Éducation et santéEN VEDETTE

SAIS-TU DIRE DES MOTS D’AMOUR À TES PARENTS?

Rien n’est plus beau que l’amour, cela ne fait aucun doute. Aimer et être aimé, tel devrait être pour l’humanité l’idéal le plus harmonieux, et pour chaque être humain, le rêve le plus délicieux. Ne pas le reconnaître ou prétendre le contraire, c’est soutenir en définitive la dérive furieuse et permanente de notre monde comme il va aujourd’hui, c’est-à-dire très mal.
Et voici la question qui me taraude l’esprit : en famille, savons-nous seulement nous dire des mots d’amour ?
Une nécessaire clarification pour commencer : je ne parle pas ici de l’amour tel qu’il se VIT ou s’exprime à travers des faits et gestes, ni des comportements ou des manières de faire et d’être, ni des preuves d’amour pour rappeler le refrain populaire « l’amour n’existe pas, il n’y a que des preuves d’amour ». Ici, ma pensée penche plutôt vers cet amour comme il se DIT, ou devrait se DIRE en famille et avec des MOTS. En d’autres termes, des mots pour dire ou se dire l’amour entre père et mère, parents et enfants, frères et sœurs.
En effet, n’est-il pas merveilleux d’arriver dans une famille, et de constater le naturel, la facilité, la spontanéité et la sincérité avec lesquels les enfants par exemple, couvrent leurs parents de leur « papa je t’aime – maman je t’aime », et d’entendre en retour, les parents répondre tout autant à leurs mômes par un « moi aussi je t’aime » ? Ou encore, n’est-il pas beau, de voir un enfant se jeter dans les bras de son grand-père (ou sa grand-mère), grimper sur ses genoux, et lui souffler à l’oreille de sa voix fluette « papy (ou mamie), sais-tu que je t’aime ? ». Dans ces moments, peu importe si derrière la tête de l’enfant, se profile quelque petit calcul de bambin – l’espoir de recevoir une friandise par exemple -, que d’ailleurs les parents et grands-parents jouent souvent à ignorer. Le plus beau et le plus important ici, c’est l’amour qui trouve à s’exprimer par des MOTS sortis de la bouche d’un enfant.
Personnellement, l’amour clairement DIT, cet amour-là, je n’ai pas en mémoire de l’avoir vécu ou connu. Et beaucoup d’amis de ma connaissance et de ma génération avec qui j’ai quelques fois échangé sur ces sujets, eux non plus, ne se souviennent pas d’avoir un jour dit « papa ou maman je t’aime », ou d’avoir entendu leurs parents leur DIRE « mon fils, ma fille je t’aime ».
Mais que l’on se comprenne très bien sur ce point précis. Je ne suis pas en train d’affirmer que dans ces cas que je souligne ici, l’amour était totalement inexistant entre les membres de ces familles. Bien au contraire. Simplement, cet amour souvent intense, se VIVAIT en silence par habitude et donc sans pouvoir s’exprimer par des mots que l’on s’échange.
À la réflexion, je note au moins deux difficultés susceptibles d’expliquer peut-être cet état de fait. Il s’agit d’une part, des barrières découlant de la langue dite maternelle qui est la première langue de communication pratiquée par l’enfant. Dans le cas centrafricain, il existe en saango – notre langue maternelle -, des limites dues à la pauvreté du vocabulaire usuel ou courant. Ensuite, il se trouve que dans les familles en RCA comme je l’ai déjà dit, l’amour se VIT plus qu’il ne se DIT.
En ce qui concerne la langue maternelle, je me suis souvent posé ces questions : comment dit-on en saango « papa, maman je t’aime », ou encore « Je t’aime ma fille, je t’aime mon bébé » par exemple ? Et si la traduction littérale est possible, peut-on affirmer que la chose telle qu’elle se dit et s’entend en français, fait-elle partie des habitudes de communication du Centrafricain ? Je doute que non, même si je peux me tromper. Sinon, je serais curieux de savoir s’il existe des familles centrafricaines de votre entourage au sein desquelles, parents et enfants, se disent entre eux, et aussi aisément que couramment « je t’aime. » en saango.
Par contre – ce dont je suis certain-, dans la plupart des dialectes de diverses ethnies de Centrafrique, l’on retrouve une quantité de mots et d’expressions courantes pour dire « je t’aime » à son père, sa mère, ses frères ou ses sœurs. Ainsi par exemple en ngbandi (yakoma), les interjections « aé maé ! » à sa maman ou « aé baba o ! » à son père (par extension à sa fille ou à son fils), reviennent entre autres à DIRE son amour, à témoigner de son affection envers l’autre.
S’agissant de la seconde difficulté, il convient de reconnaître qu’en Centrafrique comme dans beaucoup de pays du continent, l’on préfère souvent VIVRE l’amour à travers des faits et gestes, que de le DIRE par des mots. L’enfant autant que ses parents, savent ainsi lire et apprécier à leur juste valeur, ces différentes manifestations de l’amour. Pour le père ou la mère, ce sera par exemple le fait de prendre et de garder l’enfant pendant longtemps dans ses bras ou sur ses genoux, l’embrasser, lui dire mille et une choses gentilles. Pour l’enfant qui voit son père arriver du travail ou sa mère revenir du marché, ce sera le fait de courir et l’accueillir en chantant « mama – ou papa -, a ga wê » suivi quelque fois d’un « nzaara ounzi », le tout plusieurs répétés en boucle, ce qui se traduit par « maman – ou papa- est arrivé, finie la faim ». Une belle façon d’exprimer son amour, de témoigner sa reconnaissance.
Ainsi, l’enfant qui n’a connu et vécu que dans un tel environnement, une fois adulte, époux et père, va avoir la plupart du temps beaucoup de mal à dire ou même à s’entendre dire régulièrement par son conjoint ou sa conjointe le fameux « Je t’aime chéri(e) »,  et aux enfants, « je t’aime ma fille mon fils ». Et quand la question est posée, l’un ou l’autre vous répondra selon les cas, mon épouse – mon mari, mon fils ou ma fille – sait bien que je l’aime, et il ne peut pas dire le contraire puisque les preuves sont là. Ce qui n’est pas souvent faux mais cependant, DIRE SON AMOUR en deux mots chaleureux eut été certainement mieux.
Pour l’anecdote – et cela se passait à Bangui-, un ami de mes connaissances qui un jour avait fait l’effort de dire à son épouse « Je t‘aime », n’a rien compris de la réaction de cette dernière lorsqu’elle lui lança, furieuse : « comme ça tu commences à me confondre avec tes multiples bordelles de maîtresses et copines? Je te préviens, ne recommence plus jamais ! ».  Que dire? Soit mon ami ne lui avait jamais dit ces mots, soit elle avait perdu l’habitude de les entendre dire depuis un certain temps et c’est bien dommage.
Dans chacune de nos familles, après les premiers mots que l’on apprend généralement à prononcer aux enfants – papa, maman, bonjour -, peut-être serait-il souhaitable que dès leur bas âge, on puisse leur apprendre à dire  aussi des mots d’amour – et des mots d’excuse – à papa et maman, ainsi qu’entre frères et sœurs.
C’est souvent assez triste, lorsque survient un décès dans une famille, d’entendre certains parents, exprimer à ce moment-là leur profond chagrin les larmes au yeux, en même temps que leur plus grand regret: celui de n’avoir jamais dit, à celui qui n’est plus,  combien ils l’aimaient  Trop tard malheureusement.

GJK-Guy José KOSSA

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