Libre opinion

VOX POPULI, VOX DEI

Par Passi Keruma

La « voix du Peuple » comme volonté souveraine

Quelque croyant que l’on puisse être, l’évidence nous force à admettre que l’homme, dans un mouvement de projection de sa personne, crée souvent son Dieu à son image. Dès lors, on comprend pourquoi certaines divinités antiques et contemporaines sont rancunières, méchantes, djihadistes ou intolérantes. Le placement de ses travers dans une transcendance semble conforter l’homme dans son incongruité quand ce n’est sa bestiale cruauté.

Néanmoins, Dieu n’est nullement toujours décrit en haineux ou en vieux monsieur (blanc) à barbe blanche éternellement grincheux. Sa sculpture, au moins parmi les grands ensembles monothéistes de notre époque, nourrit l’imagination des magnificences d’un personnage tout puissant, omniscient incarnant lui-même la connaissance, l’intelligence et la sagesse.

C’est en ce sens que l’expression « Vox Populi, Vox Dei » prend toute sa valeur. « La voix du peuple est la voix de Dieu » n’est qu’une façon de signifier d’abord, la volonté souveraine du peuple qui ne peut souffrir d’aucune remise en question. Ensuite, la foi en l’intelligence collective qui toujours ferait « librement » les meilleurs choix par rapport à ses intérêts. Se nichent dans ces conceptions, deux piliers fondamentaux de la démocratie contemporaine.

La « voix du Peuple » en dehors des urnes

Ainsi, quand le peuple s’exprime à travers les urnes et que son propos est travesti ou pire, quand on se risque à critiquer sa légitimité à choisir en insinuant subrepticement qu’il serait moins intelligent ou inapte à connaître ses intérêts, on glisse doucement sur des registres qui augurent la tyrannie et le totalitarisme.

Cependant, la voix du peuple n’est pas toujours la voix de Dieu. Encore moins en Centrafrique où on dénonce régulièrement les ingérences de la communauté internationale dans les affaires régaliennes du pays quand ce n’est pas les candidats eux-mêmes qui s’organisent pour bourrer impunément les urnes et prendre d’assaut les postes électifs.

Dans ces conditions, il est douloureusement aisé de constater que le vote cesse d’être la voix de la multitude au sens strict du terme. Les mugissements qu’on entend sont plutôt les avant-coureurs funestes qui sonnent le glas de la jeune démocratie en déversant du venin dans la coupe de l’aspiration du peuple à une vie meilleure.

Elections respectées si respectables

Depuis des lustres, la proximité des élections émoustille tous ceux qui aiment l’idée de voir le peuple prendre la parole à travers les urnes. Mais dans quelles conditions peut-on considérer qu’un scrutin reflète effectivement la volonté de ce «peuple», qui est d’ailleurs plus souvent un qualificatif idéologique qu’une entité bien concrète?

La fiabilité d’une élection ne se décrète pas par des mots, mais par des actes vérifiables qui permettent de déterminer si elle a véritablement réuni les critères d’un scrutin libre et transparent. Tous ceux qui ont souhaité se présenter ont-ils pu réaliser leur vœu ? Tous ceux qui ont souhaité voter ont-ils pu le faire? Leurs voix sont-elles respectées ?

C’est en trouvant des réponses à ces questions que les élections du 14 février 2016 auront toute leur crédibilité. Concrètement, nous souhaitons un fair-play entre les deux candidats à la présidentielle. C’est dire qu’à l’issue de cette élection présidentielle du 2° tour, le candidat vaincu doit prendre l’initiative de reconnaître sa défaite et féliciter le vainqueur sans aigreur.

C’est par ce geste démocratique que le Peuple centrafricain retrouvera enfin le respect de son expression dans les urnes. Ce sera promouvoir l’exemplarité, le respect des lois, de la dignité du citoyen et l’État de droit. Ce sera redonner aux gens qui forgent leurs destins dans la noblesse du savoir leurs légitimités tout en bannissant l’autodafé réel et symbolique de la science : voilà partiellement les quelques responsabilités qui incombent aux deux candidats à l’issue de la prochaine élection.

Si la démocratie signifie le pouvoir du peuple, elle ne peut être réelle que si ce peuple est la véritable expression de la liberté du choix.

Vive la voix du peuple !

Passi Keruma
Militant de la liberté

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