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RENCONTRE AVEC NATACHA APPANAH

Par GJK
Parce que le coup de foudre littéraire est une réalité objective et sensible qu’il arrive qu’on expérimente plusieurs fois dans une vie de lecteur, la mienne compte parmi les dix meilleurs livres qui l’ont marquée à ce jour, un roman paru en 2016. Il s’agit de « TROPIQUE DE LA VIOLENCE », et son auteure n’est autre que la romancière mauricienne NATACHA APPANAH, devenue depuis lors, l’un de mes écrivains préférés.
À cette époque-là, 2015-2016, la RCA mon pays, se trouvait aux portes du meilleur des rendez-vous de son histoire, pour sortir de la grave crise militaro-civile qui la minait depuis déjà plus d’une décennie. Mais à cette époque-là aussi, il eut suffit d’un rien, pour que cette république en équilibre précaire, bascule dans le pire.
C’est alors que lisant le livre de NATACHA APPANAH, je suis tombé sur cette superbe phrase qui décrivait parfaitement et résumait clairement, la situation de la RCA, vue de ma position d’observateur et analyste :
« De là où je vous parle, ce pays ressemble à une poussière incandescente et je sais qu’il suffira d’un rien pour qu’il s’embrase. »
La plupart des Centrafricains en ce temps, pensaient sans doute la même chose. Reste cependant à savoir si depuis, la RCA s’est tirée d’affaire.
Au demeurant, c’est à MAYOTTE, île française nichée dans l’océan indien, que NATACHA APPANAH situe les faits et campe les personnages de son roman. En effet, « TROPIQUE DE LA VIOLENCE », raconte les misères d’une jeunesse qui, parce qu’elle est livrée à elle-même, va se comporter pour ainsi dire, sans foi ni loi. Recueilli à la naissance et élevé avec amour par une jeune infirmière française, Marie – qui auparavant avait rencontré CHAM et les deux avaient choisi de s’installer sur l’île -, Moïse se révolte lorsqu’il apprend la vérité sur ses origines. Le garçon décroche de l’école, et à l’adolescence, se lie avec Bruce, un jeune qui au-delà d’être pleinement habité par une rage folle, se trouve être le chef de gang du bidonville ou ghetto de Kaweni surnommé Gaza. S’ensuit l’enfer des rues, mêlé au chaos du quotidien à travers lesquels vont finalement se croiser et se dessiner cinq destins malheureux, merveilleusement racontés dans leurs détails, grâce à une écriture à la fois puissante, limpide, sensuelle et sensible.
Aujourd’hui, il suffit de lire ou relire ce livre, et l’on découvre à quel point, l’œuvre fictionnelle de NATACHA APPANAH, se rapproche des évènements bien réels qui se sont déroulés sur l’île de MAYOTTE il n’ya pas si longtemps. Et si « TROPIQUE DE LA VIOLENCE » a obtenu au total pas moins de 13 prix et autres distinctions littéraires – ce qui est un cas exceptionnel -, c’est que ce roman le mérite bien, et vaut donc la peine d’être lu.
En outre, parce que j’ai décidé de ne plus jamais rater aucune de ses publications, c’est ici l’occasion de dire quelques mots du nouvel opus de NATACHA APPANAH.
« LA MÉMOIRE DÉLAVÉE » qui vient de paraître à l’occasion de cette rentrée littéraire 2023-2024, est avant tout une œuvre qui se prête à lire, à la fois comme un manuel d’histoire, un recueil de poèmes, un récit romanesque, et même un essai philosophique.
Je me souviens encore de la grande émotion qui noua la gorge de l’écrivaine et faillit lui arracher des larmes sur le plateau de l’émission de télé, « LA GRANDE LIBRAIRIE ».
« Il y a ces minutes étranges, gris-bleu, glissantes, quand le soleil s’en va et quelque chose venu du fond des âges remonte et se rappelle à nous » écrit à juste titre NATACHA APPANAH.
Du coup, évoquer les souvenirs de grands-parents qu’on a connus et qui ne sont plus, ou plus encore, parler des conditions dans lesquelles ses propres aïeux, quittèrent leur village coolie d’Inde en 1872 pour rejoindre l’Île Maurice afin de remplacer les esclaves noirs des champs de canne, sous ce régime déshumanisant d’alors appelé « engagisme », ne peut se faire sans susciter naturellement de l’émoi.
Que dire de plus – ou à quoi penser-, quand le lecteur parcourt entre autres les lignes que voici : « Tant qu’il y aura des mers, tant qu’il y aura la misère, tant qu’il y aura des dominants et des dominés, j’ai l’impression qu’il y aura toujours des bateaux pour transporter les hommes qui rêvent d’un horizon meilleur. »
Ou encore « Mais la peine du cœur, la peine du corps, la peine prolongée de l’injustice, la peine qui se transmet comme une maladie, comment les quantifier, ces peines-là ? »
En définitive, tout le charme de « LA MÉMOIRE DÉLAVÉE », comme du reste de tous les livres de cette écrivaine, réside encore une fois de plus ici, aussi bien dans la finesse que dans la délicatesse qui caractérisent l’écriture de NATACHA APPANAH :
« J’ai toujours été fascinée par la vie qui suit un sillon bien tracé et qui soudain, par la grâce d’un hasard, par le couperet d’un drame, devient extraordinaire. Mes grands-parents ont connu les deux — la grâce et le drame. »
Retenons simplement pour conclure, que si « LA MÉMOIRE DÉLAVÉE » est à lire, c’est aussi parce qu’il suscite le désir ardent de rechercher d’où l’on vient. Ainsi saura-t-on où l’on va.

GJK-GUY JOSE KOSSA

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