Grand format de J.Gréla

GRAND FORMAT : LE RÊVE DES POPULATIONS DES ZONES OCCUPEES PAR LES SELEKAS

L’espoir scintille à l’horizon. Les populations rêvent.
Mais l’odeur de la mort les accompagne encore tous les jours.

Ce qui se passe derrière la zone occupée par la rébellion seleka reste encore effroyable à l’approche de la Minusca.Enfants, femmes, hommes et personnes âgées, mènent une course effrénée contre la mort. Cette course s’appelle : résister.

« J’ai un rêve », s’exclame cet ancien professeur d’anglais de Bria, retraité qui confond la Minusca avec les GI, soldats américains sur lequel il fonde un espoir stérile de libération. Le débarquement des soldats de la Minusca en Centrafrique n’est pas celui de Normandie le 06 juin 1944 en France. La Minusca ne chassera pas les seleka. La Minusca ne vient pas guerroyer contre les selekas. Malgré cette observation, les oreilles des populations meurtries sifflent de bonheur. Elles ne rêvent qu’à un début de sortie de ce coma profond  dans lequel elles sont plongées depuis l’avènement des envahisseurs. Ces envahisseurs qui ont  qui ont violemment le rythme de vie. Rien que pour la présence de la Minusca, elles écarquillent les yeux comme un enfant à la vue de son père de la chasse. « Il faut tenir maintenant jusqu’à l’arrivée des soldats de la Minusca », se réconforte un jeune homme footballeur arborant fièrement un maillot suranné de PSG. L’espoir de vivre renait. L’espoir de respirer l’air frais de la liberté longtemps oublié, s’éclore. « Ouf ! Ils arrivent. Ces américains et la Minusca. Ils doivent venir jusque chez nous pour nous libérer. Entrer dans nos maisons pour déloger les rebelles, les selekas. Nous sommes sauvés » s’écrit cette femme, membre de l’association femmes de la ville de Yalinga. Mais un autre jeune, adulte, hargneux, en apparence, leader dans son village, l’arrête dans son élan enthousiaste et vocifère : « Tu n’as pas vu la Misca ? Elle n’a rien fait. Ce n’est pas la Minusca qui va nous libérer. C’est d’abord par nous-mêmes. Ils sont tous complices jusqu’à Bangui ».

Les provinces bafouées, abandonnées, martyrisées, seront-elles aussitôt libérées ? La Minusca aura-t-elle une volonté implacable d’éradiquer les selekas ? Non, ellen’est pas cette force providentielle, cette force miraculeuse qu’attendent les populations des contrées reculées de Centrafrique qui ne connaissent que la famine, la maladie, la mort, la frustration.

Les zones occupées sont organisées à l’image de l’occupant avec sa propre administration et ses lois. Les petits chefs guerriers selekas prédateurs dominent et se font craindre et asseyent leur suprématie. Leur zone est un sanctuaire des barbares à l’absence « des yeux des caméras » où tous sont contrôlés, fouillés, battus au moindre soupçon. Tout ce qui est opposé à eux n’a pas le droit de vivre. Beaucoup de personnes ont payé ainsi de leur chair, de leur petite fortune, de leurs récoltes, de leurs bétails domestiques, de leurs biens mobiliers et immobiliers leur volonté de contrarier les occupants, ces gueux incultes, alléchés par l’odeur du sang, du pillage, animés par loi de talion. La mort et la souffrance n’épargnent rien.

Nous, on souffre. Les selekas eux, vivent et s’enrichissent allègrement

Ces populations ont assisté impuissantes, quelques jours plus tôt, aux affrontements entre les goulas et les peuhls,  principales entités de la coalition seleka. Des Mbrès à Bakala, les éléments, perchés sur des pick-ups, 4X4, souvent neufs lourdement armés, assis à califourchon sur des motos saisies filent en direction de Bambari. A Ndélé, selon un chef de quartier les selekas ont réceptionné des véhicules Toyota pick-up BG75 neufs, 10 fûts de carburants, ont réquisitionné des motos pour effectuer leur descente sur Bamingui, puis Bambari, leur ville de ralliement. « Ils sont ravitaillés par leurs amis venant du nord, c’est-à-dire, de Birao et du Tchad. Ici, tout le monde le sait. Les jaguars passent de temps en temps dans le ciel, mais rien ne change. Nous, on souffre. Les selekas, eux, vivent et n’entendent pas céder devant la Minusca », raconte, désemparé un chef de quartier qui brave sa peur en paradant avec son insigne de chef de village épinglé sur sa poitrine. « Ils sont maîtres chez les autres », ironise-t-il avec une pointe de chagrin.

Très loin de là, d’autres éléments descendent de Bria pour rattraper Bambari, comme ils l’ont fait en mai dernier à Ndélé pour leur congrès. Sur leur passage, les derniers survivants dans les villages sont sommés de les nourrir, de les ravitailler en vivre, en argent ou en objet de valeur. A leur vue, certains gagnent précipitamment la clairière généreuse en cette saison de pluies, derrière  les maisons pour se mettre à l’abri des regards de « ces esprits hantés » impitoyables, ces groupes armés. Une maman, portant dans le dos, son bébé, abandonne sa marmite sur le foyer incandescent et disparaît. Les enfants, inconscients du danger, gambadent joyeux à l’ombre des manguiers qui longent l’unique grande route du village. Les adultes qui se dissimulent dans les touffes d’herbes derrière les maisons leur intiment l’ordre par des signes de déguerpir. Les villageois sont traumatisés à l’approche de ces combattants dans leur environnement.

La Minusca nous rendra-t-elle notre liberté

Un habitant d’un village proche de Bambari s’inquiète du regroupement et de la présence massive dans la ville. Ce qui suscite la peur. Mille et une questions sans réponse tangible traversent son esprit. « Nous n’avons pas fini de subir les poids de leur présence cruelle, traumatisante et brutale dans notre ville. La Minusca nous rendra-t-elle notre liberté ou bien agira-t-elle comme la Misca et les sangaris  », déplore-t-il, les yeux fixés au sol comme s’il déroule le film de tout ce qu’il a vécu, comme s’il revoit le sang coulé de son fils tué lors d’une altercation avec les éléments des sélékas venus de Bambari, ce jour-là. Partout, des hommes armés. La psychose généralisée gagne la ville. Le Chef d’état major de la séléka, Joseph Zoundeko à Bambari tente de rassurer et d’apaiser la population « nos frères d’arme sont seulement venus nous aider à nous réconcilier ». Personne n’est dupe. Les éléments de la coalition seleka, en quittant chacun leur région occupée, ont déclaré qu’ils se regroupent tactiquement pour une éventuelle marche vers Bangui.

Tant de mouvements avant l’atterrissage de la Minusca ! Les selekas se positionnent et s’arc-boutent. Le bruit de bottes de ses éléments évoque une organisation, une stratégie pour accueillir la nouvelle force de l’Onu. Il faut, par cette démonstration, montrer ses forces pour dissuader la Minusca de toute attaque armée.

Le pouvoir de transition de Bangui est rempli de cupidité et d’intempérance insolentes.

Bangui entend, sans doute, ces bruits de bottes. Bangui prépare une feuille de route pour le commencement de la libération du pays, pour la protection de ces centrafricains plongés dans l’indifférence. Bangui met en place une stratégie pour affaiblir ou enrailler la capacité de nuire des selekas. Bangui de samba Panza a arrêté la prédation et se tourne enfin vers les populations avec la Minusca.

Ce ne sont que des rêves ! La liberté et la reconstruction sont différées… Madame Samba Panza s’accroche et s’enlise… Les populations  se décomposent…

Joseph GRÉLA

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