Tribune de A.Pakoua

CENTRAFRIQUE : MOURIR AVEC LES TITRES ET PARTIR AVEC LES FONCTIONS

Les échanges intellectuels sont une source de vie d’une nécessité indispensable. Ils sont cette fontaine qui non seulement abreuve le voyageur après une longue traversée dans le désert, mais le vivifie et lui redonne de la vigueur physique et spirituelle. Cette vigueur spirituelle qui, à son tour,  va être une source d’inspiration et favoriser la transcendance dans la perception des choses.

Si les échanges futiles sont comme le vent qui souffle et passe, invisible et insaisissable, les échanges entre les grands esprits qui se rencontrent sont comme une expérimentation scientifique, à l’issue de laquelle se révèle une création, une trouvaille.

« Mourir avec les titres et partir avec les fonctions » est né lors d’un échange profond entre deux esprits. Il est né en réaction aux péripéties douloureuses qui tourmentent actuellement le CENTRAFRIQUE et son peuple. Il est un constat accablant qui, comme le pays, est couvert d’un tissu de paradoxes. Et comme le pays, il est aussi bien empreint d’une hilarité irrésistible que d’une gravité amère.

« Mourir avec les titres et partir avec les fonctions » est aussi la caricature, sinon une image réelle de ces centrafricains pour la plupart nés pour aller à l’école et mourir fonctionnaires. Ces centrafricains nés pour aller à l’école, devenir « ministres » et mourir « ministres » , nés pour aller à l’école et oublier que les mains sont faites pour travailler, la tête pour réfléchir et améliorer les conditions de vie et de travail effectué par les mains.

« Mourir avec les titres et partir avec les fonctions » est la formule sacrée que les centrafricains ont retenue de leurs parcours dans le labyrinthe de leur système éducatif semi-séculaire. C’est pour cela que personne n’est étonné du fait que dans un si petit pays, les partis politiques naissent comme des « gougou » pendant la saison des pluies. Aussi, rien n’étonne quand, à un moment où des enfants, des femmes, des vieillards meurent de malnutrition, de manque de soins ou tombent sous les balles de bandits, de sauvages et de crapules emportés par la folie et par le commandement de l’irrationnel, une cohorte de candidats à la Magistrature Suprême s’alignent au point de départ d’une élection dont ils sont eux-mêmes incapables d’assurer la tenue, incapables de savoir avec exactitude la date à laquelle pourra se tenir un tel scrutin, incapables de s’adresser à leurs populations pour leur indiquer le chemin à suivre dans cette période de crise sans précédent. Attitude qui ne  surprend plus personne quand on sait qu’elle fait partie depuis près d’un demi-siècle, du gêne centrafricain, qui incite ce dernier à toujours se lancer dans un sprint pour aller faire appel à l’extérieur pour venir résoudre ses problèmes domestiques.

« Mourir avec les titres et partir avec les fonctions » nous a amené la SELEKA comme summum de nos crises, avec cette farouche détermination des dirigeants à ne pas mettre en place un système démocratique réel, pour éviter de perdre un pouvoir auquel ils étaient attachés et avec lequel ils devaient rendre leur dernier souffle.

Et la REPUBLIQUE est morte depuis avec ce mode de pensée. Elle est morte depuis car les dirigeants centrafricains n’ont jamais entrevu d’avoir un successeur à leur pouvoir. Et de la même manière, les ministres et autres grands responsables administratifs n’ont jamais souhaité libérer la place à d’autres tant qu’ils étaient vivants.

Ainsi la pérennité de l’État n’a été jusqu’ici qu’un simulacre de continuité dans la conduite des affaires publiques. Ainsi s’explique le plus simplement possible l’effondrement total de l’État, après l’ouragan SELEKA. Ainsi s’expliquent les difficultés à remettre le plus rapidement possible la machine administrative en route, car ceux qui ont perdu le pouvoir, sont partis avec toutes les fonctions et n’ont laissé que des coquilles vides, qu’il va falloir maintenant chercher à remplir, à nouveau.

Adolphe PAKOUA 

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