EN VEDETTE

KATE KALLOT, FONDATRICE D’AMINI

L’ÉTOILE MONTANTE DE L’IA AFRICAINE

Par Farah SADALLAH de Jeune Afrique

À seulement 33 ans, elle est à la tête de l’unique agrégateur de données climatiques en Afrique basé sur l’intelligence artificielle. Distinguée par Time Magazine en 2023, la dirigeante au CV atypique fait partie des 100 personnes les plus influentes dans l’IA.
« Ma passion pour la technologie, c’est le meilleur diplôme que j’ai eu », s’exclame en riant Kathleen « Kate » Kallot. En visioconférence depuis les bureaux d’Amini, sa start-up basée à Nairobi, au Kenya, la jeune Française (33 ans) d’origine centrafricaine a le rire facile, surtout quand il s’agit de revenir sur son parcours atypique.
Après des études de droit et de sciences politiques à Marseille pour être avocate, puis une école de communication à Lyon pour devenir journaliste, Kate Kallot s’est finalement tournée vers l’intelligence artificielle (IA).
En novembre 2022, elle pose ses valises au Kenya, où elle crée sa plateforme de traitement de données climatiques à destination des agriculteurs, des assureurs, des banques ou encore des entreprises, dans le but de prévenir, grâce à l’IA, les changements environnementaux sur le continent africain. L’autodidacte en intelligence artificielle a choisi Nairobi notamment pour se rapprocher des nombreuses compétences technologiques du pays, mais également des investisseurs et de certains centres de décision comme le siège africain des Nations unies.
« Nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas de données accessibles sur le continent, car les satellites existants ne sont pas adaptés à l’Afrique », explique celle qui s’attache désormais à trouver une croissance durable et des revenus pérennes pour son entreprise. D’ici à 2025, Kate Kallot compte lancer sa propre constellation de satellites africains. « Nous sommes en pleine conception de notre premier satellite, et nous annoncerons nos partenaires dans le courant de l’année », indique-t-elle.
Tokyo, le choc technologique
Sensible aux enjeux climatiques – elle interviendra sur ces sujets au prochain forum de Davos –, la trentenaire a déjà réalisé d’importantes levées de fonds. La dernière en date est celle de 4 millions de dollars, intervenue en novembre 2023 et dirigée par la firme de capital-risque Female Founders Fund et par Salesforce Ventures Impact Fund. Cet apport doit permettre à la start-up d’accélérer la fourniture de données agricoles afin de rendre les cultures plus résilientes, de réduire les risques liées à la chaîne d’approvisionnement de l’agroalimentaire et d’aider des initiatives comme le Programme de financement des risques de catastrophe en Afrique (Adrifi, géré par la Banque africaine de développement) à mieux prévenir les risques via des mécanismes de garantie.
Pour en arriver là où elle est aujourd’hui, la jeune femme issue d’une famille originaire de Centrafrique et née à Pontoise, en banlieue parisienne, a mené une carrière exemplaire, dans les pas de son grand-père, Joseph Kallot. Diplômé de l’académie militaire de Saint-Cyr, celui-ci a travaillé pour Interpol avant de retourner dans son pays d’origine, où il est devenu commissaire de police.
« Il a été assassiné par [Jean Bedel] Bokassa dans les années 1970, raconte Kate Kallot. L’histoire de mon grand-père a été une motivation énorme pour moi. Il a voyagé dans le monde entier, puis il est revenu pour faire le bien dans son pays. » Un modèle qui la suit encore aujourd’hui. « Ma famille me dit que je leur rappelle mon grand-père », poursuit-elle en riant.
Sa passion pour la technologie née lors d’un semestre d’étude à Tokyo en 2012 dans le cadre de son école de communication, l’Efap. « J’étais passionnée par le Japon », raconte l’entrepreneure, qui suit sur place un cours consacré au marketing dans la technologie, dispensé par un directeur de chez Sony. « Il nous a expliqué comment la technologie pouvait changer les comportements et influencer les cultures. Par exemple, au Japon, le regard sur les autres cultures a changé grâce à l’intégration de personnes de couleur dans les publicités. J’ai découvert le pouvoir de la tech sur les gens. Après ça, j’ai eu envie d’influencer de manière positive les comportements via la technologie », se rappelle-t-elle.
Intel et la découverte d’une passion
De retour en France, Kate Kallot décide de postuler chez Intel à Paris pour son stage de fin d’études. « C’est à partir de ce moment-là que ma carrière dans la tech a commencé », se remémore la fondatrice d’Amini. Elle est d’abord embauchée sur un poste opérationnel en Angleterre en 2014, puis, en 2015, son ancien directeur à Paris fait appel à elle en Pologne afin d’intégrer l’unité business d’Intel. « Je devais travailler sur les technologies émergentes en Europe, c’était ma première introduction à l’IA », raconte-t-elle.
Kate Kallot est ensuite envoyée à Portland aux États-Unis. Une fois en poste, elle et son équipe intègrent Movidius, alors rachetée par Intel en 2016. Là-bas, elle devient manager en produits IA. Ce changement marque un tournant dans sa carrière. « C’est mon plus gros challenge, c’est ce qui m’a vraiment lancé », affirme la cheffe d’entreprise.
En l’espace de trois mois, elle a dû lancer une clé USB à destination des professionnels, permettant de développer des modèles IA. « Il a fallu que j’apprenne l’apprentissage automatique, l’IA, à coder… », se remémore-t-elle. « C’était un produit avancé pour son temps. Et en trois jours, 3 000 pièces ont été vendues, nous étions en rupture de stock. » Une prise de conscience s’opère alors chez elle : « C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais faire de l’IA, être ingénieure, parler ce langage, manager des développeurs, mettre de la tech dans les mains de tout le monde, la démocratiser. Cette expérience m’a montré que je n’avais pas de limite : je n’ai pas suivi un parcours technologique, mais j’ai pourtant réussi. »
Propulsée directrice à 30 ans
À la suite de ce succès, la carrière de Kate Kallot décolle. À moins de 30 ans, elle est nommée directrice des solutions d’IA chez Intel. Mais cela ne lui suffit pas. « J’avais envie de travailler sur des technologies qui ont un impact dans le monde », poursuit-elle. La spécialiste de l’IA quitte donc Intel en janvier 2019 pour intégrer le britannique Arm, leader mondial des microprocesseurs pour téléphone mobile.
Désormais directrice de l’IA, elle encourage en plus la société britannique à se développer en Afrique et sur les marchés émergents. « Je n’ai jamais oublié mon grand-père et mes racines, j’ai toujours eu la volonté de travailler pour l’Afrique, d’aider le continent à se développer », soutient-elle. Moins de deux ans après son arrivée, Kate Kallot se fait débaucher par le géant américain Nvidia, en 2020. « Le CEO voulait me parler. Je commençais à être connue dans le domaine, notamment dans le fait de donner accès aux technologies à tous, y compris au sein des marchés émergents. C’est ce que voulait Nvidia. C’était la première fois qu’ils s’y intéressaient », explique la jeune femme.
C’est en novembre 2022, alors qu’elle participe à la COP27, que lui vient l’idée de créer sa propre société. « J’ai tenu une présentation sur les interconnexions entre les technologies émergentes, le capital naturel et les ressources en Afrique. Il y avait des ministres et des experts du monde entier. Ils m’ont dit que ma technologie pouvait les aider, car il n’existait pas de données environnementales en Afrique », raconte Kate Kallot. « J’ai compris à la COP que tout était lié », se souvient-elle.
Alors quand la jeune femme rentre de Charm-el Cheikh, elle quitte Nvidia pour lancer Amini. « J’ai toujours voulu construire une infrastructure en Afrique pour aider les gens. Comment puis-je élever un continent d’un milliard d’habitants ? C’est mon obsession », affirme-t-elle.
Aujourd’hui entourée d’une quinzaine d’employés, dont des développeurs ayant déjà travaillé pour la Nasa, Arm, Apple ou encore Huawei, « tous avec une attache à l’Afrique », la dirigeante insiste sur l’« ambition » d’Amini, qui est de « résoudre ce problème de données en Afrique ». Et espère « qu’il y aura des centaines d’applications qui se construiront grâce à ces données : cela attirera les capitaux et améliorera la vie sur le continent ».

Source:https://www.jeuneafrique.com/1522989/economie-entreprises/kate-kallot-fondatrice-damini-et-etoile-montante-de-lia-africaine/

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