fidèles, à qui on prêterait le bon dieu sans confession, apporte son offrande qui prend la forme de la meilleure calomnie ou diffamation, de menaces (surtout de mort) les plus improbables qui soient, d’expropriations, d’injustice institutionnalisée, de carnages humains, de tromperies, de détournement de deniers publics, de promotion de la médiocrité et de la crétinerie, et j’en passe. La liste ne saurait être exhaustive.
Des offrandes et libations qui sont appréciées à leur juste mesure par le Clergé du Pandémonium de la Division Internationale, qui fait parfois semblant d’être divisé, et qui facilite le processus du choix du prochain guide élu. Tout en se targuant bien évidemment d’une impartialité que seuls celles et ceux qui ont mis leur cerveau au chômage peuvent croire ! C’est du moins l’impression que cela donne, tant les membres de ce Collège des cardinaux semblent insensibles aux souffrances de celles et ceux qui ne fréquentent pas cette chapelle, et refusent de se laisser lobotomiser le cerveau.
Ces irréductibles récalcitrants moraux sont affublés du sobriquet « d’athées ». Terme, qui dans la psyché de leaders des ténèbres sonne comme la pire des injures. Un athéisme qu’ils se doivent de combattre de toutes leurs forces. Sinon, ce mal pourrait, tel une pandémie se propager au sein de toute la population et la réveiller de sa douce et envoutante torpeur. Les ruminants se transformeraient alors en prédateurs de l’obscurantisme moral et spirituel. Une persécution savamment orchestrée est ainsi mise en œuvre pour éradiquer ces anathèmes qui remettent en cause le dogme de la médiocrité et de la malhonnêteté qui régissent la communauté.
Athées cérébraux nous-sommes ! Nous assumons notre statut de parias !
Nous acceptons notre marginalisation d’hérétiques, ayant décidé de conduire une fronde, en initiant des mouvements de réveils moraux. Nous pouvons donner l’impression de crier dans le désert. Mais c’est comme une semence plantée et qui portera son fruit en son temps.
Que les uns et les autres pataugent dans la boue de l’inconcevable. Grand bien leur fasse.
Nous vous observons seulement.
Nous nous retrouverons, tôt ou tard, au grand bal populaire qui suivra cette messe noire. Car il faudra bien qu’elle prenne fin un jour ! Un homme sage a dit qu’il y a un temps pour tout sous le soleil. J’ajouterai qu’il y a un temps, en effet, pour les sabbats nocturnes. Mais qu’il y en a un aussi pour les cultes d’actions de grâce publique afin de célébrer le commencement d’une ère de paix et de joie.
Soyez sûrs qu’un jour ce sera un des nôtres, qui officiera comme DJ sur les platines de la vie publique et sociétale. Nous vous montrerons alors les pas de danses à la mode chez les personnes sensées.
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