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ANALYSE DE PRESSE : LA CONFERENCE DE BRAZZAVILLE – GUEPIER POUR LE CENTRAFRICAIN OU ISSUE DE SORTIE POUR LA FRANCE

L’on est tenté de croire depuis l’intervention de l’opération sangaris, que la France joue le pourrissement du conflit centrafricain. Elle pousse les selekas dans leur dernier retranchement pour que la coalition se désagrège d’elle-même. Cela se constate maintenant. De la lassitude commence à se faire sentir dans les groupes armés. Leurs objectifs ne sont pas atteints malgré la présence des maillons de pouvoir dans les territoires qu’ils contrôlent bon gré mal gré.

Cette image d’usure rappelle les stratégies militaires mises en place pour affamer l’adversaire. Elle correspond à un ultime blocage de la « guerre de position ». Cette stratégie correspond à une fixation des éléments de la seleka engagés le long de la ligne de Bambari. «Je ne peux envahir le Sinaï, mais je peux casser le moral d’Israël par l’usure » avait asséné le stratège Nasser. Dans le cas des selekas, l’offensive les a abandonnés, mais non les pillages des régions dont ils sont maîtres. Ils tournent et se retournent contre les petites gens, les faibles villageois incapables de se défendre. Saigner les selekas, empêcher leur redéploiement, les faire mourir d’inanition par rapport à leur ambition démesurées, irréelles et fantomatiques, constitueraient, assurément l’objectif des efforts militaires déployées par les forces internationales en présence. Les chasser comme l’on fait les habitants de Bangassou qui vivre dans une paix relative. L’optimisme engage et envahit l’observateur.

La coalition se fissure malgré les tueries ça et là pour survivre et prouver leur existence. Les éléments se réclament de Djotodia et son acolyte ADAM Nourredine. Certains veulent s’engager sur le chemin de la paix pour rentrer dans leur village quand on sait qu’ils sont fatigués et ne gagneront rien. D’autres encore, sur le terrain s’activent à médire les premiers. Chez les anti-balles AK, en ordre dispersés l’égocentrisme entrave l’intérêt du groupe. La chorale ne chante pas à l‘unisson. Les deux principaux groupes armés et leurs affiliés n’ont aucun objectif politique ni projet. Cernés par les enquêtes de la cour pénale internationale, ils recherchent chacun un nouveau souffle : négocier, paraître plausible et se faire reconnaitre comme forces militaires mais surtout politiques pour trouver une porte de sortie. Caméléons, ils  mutent et font peau neuve. Ainsi par les jeux des négociations, grâce aux réconciliations, les groupes armés déstabilisateurs et assassins espèrent des amnisties ; mais cette fois la commission des droits de l’homme présente veille et guette. L’échec est à leur porte. La victoire de la population s’approche et scintille. Mais la route reste encore «jonchée d’obstacles » et la stabilisation sécuritaire du pays est encore loin d’avoir aboutie. Les politiques centrafricains doivent tenir fort leur désengagement de Brazzaville.

La guerre d’usure et relance du processus politique « en panne »

La seleka, à court d’arguments, agite l’argumentation d’autorité : la partition seule raison d’existence. Ce qui constitue, une fois de plus une provocation. La velléité de la partition, quelque soit les raisons, ne doit convaincre la communauté internationale à s’orienter vers la division comme au Soudan. Le forum de Brazzaville n’est pas le terrain de négociation de la partition de la Centrafrique. Le centrafricain, ne doit pas céder au chantage.

L’Etat centrafricain voire Etat fantôme est indispensable et doit ressusciter comme acteur, acteur de sa liberté et celle du pays tout entier sans condition. «On ne négocie pas avec des terroristes », avait toujours lancé un politique français Nicolas Sarkozy. Les sélékas muent et re-muent mais demeurent des ennemis de la république. Les soudanais et les tchadiens qui la composent et qui en sont les vrais chefs sont des terroristes n’ont aucun projet de société, sinon dépouiller Centrafrique. Les gueux et les pouilleux centrafricains qui en font partie ignorent qu’ils ne sont que leurs vassaux, leurs serviteurs.

Embourbée, la France cherche une porte de sortie honorable

Selon des les journaux, pour abandonner Centrafrique dans son tourbillon, la France est au chevet d’un nouveau souffle, à la recherche d’une issue de sortie. D’ailleurs, lors de son passage au début du mois de juillet à Bangui, le  ministre français de la Défense, Le Drain a émis l’espoir que le processus de réconciliation se poursuive fin juillet à Brazzaville, en ajoutant que « la solution ne sera que politique ». Le forum de Brazzaville est décidée à la vite et sans préparation sérieuse des projets et des parties en présence.

La France paie aujourd’hui la conséquence de sa présence militaire ambigüe en Centrafrique. Au lieu de désarmer les selekas dès son arrivée le 05/06 décembre 2013, les soldats de l’opération sangaris, les ont cantonnés avec leurs armes.  De l’avis des observateurs et des stratèges militaires tant français qu’étrangers, les prisonniers de guerres sont immédiatement désarmés dès leur capitulation et cantonnés. Ce n’était pas le cas avec les selekas qui pensaient fuir devant les moyens lourds des sangaris. La France avait ainsi révéler sa faiblesse devant l’ennemi. Les selekas ont toujours tenu leur force devant les sangaris, parfois en les attaquant. Il faut donc éviter le guêpier centrafricain : alors inventer le cessez-le feu.

Par ce jeux de cessez-le feu, la France vient à reconnaître ceux contre lesquels elle justifie sa présence en Centrafrique. Elle contraint ainsi le centrafricain à reconnaître de facto les selekas comme une entité politique avec laquelle la Centrafrique doit composer. On le sait, la politique centrafricaine doit dorénavant intégrer toutes les filles et tous les fils du pays sans distinction de religion. La constitution laïque en témoigne. Au regard des événements douloureux, la Centrafrique doit sortir de son bourbier avec tous ses fils de toutes origines et de toutes confessions, prendre en compte, plus que par le passé, les aspirations  communautaires jusqu’alors inexistantes. Le pouvoir ne peut donc être exercé avec des rebelles ni groupes armés mais avec des centrafricains.

Selon les diplomates à Bangui, en voix off, les rebelles, « veulent le pouvoir. Ils ne voudront le partager au risque de perdre leurs butins et appliquer la loi. Quelque soit la part du pouvoir qu’on attribuera les selekas, habitués à braver la loi,  tenteront toujours de brandir la partition et redeviendront des coupeurs de routes, des zaraguinas pour empêcher le pouvoir central d’asseoir son autorité. » On le constate déjà au « Forum pour la réconciliation nationale et le dialogue politique ». Après avoir agité la partition, ce mardi, les représentants de la Séléka, présents lundi à l’ouverture des pourparlers étaient absents des ateliers de discussion. « Ils ne  sont pas sortis de leurs hôtels. Sans eux, l’atelier sur la cessation des hostilités et celui sur le désarmement des groupes armés, se sont retrouvés bloqué ; les travaux ont donc été suspendus » a indiqué La Nouvelle Tribune du Bénin. Quant à l’Amnistie Internationale, elle assène que « les pourparlers de Brazzaville ne doivent pas déboucher sur l’impunité pour les crimes de guerre ».

Selon la presse et les sources proches de la médiation internationale de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), « un projet de l’accord final de la conférence que doivent signer les différentes parties a été transmis aux représentants  de la Séléka, qui seraient en train de l’étudier ». Encore une importance capitale pour les selekas. « L’issue de ce forum demeure incertaine », avance la presse, avec l’absence des dinosaures de la crise que sont Michel Djotodia et François Bozize, difficile de  dire si les négociations pourront aboutir. Aussi, avec l’éclatement de la Séléka et l’inorganisation caractérisant les anti-balaka, la  légitimité des représentants des groupes armés est mise en cause. Pour l’instant, à Brazzaville, seule la commission sur la poursuite du processus politique poursuit ses travaux ses travaux ». Mais diable ! Que viennent faire les noms de Bozizé et Djotodia dans ce forum alors qu’ils sont, tous les deux, recherchés par la cour pénale internationale ?

Le cessez-le feu profite à la France qui n’attend que l’arrivée de la Minusca pour tourner les talons et sortir par la grande porte devant ses élus. Le  cessez-le feu profite aux selekas quand on sait qu’ils tiennent, selon le décret n°13/406 du 08 octobre 2013 portant leur nomination dans les différents postes de responsabilité dans les régions militaires, la gestion et l’administration  de ces régions de commandement militaires.

Toutefois, à l’exception des partis politiques, les mêmes qui ont échoué à Libreville se retrouvent à Brazzaville. Le lieu a changé, mais pas les idées. Le lieu a été transféré mais pas les interlocuteurs. Le centrafricain est pris en otage dans cet imbroglio de vrai faux forum non représentatif du peuple centrafricain. Mais le forum imposé permet à la France de se mouvoir, de raisonner son opposition et son opinion publique hostile à sa présence militaire en Centrafrique. Au passage, il est à noter que la France est en crise économique, sociale et financière permanente. Elle ne peut donc continuer à supporter financièrement cet effort de la guerre. Son matériel est vétuste. Les soldats et leur famille en ont témoigné. François Hollande le sait. Des restrictions budgétaires entaillent régulièrement le budget et les moyens de cette « grande muette », entendez la Défense.

« La Centrafrique, c’est le post-conflit permanent,
c’est un pneu crevé qu’on ne peut plus réparer avec des rustines »

En ces termes, en 2008, observant les nombreuses interventions internationales infructueuses, un diplomate basé à Bangui peignait la  Centrafrique devant les analystes de l’International Crisis Group. Il faut un plan Marshall pour la Centrafrique et non du « platrage ». Centrafrique est en ruines. Mais les internationaux s’engagent à contrecœur. La méthode de la résolution de la crise entreprise sans se pencher sur le sort du pauvre centrafricain croupi dans son village loin des yeux de la république qui s’arrête à PK12, c’est-à-dire aux frontières de Bangui ne soulève pas le vrai problème : le CENTRAFRICAIN. Le vrai problème de Centrafrique, est le centrafricain lui-même. Il ne présente pas de projet global de sa société. Il accuse les autres alors que c’est lui le gestionnaire et décideur de l’intérêt de la société. Il tâtonne, marche comme un non-voyant sans direction précise et sans objectif. Il excelle contre les idées contraires qui, selon lui, risque d’amoindrir ou d’anéantir sa parcelle de pouvoir. Puisque son raisonnement est meilleur et vérité, il s’accroche au pouvoir. Il est improductif et brille à cause de la corruption et de détournements impunis des biens publics qui gangrènent le pays. « J’ai tout perdu, avec les selekas, dit-il un haut-fonctionnaire à un journaliste. Si je quitte l’arène politique, je mourrais pauvre. J’ai besoin de reconstituer mon patrimoine ».

Tel  raisonnement indigne n’a besoin de commentaire. Ceux qui sont au chevet de Centrafrique, qui veulent sa paix, doivent être naturellement réticents devant tel avis.  Ce qui incite la presse internationale pessimiste à prédire l’échec encore une fois de la Minusca comme les précédentes interventions, si le centrafricain lui-même ne tire pas les leçons de sa descente aux enfers. Pour cela, les selekas doivent être éradiqués avec l’appui des FACA, ainsi que les autres groupes armés. Pour cela encore, il faut permettre l’émergence de nouvelles têtes pensantes politiques pour imposer la rupture, comme un sérieux exercice d’analyse rétrospective et d’autocritique, pour stabiliser Centrafrique par le consensus et la compétence. Ce qui constitue l’un des volets de la mission de la Minusca.

Décidément, Centrafrique est un pneu crevé qu’on ne peut plus réparer avec des rustines de Brazzaville.

Joseph GRÉLA

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