Grand format de J.Gréla

LA REVUE DE PRESSE : LE PONT DE LA RIVIERE OUAKA, PONT DE LA DISCORDE

Les défis sont très nombreux et encore insolubles en Centrafrique, Etat déliquescent, comateux en proie aux violences et à la partition. Il porte en lui les stigmates de l’insécurité, de la haine, des tueries et de profonde absurdité humaine. La paix, le cessez-le feu, le pardon et la réconciliation ne sont pas en mouvement malgré l’impulsion de quelques artisans et la présence de l’humanitaire.

Bambari se réveille avec la barbarie au son et au bout des canons tueurs. Bambari, une rivière, la Ouaka qui la divise en deux. Un vieux pont poussiéreux stratégique suranné, trait-d’union, conjugue les deux rives de cette deuxième ville après Bangui, réquisitionnée par le selekas. La plupart des musulmans démunis, qui ont fui Bangui vers le centre et le nord du pays y ont trouvé refuge. Sujet de tirs ou des provocations des groupes armés en l’occurrence les selekas, la population apeurée cherche asile en brousse…

Kabo, une ville frontalière et ses environs, oubliés

Alors qu’à Bambari « Ca dégénère pour de bon », écrit  Cyril Bensimon envoyé spécial du journal Le Monde ce 25 mai 2014, le village Kemngo Yéyé près de Kabo, à la frontière du Tchad, oublié et sous le joug de leurs bourreaux Séléka, se plaint des exactions des éleveurs peulhs, communément appelés Mbororo, proches des Séléka, commise, sur sa population. Les plantations ont été saccagées par des bœufs. « Un enfant peulh qui gardait les troupeaux de ses parents, les a laissés dévaster  le champ d’arachide d’un habitant. Quand le propriétaire a voulu réagir, le  jeune a d’abord tenté de le poignarder avant d’alerter sa famille qui à son tour a  informé les Séléka à Kabo », a rapporté un chef de quartier à Kabo joint ce 22 mai 2014 par  RJDH. Les Séléka ont fait irruption dans le village, tiré en l’air, fouillé les maisons, ont emporté des biens appartenant aux habitants, enfin ont exigé aux villageois le versement d’une amande de 130 000 FCFA, a témoigné un habitant qui a accompagné une femme enceinte battue et blessée et un homme atteint par balle au pied reçus par l’agent de santé à l’hôpital de Kabo. Malgré la présence des éléments de la Misca dans cette localité, les exactions et les tortures corporelles ne s’estompent pas.

Ndélé s’oppose à l’installation de l’autorité administrative

Toutefois ville congressiste, chemin historique de « grandes invasions » islamiques, première base d’opérations, Ndélé était une étape dans la progression des selekas vers le sud en Novembre/décembre 2012. Depuis la tenue de leur congrès à Ndélé et la mise en place de leur état-major à Bambari, les activités municipales y ont été suspendues. D’après les témoignages concordants recueillis auprès des sources locales par le RJDH ce 21 mai 2014, Sangaris qui devait installer le sous-préfet et le secrétaire général de la préfecture, nouvellement nommés, a mis en place, un nouveau projet  de sécurisation et de développement durable, a organisé  séminaire pour informer et adhérer les participants au projet. Les jeunes, informés sur leur installation, se  sont opposés  et ont décidé de fermer la porte de la mairie jusqu’à nouvel ordre, a concédé le RJDH. « Nous avons perdu  tous nos biens par la faute des autorités étatiques qui ne prennent pas leurs responsabilités en tant que  leaders. On était abandonné à notre propre sort. Et aujourd’hui, ils comptent revenir. C’est pour cette raison que nous disons non à leur installation dans cette ville », a déclaré sous l’effet de la colère, l’un des jeunes joint par RJDH.

Partout, dans les villes occupées par les sélékas, on assiste à des manipulations de la jeunesse désœuvrée, influençable et livrée à elle-même. L’on note également  la montée séparatiste qui se pointe à l’horizon. C’est le cas de Bambari. Or, le gouvernement de transition, appuyé par la communauté internationale, a dénoncé l’installation à Bambari du nouvel état-major formé à la mi-mai par des Séléka. « Le gouvernement de la transition condamne avec force les velléités sécessionnistes des aventuriers qui placent leurs intérêts égoïstes au-dessus de l’intérêt national », a ainsi déclaré lundi le Premier ministre centrafricain André Nzapayéké. « Aucune existence physique d’un état-major militaire ou d’une administration parallèle quelconque ne sera tolérée sur les 623. 000 km2 qui constituent le territoire centrafricain », a-t-il martelé, en appelant l’armée française et la Misca à « prendre toutes les dispositions pour mettre fin à ces dérives ».

Sangaris et  « les mesures de confiance » difficiles : Tension maximale

« La prochaine fois, je le découpe ». Ce n’est ni un anti-balle AK ou un seleka qui a laché cette phrase assassine, mais un soldat des forces spéciales excédé, en sautant de son véhicule de retour de mission avec son équipe qui vient, d’échapper à une rafale non loin de la cour d’appel de Bambari, a indiqué l’envoyé spécial du Monde ce 25 mai 2014. « Samedi matin, une position des soldats français a fait l’objet de tirs des Séléka en convoi », a souligné sous couvert d’anonymat cet officier, après avoir été contact avec le contingent de la force africaine stationné à Bambari, les soldats français « ont riposté durement à des tirs et un véhicule des Séléka a été atteint et détruit » a  expliqué de son côté, un officier à l’AFP à Bangui. « Des détonations fortes ont été entendues à cette occasion, faisant fuir des habitants vers l’évêché. Il y a eu des victimes côté Séléka mais il n’y a pas encore un bilan précis », selon la même source.

Un hélicoptère Gazelle a détruit un pick-up des selekas. Des jets de mortier éclairants sont déclenchés pour intimider les hommes armés des selekas qui ont répliqué aux lance-roquettes. « C’est un malentendu », une incompréhension avec les soldats français, s’est hâté de minimiser, le capitaine Ahamat Nedjad Ibrahim à la résidence du préfet transformée en base militaire française qui a déploré dans son rang la perte de deux soldats. En effet, deux deux pick-up des selekas, dont l’un équipé d’une mitrailleuse lourde et chargé de combattants, se sont avancés à la sortie ouest de la ville prétendaient partir relever les leurs à la barrière. Des coups de feu ont retenti. Qui a ouvert le feu le premier ? Chaque camp s’est rejeté la responsabilité, a observé le journaliste du Monde. Pour leur part, Jeune Afrique et Afriquinfos avec l’AFP, se sont appuyés ce 26 mai 2014 sur l’explication du colonel Gilles Jaron : « Une vingtaine de Séléka, à bord de trois pick-up, ont ouvert le feu sur des soldats français qui, après des tirs de semonce, ont riposté et détruit l’un des trois véhicules »

Dans ce contexte incertain et d’insécurité, plusieurs milliers de personnes sont parties s’abriter sur le site religieux de l’évêché, transformé en trois jours en camp de réfugiés, selon le Monde. Toutefois, dans la soirée, le préfet, l’imam, un représentant des Séléka ont lancé sur les ondes de radio Béoko, radio locale, un appel au calme. « A tous ceux qui se sont réfugiés dans les églises, je vous demande de rentrer chez vous. Ne craignez rien… Nous ne mourrons pas chacun de notre côté. Nous mourrons ensemble », a déclaré le préfet, nommé lorsque les Séléka tenaient le pouvoir à Bangui,

Les habitants refugiés ne sont pas convaincus par cet appel à l’unité. « Ce n’est pas vrai ce qu’il dit… Les Séléka et les jeunes musulmans volent les motos des nôtres. Les pauvres femmes doivent payer 200 francs, 500 francs pour aller au champ ou quand elles vont ramasser quelques fagots. Sinon, ils vous tapent », s’est offusquée une mère refugiée qui s’endormira entourée de ses six enfants et petits-enfants dans un couloir de la paroisse Saint-Joseph. Les rues de Bambari sont tenues par des civils, essentiellement de jeunes éleveurs peuls, et des soldats armés, a remarqué le journaliste. Pendant que des événements de Bambari préoccupent le pouvoir et les forces internationales, Nourredine Adam, sanctionné par l’ONU et Washington continue de diriger activement le Séléka en se déplaçant régulièrement pour « recueillir des fonds » en Arabie saoudite, au Qatar et aux Émirats arabes unis.

Dans ces conditions, l’on se pose encore la question du désarmement : les selekas d’abord et les anti-balles AK en suite, ou vice-versa. Chacun des deux groupes armés développe ses argumentations pour ne pas commencer son propre désarmement.

Centrafrique s’en sortira-t-elle ?

 Joseph GRÉLA

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