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REPORTAGE : BAMBARI, LA OUAKA, CAPITALE AU RYTHME DES SELEKAS

« Le problème, c’est la nuit. Si on ouvre la porte, les rebelles ramassent tout ce qu’ils peuvent prendre, les assiettes, les marmites… tout est parti »

A Bambari, Grimari ou Sibut, les habitants n’ont jamais connu l’opulence. Depuis que les Seleka ont conquis ces villes, le quotidien a sérieusement empiré. Les populations vivent dans la peur pris en tenailles entre les sélékas, les peulhs apparentes et armés ainsi que les attaques des anti-Balles AK. Ces dernières semaines les exactions commises par des éléments des Seleka ont été particulièrement nombreuses. Toutes les administrations ont été saccagées dans la localité de Bambari et ses régions. Des entreprises ont été pillées. Maintenant, vers 10-11h, le marché commence à se vider et tout le monde a peur », s’offusque un habitant inquiet et en colère. « Le problème, c’est la nuit, renchérit une femme. Si on ouvre la porte, les rebelles ramassent tout ce qu’ils peuvent prendre, les assiettes, les marmites… tout est parti. »

Comment on vit sous le joug des Seleka ?
Bambari, les représailles du général Darassa

Bambari, de son célèbre surnom, la Ouaka, est située à 380 km au centre de Centrafrique. Considérée comme la 2ème ville de Centrafrique, la ville Bambari, chef-lieu de la préfecture, abrite une population laborieuse de paysans, entrepreneurs, de commerçants et de fonctionnaires et d’étudiants. A Bambari, région sanitaire n° 4 depuis les débuts de l’indépendance, une école de formation des instituteurs, des laboratoires de recherche, une usine de sucre de Ngakobo détruits par les seleka animaient la ville et procuraient du travail à la population. Le commerce est contrôlé, à majorité, par la population musulmane minoritaire considéré comme le complice des rebelles selekas.

Bambari, avec ses églises chrétiennes, son diocèse et son évêque monseigneur MATHOS ne vivent qu’au rythme de ce que leur impose la coalition des rebelles seleka, alliance en sango, langue nationale et officielle du pays, en déroute depuis la démission de leur chef Djotodia en Janvier dernier, mais qui tentent de se reconstituer. « Ils pillent par-ci par-là. Ils prennent les garçons et les maltraitent en les tabassant et en les fouettant » et souvent les tuent au gré de leur humeur, raconte un jeune habitant du quartier Kidjikra de Bambari. Dans une chronique succincte, une source officielle de Bambari raconte : « Depuis le 26 avril jusqu’aujourd’hui [samedi 17 mai 2014], toute la population de la Ouaka vit dans la peur. L’avènement des anti-balles AK et l’attaque de la ville de Grimari a déclenché une vague de représailles des musulmans, des peulhs et des hommes du général Darassa sur la population civile non musulmane de la Ouaka ».

Régulièrement de groupes de musulmans de Grimari refugiés et basés à Lioto à Bambari font irruption dans les villages, tirent à balles réelles sur les populations, pillent, s’emparent des biens et s’en vont. Puisque l’assassin revient toujours sur le lieu de son crime, les mêmes hommes du général Darassa et quelques civils musulmans ont semé la terreur dans le même village La-Kandja, ont incendié 64 maisons et cases, brûlé 05 boutiques, des greniers, ont emporté des motos et des biens des motos. Le village Mango sur l’axe Grimari-Bakala a subi les mêmes « actes criminels » venant des peuls en transhumance, associés aux hommes du général Darassa.

A Bambari et sa région, la vie des populations ne tient qu’à un fil. C’est ainsi qu’à Ippy, « deux jeunes hommes soupçonnés d’être de mèche avec les anti-balles ont été égorgés et leurs dépouilles mortelles découvertes 4 jours plus tard » par les hommes du général Darassa en faction dans cette ville située à l’Est de Bambari, selon la population. La ville d’Ippy et ses commerçants musulmans ont exprimé leur émotion, leur indignation malgré la montée de la tension entre les communautés musulmane et chrétienne de la ville, a précisé le Commandant de Brigade territoriale. Cet assassinat a déclenché aussitôt la vengeance des anti-balles AK sur l’axe Bambari-kouango, à hauteur du village Awatché, à 25 kilomètres de Bambari. Une attaque contre des musulmans a été menée. La mosquée a été incendiée la mosquée du village. Des habitations des peulhs vivant depuis plus de deux décennies dans le village ont été saccagées. La vengeance appelle la vengeance. La violence appelle la violence dans cette région de la Centrafrique. Il n’y a, malheureusement, pas de place pour la paix et la réconciliation. Selon le commentaire de Tchad Actuel en ligne, « une initiative est encore trop embryonnaire pour que la population se réconcilie avec les Seleka »

Suite aux attaques des anti-balles AK à Grimari le 16 avril 2014, où les musulmans ont perdu habitations, boutiques et biens, toute la population est considérée comme des anti-balles AK. « En représailles les troupes du général  Darassa ont écumé les quartiers de Grimari tuant sur leur passage tous les civils mâles. […]. Cette répression sauvage a provoqué le déplacement massif de la population à majorité chrétienne et animiste, hommes, femmes et enfants confondus, estimés à 5800 âmes,  vers la paroisse Notre Dame de Liesse de Grimari ».

Le nombre des morts, de part et d’autres, des destructions des biens, des pillages et exactions en tout genre et des assassinats est ordinaire et fait partie du décor de ces habitants. « Un notable peulh ce 13 mai 2014, qui réside depuis bientôt 15 ans proche d’un village situé à 38 kilomètre sur l’axe Bambari-Kouango est assassiné avec sa femme, ses deux enfants et un de ses parents. L’un des enfants, gravement blessé et amené à l’hôpital de Bambari succombera quelques jours suite à ses blessures », a signalé le vicaire général dans sa chronique de la Ouaka.

Ce chapelet de violences et de tueries a provoqué la mort d’un jeune homme dans les heures qui suivent sa blessure par balle des hommes de Darassa. « Les archers de la commune de Ourou Djafoum, sur instruction de leur Maire dénommé Adamou continuent d’assaillir toute la commune de Pladama Ouaka et enfants, femmes et hommes pour venger le chef peulh assassiné quelques jours plutôt ». Dans la nuit du 15 au 16 mai, « les hommes de Darassa sont repartis dans les villages Kessa et Kondourou  et ont incendié plusieurs habitations » […] ainsi que 38 cases, le jeudi dans le village Ngbemato à 58 km de Bambari et des habitations saccagées dans le village de Krakondji. La liste est longue et interminable. Les hommes de Darassa ont martelé leurs objectifs de 500 victimes à atteindre sur les soixantaines dénombrées. Les populations, pour ainsi dire sont devenues des animaux à chasser dans la jungle de ce pays pauvre au cœur de l’Afrique en proie à de violences indescriptibles et à une crise sans précédent depuis le 25 décembre 2012, date de la prise de la ville infectée de Kaga Bandoro. « Où sont donc la forces internationales Sangaris et Misca pour empêcher ses tueries », se demandent les populations survivantes désabusées.

Ces hommes ne craignent pas les enquêtes de la commission des droits de l’Homme de l’Onu.  Seront-ils interpelés un jour par cette commission ?

Bambari, itinéraire d’une ville capitale :
Séléka, « Force Républicaine » ?

Les seleka ont muté et se considèrent désormais comme la « Force Républicaine ». Dans son projet de création d’un Etat Autonome du Nord Oubangui, Dr Hamat Mal Mal Essene,  un autre  élément des Séleka a fixé la capitale politique à Bambari constitué des préfectures de la Ouaka, de la Vakaga, de la Haute-Kotto, de Bamingui-Bangoran, de la Basse-Kotto, du Mbomou et du Haut-Mbomou.

La chronique d’un des habitants de cette localité met à jour cette intention conforme à la réalité aujourd’hui à Bambari, en Centrafrique. Les seleka, malins, tacticiens et en bon stratège distraient les centrafricains et la communauté internationale avec des prénoms chrétiens de leur responsable principal, à l’instar de Michel Djotodia et maintenant de Joseph Zoundéko, le chef d’état-major des forces armées républicaines des selekas.

Le tout nouveau chef d’état-major qui vient de la Vakaga dans l’extrême nord a installé ses quartiers à Bambari, dans le centre du pays, avec sa nouvelle équipe composée de plus de 20 personnes et deux autres entités que sont les services de renseignements piloté par Issein Zackaria et les opérations par Ali Djaraf. « En plus des trois principaux services, ont rapporté les RJDH, les congressistes ont élu six conseillers militaires, deux porte-paroles et deux responsables de la santé. Il était prévu qu’à la fin du congrès, la coalition désigne son représentant politique » selon les informations des RJDH.

A Bambari, désormais, « la capitale selekiste », les selekas se considèrent comme une armée régulière de la Centrafrique. Ils ont marqué leur retour massif et impressionnant de Ndélé par « 21 pick-up chargés d’environ 250 hommes armés à volonté » selon l’expression d’un habitant du quartier Béta. Une réunion a eu lieu à l’école des instituteurs où ils ont expliqué à la population les raisons de leur présence à Bambari et indiqué leur nouvelle dénomination : « Force Républicaine ».

A Bambari, les selekas, princes du lieu, sans foi ni loi, lèvent les impôts, érigent les barrières et contrôlent la région, au vu et au su, de la communauté internationale et ses forces militaires impuissantes qui semblent, ou bien dépassées par la situation qu’elles ne maîtrisent point, ou bien complices des rebelles selekas, ou bien acceptation du début de la scission de la Centrafrique. Ainsi le 13 mai 2014, les élèves instituteurs, dans deux véhicules de la Croix-Rouge qui rentraient reprendre leurs études,  ont été arrêtés à leur arrivée  à Bambari, au PK3, par des hommes armés seleka et conduits directement à la prison. Ils seront libérés plus tard après l’intervention de leur Directeur.

L’entrée et la sortie de la ville de Bambari,  ville bunker des seleka a été interdite à la barrière installée au quartier Lapago, sortie nord de la ville ce samedi  17 mai 2014 aux voyageurs pour faire pression sur le gouvernement suite à un ultimatum qui aurait été lancé. Joseph Zoundéko, chef d’état major des Séléka, a nié les faits. «L’entrée et la sortie de Bambari n’ont pas été interdites. On n’a pas pris de telles décisions », a-t-il dit joint au téléphone. Mais a ajouté qu’ils ont «décidé de finir avec les multiples taxes sur les barrières qui sont interdites, voilà ce qui est fait mais pas la fermeture ». Les éléments de la Misca qui n’ont  pas de telles informations à ce sujet ont rassuré que « si de tels actes se produisent, ils interviendront ».

Si les anti-balles AK essaient de franchir les zones que nous occupons actuellement, nous n’hésiterons pas à les mater

 « Nous venons de restructuer nos forces, nous avons des objectifs. Si les anti-balaka essaient de franchir les zones que nous occupons actuellement, nous n’hésiterons pas à les mater » a indiqué, lundi dans une déclaration exclusive à Anadolu, le nouveau chef d’Etat-major Seleka, le Général Joseph Zoundeko. Les anti-balles AK, eux aussi, en pleine restructuration sont avertis. Voilà, deux groupes armés illégaux et « ennemis de la paix » qui veulent la déchéance de la Centrafrique. Les uns, selekas sont des « Forces républicaines ». Les autres,  anti-balles AK, des milices illégales. Aux yeux du Centrafricain souffrant et pris au piège, les deux sont des rebelles et doivent être traités comme tels sinon, il se pose la question de la  place de la force régulière, les FACA.

Selon l’analyse d’un officier du contingent de Sangaris à Bambari, lors de sa rencontre avec la Plate-forme, il estime que « la situation générale dans la Ouaka est stable, mais sensible ». Il a invité les différentes communautés à développer la communication intercommunautaire, à créer des espaces d’échanges, de discussions et de partages à un rythme régulier, a commenté la source. « Il faut beaucoup sensibiliser la population en les invitant à l’apaisement, au vivre ensemble, au courage de se parler, de se pardonner, de se réconcilier ; c’est ce courage qui manque cruellement et qui constitue un tremplin pour les radicaux et les extrémistes des différents communautés. »

Ces crimes commis ne resteront jamais impunis. Les criminels seront un jour traduits devant la justice et sanctionnés.

L’autorité de l’Etat centrafricain a disparu en provinces et à Bambari, livrées aux seleka. Le centrafricain attend de la présidente de transition une lisibilité de sa politique, une expression ou parole forte, une déclaration solennelle à son peuple pour expliquer ce qui se passe au dessus de sa tête. Le peuple espère un leader pour le conduire vers la liberté de son territoire (622000 km2). La présidente doit communiquer, communier et prendre à témoin, son peuple. De ce fait, elle peut impulser une grande marche de tous les Banguissois après un discours dans un lieu public pour dire non aux événements qui le tue.

Pour réaliser son RÊVE de libérer son pays, madame Samba Panza doit prendre à témoin son peuple et réarmer urgemment les FACA avec ce qu’elle peut. Les Centrafricains le leur demandent et leur font confiance. Encore une fois de plus, les soldats de la communauté internationale, Sangaris et Misca ne sont pas venus mourir pour le centrafricain. Seules, les Faca peuvent et doivent le protéger, le libérer et « conserver l’intégralité et l’intégrité » de son territoire.

« Ça, c’est à Bambari, la Ouaka…et les autres provinces de Centrafrique… »

 Joseph GRÉLA

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Un commentaire

  1. Vraiment mes frère Centro arrêtons ces mensonge
    Car nous avons nos famille a bambari et aucune mauvaises nouvelle de bambari

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