LIVRES: LETTRES À…
Avec raison, Victor HUGO pouvait souligner que « c’est toujours dans les lettres d’un homme qu’il faut chercher, plus que dans tous ses autres ouvrages, l’empreinte de son cœur et la trace de sa vie ».
Dire sur papier son amour et ses espoirs ; témoigner de sa gratitude ou formuler par écrit ses craintes, ses déceptions et ses reproches ; reconnaître sa culpabilité ou confesser noir sur blanc ses faiblesses et avouer ses erreurs. Ainsi, les correspondances écrites, ont-elles souvent permis d’entretenir des complicités, de nouer des relations plus ou moins étanches, sincères et régulières entre parents et enfants. Même si dans certains cas, ces correspondances familiales sont plutôt l’occasion d’échanges assez « musclés », et d’explications plus ou moins franches au sujet de désaccords latents ou d’incompréhensions contenues entre leurs auteurs.
Si au cours des siècles, le genre épistolaire offrit à certains écrivains célèbres ou non, le moyen de livrer à leur public de lecteurs une part de leurs intimités, au final, il a surtout permis, de donner à la littérature, un certain nombre d’œuvres de très bonne facture.
Personnellement, c’est avec une réelle passion, une émotion intense et une vive curiosité, que je me suis souvent attaché à lire les différents récits rédigés dans le style et sous la forme de « LETTRE À… ».
Il en est ainsi, des quatre livres que j’ai choisis de partager avec vous, en les présentant ici de manière assez succincte : « Lettre à ma fille » de MAYA ANGELOU ; « Lettre au père » de FRANZ KAFKA ; « Une colère noire…lettre à mon fils » de TA-NEHISI COATES ; « Lettre à mes filles » de BARACK OBAMA.
I- LETTRE À MA FILLE DE MAYA ANGELOU
« Ma chère enfant,
Cette lettre a mis un temps extraordinaire à voir le jour. J’ai pourtant toujours su que je voulais t’adresser quelques-unes des leçons que j’ai apprises au cours de mon existence, et te faire part des circonstances dans lesquelles j’ai eu à les apprendre »
Par une rhétorique irrésistible qui confère à ses mots un pouvoir puissant et envoûtant, la noire américaine MAYA ANGELOU qui fut tout à la fois – militante des droits civiques, écrivaine, poète, dramaturge, actrice, enseignante, réalisatrice -, nous offre à travers sa « LETTRE À MA FILLE », une succession de 28 courts récits de sa vie trépidante, faite de tranches de bonheur certes, mais aussi de petites et grandes misères.
Au fond, ce qui fait de « LETTRE À MA FILLE une œuvre exceptionnelle, réside sans aucun doute dans la magie avec laquelle MAYA ANGELOU a su s’adresser avec simplicité et grâce à « SA » fille, une fille qu’elle n’a jamais eue. Une intelligence qui fournit à cet ouvrage un langage universel, et lui donne une dimension qui transcende toutes les limites du lien de sang :
« J’ai donné naissance à un seul enfant, un garçon, mais j’ai des milliers de filles. Des Noires, Blanches, juives, musulmanes, asiatiques, latinas, indiennes d’Amérique, Aléoutes. Qu’elles soient obèses, maigres, jolies, ordinaires, homos, hétérosexuels, éduquées, illettrées, je m’adresse à elles toutes. Ceci est mon legs. »
Voilà qui s’appelle le don de soi, un don dont toute la consistance réside dans cette affirmation sincère et fondamentale de MAYA ANGELOU : « J’ai fait beaucoup d’erreurs et en ferai sans aucun doute encore plusieurs avant de mourir. Quand j’ai blessé des gens et ressenti leur douleur, quand j’ai compris le chagrin que provoquaient mes maladresses, j’ai aussi appris à endosser mes responsabilités et à me pardonner d’abord, puis à demander pardon auprès de qui avait été heurté par mes jugements trop hâtifs. Comme je ne peux réécrire l’histoire et que ma repentance est tout ce que je peux offrir à Dieu, j’ose espérer que mes excuses sincères ont été acceptées. »
Moins de 150 pages à lire d’un seul trait et vous m’en direz des nouvelles.
II- LETTRE AU PÈRE DE FRANZ KAFKA
S’agissant de « LETTRE AU PÈRE » de FRANZ KAFKA, le ton à la fois résolu et pathétique des premières lignes, incite tout naturellement à aller de plus en plus loin dans la lecture de ce petit livre – moins de cent pages -, pour chercher à découvrir et comprendre, ce que le fils tient à dire à son père.
« Très cher père,
Tu m’as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d’habitude, je n’ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m’inspires, en partie parce que la motivation de cette peur comporte trop de détails pour pouvoir être exposée oralement avec une certaine cohérence. Et si j’essaie maintenant de te répondre par écrit, ce ne sera encore que de façon très incomplète, parce que, même en écrivant, la peur et ses conséquences gênent mes rapports avec toi et parce que la grandeur du sujet outrepasse de beaucoup ma mémoire et ma compréhension. »
D’entrée de jeu, le lecteur avisé, sait qu’il tient en main un texte habité par la crainte, celle d’un fils profondément blessé et écrasé par un père dont l’emprise va se révéler autoritaire, tyrannique et violente
« Je pouvais jouir de ce que tu me donnais, mais seulement dans l’humiliation, dans la fatigue et la faiblesse, dans la conscience de ma culpabilité. C’est pourquoi je ne pouvais te montrer de reconnaissance qu’à la manière d’un mendiant, et non par mes actes…je vivais en esclave, soumis à des lois qui n’avaient été inventées que pour moi et auxquelles par-dessus le marché je ne pouvais jamais satisfaire entièrement, sans savoir pourquoi… »
Si la « LETTRE AU PERE » de KAFKA est au centre de toute son œuvre, il reste que ce réquisitoire poignant, cette tentative obstinée pour comprendre, n’a jamais été remis au destinataire. D’où cette question : quel eut été la réaction du père agressif vis-à-vis de son fils bien décidé à lui dire les choses par écrit certes, mais bien en face d’une certaine manière ?
Un livre vibrant d’émotions qu’on ne peut pas n’avoir pas lu.
III- UNE COLÈRE NOIRE -LETTRE À MON FILS DE TA-NEHISI COATES
À sa sortie en 2016, le « livre-phénomène » du brillantissime intellectuel noir-américain TA-NEHISI COATES, bouscule les États-Unis jusqu’à la Maison-Blanche.
Dans cet essai-lettre qui est une véritable ode à l’humanité, l’auteur s’adresse à son fils de 15 ans, pour parler de la condition du Noir dans cette Amérique des paradoxes, capable à la fois d’élever aux plus hautes fonctions de l’Etat un Noir, et de poursuivre dans le même temps et à la moindre occasion, de soumettre les gens de couleur, à toutes les rigueurs de la discrimination raciale.
« Voilà ce qu’il faut que tu saches : en Amérique, la destruction du corps noir est une tradition, un héritage. Je ne voudrais pas que tu te couches dans un rêve. Je voudrais que tu sois un citoyen de ce monde beau et terrible à la fois, un citoyen conscient. J’ai décidé de ne rien te cacher… N’oublie jamais que nous avons été esclaves dans ce pays plus longtemps que nous n’avons été libres » »
À propos de « UNE COLÈRE NOIRE -LETTRE À MON FILS », TONI MORRISON, Prix Nobel de Littérature, aura le commentaire suivant :
« Je me suis demandé qui remplirait le vide intellectuel après la mort de JAMES BALDWIN. Sans aucun doute, c’est TA-NEHISI COATES ? Une lecture indispensable. »
IV- LETTRE À MES FILLES DE BARACK OBAMA.
Voici un tout petit BD qui vaut son pesant d’or et mille feux d’artifices !
MALIA et SASHA, les filles adorées du 44ème Président des Etats-Unis, ont droit dans cet ouvrage, à une belle déclaration d’amour de la part de leur père. Et comme seul lui sait si bien le faire, BARACK OBAMA pour écrire sa tendresse à ses enfants, nous entraîne par les chantiers d’un hommage émouvant qui rend à l’occasion, à certaines figures pionnières, lesquelles ont pu influencer par leur grandeur, l’Histoire de l’Amérique de ces 250 dernières années.
LETTRE À MES FILLES, est un véritable hymne aux valeurs cardinales qui ont fondé la réputation de BARACK OBAMA : GÉNÉROSITÉ, LIBERTÉ, GRANDEUR D’AME, INTELLIGENCE, DON DE SOI.
« Vous ai-je dit récemment combien je vous trouve formidables ?
Combien le son de vos pas,
Cavalant jusqu’à moi,
Rythme et égaye mes journées ?
Combien mon univers s’illumine par vos rires ensoleillés ? »
Et la suite se décline sous forme d’un poème de plusieurs strophes superbement écrites et parfaitement agencées, dont chacune débute par une interrogation et se poursuit par un développement centré sur des valeurs ou personnalités de référence :
Tenez !
« Vous ai-je dit que vous êtes créatives ? …Georgia O’keeffe
Vous ai-je dit que vous êtes intelligentes ? …Albert Einstein
Vous ai-je dit que vous êtes courageuses ? …Jackie Robinson
Vous ai-je dit que vous êtes uniques ? … Billie Holiday
Vous ai-je dit que vous êtes fortes? …Helen Keller
Vous ai-je dit que vous avez bon cœur ? …Jana Addams
….
Vous ai-je dit que l’Amérique est faite de personnes de toutes sortes ?
Ils font tous parties de vous
Vous êtes des leurs
Vous êtes l’avenir
Je vous aime »
En définitive, qui donc n’a jamais écrit à ses fils et filles ?
Prenant prétexte de ce post, je me suis replongé dans la lecture de très anciennes correspondances, mais également des correspondances plus récentes que j’ai eu le bonheur d’échanger avec mes enfants au fil des ans. Il faut souligner que j’ai particulièrement aimé celles qui ont été écrites à la main.
Pour tout dire, les années passent, les enfants grandissent, les parents s’assagissent et dans tous les cas, la nature des relations varie.
Si la relecture de certaines correspondances m’a rendu heureux, amusé et fait sourire, il faut reconnaître cependant, que d’autres écrits m’ont bien attristé au point de susciter des regrets. On n’y peut rien, et c’est la vie.
GJK-Guy José KOSSA
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