Grand format de J.Gréla

GRAND FORMAT – FORUM DE BRAZZAVILLE : CENTRAFRIQUE EST UN PNEU PLUSIEURS FOIS CREVÉ QU’ON REPARE AVEC DES RUSTINES

Centrafrique a besoin de changement radical, d’un nouveau pneu et non du sempiternel colmatage qui laisse des croûtes indélébiles sur sa peau, entravent ses mouvements qui stoppent son élan dans sa lutte contre le sous-développement. L’on sait que des objectifs plus ambitieux avaient été assignés par le groupe de contact international sur la Centrafrique (une trentaine de pays et d’organisations internationales) aux participants au forum pour la réconciliation nationale et le dialogue politique à Brazzaville.  L’accord doit « fixer le cadre du désarmement et de la démobilisation des combattants des diverses milices dans le pays, et l’établissement d’une feuille de route pour un nouveau processus de normalisation politique ». Les 9 chapitres de l’accord signé sous les « wouwou » de l’assistance n’a pas tenu compte de ses recommandations. Le forum a fait son chemin dans les méandres des intérêts personnels pour aboutir à un simulacre de texte dénué de toute aspiration du centrafricain martyrisé dans son village de Liwa, de Ngrivaï-Pamia, de Batalimon, dans sa ville de Bria, de Kabo, de Batangafo, de Paoua…

Reconnaissance des forces de la nuit : les selekas et anti-balles AK

Ce forum de Brazzaville rappelle la conférence de Berlin en 1884. Les 14 puissances de l’époque convoquées par Bismarck Chef du gouvernement allemand ont pris part à une conférence pour partager les différents bassins fluviaux de l’Afrique pour le développement du commerce et de la civilisation dans certaines régions et assurer à tous les (leurs) peuples les avantages de la libre navigation sur les deux principaux fleuves africains qui se déversent dans l’océan Atlantique : le Niger et le Congo. Il en est de même pour Centrafrique. Les selekas, les anti-balles AK, le gouvernement et les quatre autres groupes armés étaient présents à Brazzaville pour discuter de leurs propres intérêts et du partage de pouvoir sans le peuple centrafricain. D’ailleurs, plusieurs négociateurs ont accusé M. Dhaffane et la coalition Séléka « de faire de la surenchère en vue d’obtenir la part du lion dans un éventuel nouveau gouvernement de transition ».

Cet accord a légitimé, renforcé l’existence de ces pourfendeurs et prédateurs de Centrafrique que sont les groupes armés et proclamé leur assise dans les pillages de ressources, dans la fiscalité informelle, dans les circuits parallèles du trésor public et dans la main basse sur l’économie illicite. Et pourtant ces divers groupes armés étaient, hier, qualifiés par le gouvernement, les forces de la misca et sangaris des « ennemis de paix, des bandits, des malfrats… » qu’il fallait éradiquer, anéantir. Reconnus et puissants, ils ne sont plus négligeables dans tous les processus de la paix. De la nuit, ils jaillissent à la lumière.

Le sort du Centrafricain lambda n’intéresse pas ces gens-là.

A Brazzaville, les entités présentes s’agitent et s’épient. « Qui va tailler la part du roi Lion » espèrent-elles en contre bas, et cela  se dévoile, en filigrane, dans leur position et arguments ramollis, érodés volatiles. Le pays n’intéresse personne. Chacun vise son portefeuille ministériel, guette, tel un chasseur, masqué derrière un bosquet et attend l’argumentaire de sa proie comme dans les fables de la Fontaine : Le loup et l’agneau. Ils se regardent en chien de faïence. Ce n’est en rien parler d’un pays, du destin d’une nation ni poser les bases d’une nouvelle conception de la Centrafrique. Ils ne voient que le pétrole dans le nord, ainsi que les autres sources d’enrichissement (l’uranium, le diamant, l’or, le braconnage…) ici ou là. Tous les qualificatifs du monde ne changeront rien si un leader centrafricain, par magie ou par miracle ne sorte et ne se présente, pour unir, à travers des décisions et des actes forts, son pays.

Pour le centrafricain, les ennemis ne sont pas encore battus. Ils ont muté. Cet accord est une pure fabrication politique pour faire comprendre aux Centrafricains qu’ils sont impuissants, inexistants très nuls et surtout superflus. Centrafrique est ainsi réduite à un objet sans âme, sans vie et inerte. Sans pessimisme, la Centrafrique et son conflit sans précédent reviennent allègrement à la case de départ. L’avenir jugera.

Chaque partie interprète son « délai raisonnable » et sa définition de « l’immédiateté »

Il est fort de rappeler que cet accord a minima qui a été signé par l’archevêque et l’imam de Bangui, par Mohamed-Moussa Dhaffane, représentant des Seleka, et Patrice Ngaïssona, pour les anti-balles AK n’a pas défini les cadre de son application.  Les parties s’engagent seulement à « ne plus commettre un certain nombre de crimes, comme les exécutions sommaires, par exemple, la torture ou encore l’incendie de villages ». C’est un discours connu, selon un ancien ministre centrafricain. « Accord sans contenu précis, sans engagement clair et sans objectif, il sera foulé aux pieds comme les innombrables accords signés pour la Centrafrique », opina-t-il, « tant que les commandants dits «comzones » selekas des régions militaires ne sont pas demis de leur fonction ».

Les 9 chapitres sans caractère précis stipulent laconiquemment que les deux parties voire quatre, non-conventionnelles s’engagent à cantonner leurs hommes dans un délai raisonnable et en même temps l’accord doit prendre effet immédiatement sur l’ensemble du territoire centrafricain. Qu’entend-on par délai raisonnable ? Les groupes armés ont-ils défini ce délai dans l’espace et le temps ? Combien de jours « immédiatement » après la signature? Un jour ? Une éternité ? Chacun interprétera son délai raisonnable à sa manière. C’est inquiétant. La solution à la souffrance du pauvre centrafricain démuni, comme un ver de terre, n’est pas à l’ordre du jour. Il doit encore s’apprêter avec sa famille à revivre une nouvelle montée du calvaire vers son Golgotha.

Sa sécurité importe peu et ne constitue en rien une préoccupation nationale dans les débats de ces-dits représentants. Pire, dans aucun chapitre de cet accord ne figure la question du désarmement, de l’impunité et de la sécurité. Il ne se limite vraiment qu’à une cessation des hostilités. Cette minorité dirigeante composée des selekas, des anti-balles AK et du gouvernement pense continuer à conduire le pays dans l’impunité. Au risque de se juger et de se punir eux-mêmes, ils évitent les sentiers qui les mèneraient à une maison pénitentiaire. Pour ce faire, ils endorment le bas peuple et développent la culture de l’impunité devenue l’étoffe de leur être et de celui du centrafricain. Ils persistent à tromper le peuple muet, sans arme qui ne peut se défendre devant les déferlements verbaux et fallacieux qu’ils lui imposent. Les mêmes qui ont échoué, qui ont détruit, volé, tué se donnent encore le droit de diriger. Dans quelle direction ?

Il est le seul individu désarmé dans cette affaire

A travers cet accord imprécis, vague, Centrafrique est encore une fois de plus outragée, soumise, brisée, brimée, martyrisée par ses propres fils ! Mais Centrafrique sera libérée ! Libérée par elle-même, libérée par son peuple et ses Faca avec l’appui et le concours de tous les centrafricains quelque soit les critiques sévères inutiles et vaseux. Les centrafricains doivent continuer à se battre, pour leur Centrafrique et dans l’intérêt du plus petit, de sa jeunesse et de son éducation, du développement, se battre au nom de la vraie Centrafrique qui englobe tous ses enfants sans conditions. En cela est la preuve de son courage et de sa ténacité.

Des craintes et des failles dans l’application de l’accord

Avec cet accord nain, Centrafrique reste la terre de prédilection des mercenaires et rebelles en tout genre. Puisqu’ils  prospèrent et discutent le pouvoir, il n’y a de place ni pour l’Etat, ni pour la démocratie, ni pour le développement.

Les Seleka sont extrêmement divisés et réticents en interne. On l’a vu ces derniers jours.  Habitué à utiliser son arme sans vergogne et sans peine pour manger, extorquer, spolier, l’élément de la coalition ne laissera tomber ses avantages et son arme que par la voie de la force. La loi, à ses yeux, est restrictive et l’ampute de ses trafics, de sa prédation.

Quant aux anti-balles AK devenus « une nébuleuse sans chaîne de commandement bien organisée », cet accord est considéré donc clairement comme le principal défi à relever. Eux aussi à l’instar d’autres groupes armés ne vivent que des butins volés ci et là pour s’engraisser. Ils doivent désormais, « montrer par les actes que cet accord va faire une différence en Centrafrique, sur le terrain, ramener la paix au-delà de la cérémonie de ce soir du mercredi 23 juillet, où tous les Centrafricains se sont donné l’accolade à Brazzaville », écrit un journaliste.

Centrafrique n’a pas besoin de rustines mais d’un pneu neuf.

Joseph GRÉLA

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