À vous la parole

POÈME: « CE SONT EUX… »

Il y a un peu plus de dix ans
Je recevais un homme noir
A ses côtés une blanche
Portant dans ses bras un bébé
De la couleur des deux
C’est leur premier garçon
Qui avec de grands yeux
S’émerveillait devant
Ce monde des adultes
Auquel il va se confronter.
Quelques années plus tard
Il perdit une part de l’attention
Des parents qui devaient aussi s’occuper
De ses deux jeunes frères
Il laisse exploser sa colère :
« Ce sont eux qui me gâchent la vie ».

Je suis né sur une des terres
Du centre de l’Afrique
Avec des forêts où vivent
Des milliers de gibiers et chenilles
Des rivières aux poissons appréciés
Un sous-sol aux richesses inestimables
Pour transformer les arbres de ma forêt
Venter les espèces animales
Explorer les cours d’eau
Exploiter le sous-sol
En vue du développement
D’autres peuples sont arrivés
Les arbres ne sont pas replantés
La faune est détruite
Le diamant en « kilogrammes » à l’étranger
« Ce sont eux qui me gâchent la vie »

Mon peuple avait des chefs
Selon les normes coutumières
L’autres m’ont dit de faire comme eux
Sans me dire comment faire
Je me suis engagé à les imiter
Je devais désormais avoir des chefs
En « Contrat à Durée Déterminée »
Les autres organisent pour moi
La désignation de mon chef
Ils font les décomptes avec des appareils
Qu’eux-mêmes ont fabriqués et amenés
Et me sortent un nom que j’aurais choisi
Le lendemain, ils me déclarent :
« Tu as choisi un dictateur
Rien ne va, il faut changer ».
« Ce sont eux qui me gâchent la vie »

Une partie de la population
A pris les armes pour le changement
Elle est encouragée voire soutenue
Le changement est une chose
La gestion du changement en est une autre
Le peuple est laissé pour compte
Il a levé les bras vers le ciel
Cherchant des sauveurs
Qui, malheureusement,
Ne pensent qu’à eux-mêmes :
Quête d’argent et de postes ministériels
Le peuple devait attendre
D’autres sauveurs venus de très loin
Contre son espérance
Rien n’a encore changé
« Ce sont eux qui me gâchent la vie »

Des malheurs aux malheurs
J’ai décidé de prendre ma destinée en main
En parlant de mon argent ; oui, « mon argent »
Que les petits-fils de mes petits-fils
Ne rembourseront jusqu’au dernier sous
Les autres m’ont dit de ne pas mettre le feu
A la maison qui, déjà, brûle

Qui provoque un nouvel incendie
Est expulsé manu militari
Pour le mettre hors état de nuire
Là encore, ils m’ont dit :
« C’est un jeu très dangereux
Le peuple ne pardonnera pas. »
Et alors…
Je ne peux rien contre ce qu’ils me disent
« Ce sont eux qui me gâchent la vie »

Oui, ce sont eux, et depuis toujours
Et jamais moi
Je suis pris de colère
Je veux un changement
Bien qu’avec eux
Mais qui vient de moi
Je veux dire non, un « NON » radical
Qui sera repris par tous :
Hommes et femmes
Enfants et adultes
Jeunes et vieillards
Je veux y arriver mais sans violence
D’autres peuples l’ont réalisé
Et le réalisent encore
Ils m’ont devancé, et trahi le secret de mon cœur
« Ce sont eux qui me gâchent la vie »

Gouvernant centrafricain
Homme politique centrafricain
Société civile centrafricaine
Toi, centrafricain
Qui te prépare
Au prochain forum de réconciliation nationale
Prépare du nouveau :
« C’est moi qui… »
A la place du traditionnel « Ce sont eux qui… »
Pour qu’enfin, le centrafricain se reconnaisse
Dans les signatures de textes
Les décisions prises en son nom
Les contrats d’exploitation avec l’extérieur
Qui engagent sa destinée.
Pour qu’avec toi, et à jamais, le peuple à l’unanimité  clame :
« C’est moi qui… »

Pascal TONGAMBA
L’homme aux cheveux blancs

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