LIRE EN TOUT TEMPS, LIRE EN DEPIT DE TOUT
C’est l’écrivain Dany LAFERRIERE qui un jour, en guise de compliments m’adressait ces mots que j’ai eu d’ailleurs l’occasion de lui rappeler : « j’écris parce que tu lis. Sans ses lecteurs, l’écrivain n’est rien. Il cesse d’exister. »
Vous l’avez sans doute relever, l’inverse est tout aussi vrai: sans écrivain, point de lecteur. En d’autres termes, Écrire est à la lecture ce que le souffle est à l’Homme. Il maintient en vie. Et vice versa.
L’acte de lire, le bonheur de la lecture, rien de plus gratuit. Car si tout le monde ne peut écrire, toute personne ayant appris à lire, devrait pouvoir s’intéresser aux livres et devenir un lecteur passionné, à défaut d’être un lecteur de métier.
Mais pourquoi lire ? En avons-nous tous le temps et l’envie ? À quoi cela peut-il bien servir de perdre ses heures et ses journées, seul, le nez plongé dans un bouquin quand le monde grouille de tant d’activités et distractions tout aussi envoutantes ? Gaspiller son argent ou se priver de « l’essentiel » – c’est relatif -, pour acheter tous ces livres qu’on ne lira peut-être jamais, est-il la meilleure des choses à faire ? Tant de questions que l’on peut se poser et auxquelles chacun a sa réponse. Fatou DIOME, la célèbre écrivaine Sénégalo-française a la sienne :
«Je lis parce que la vie ne me suffit pas.
Je lis pour m’empêcher de dire des bêtises aux femmes.
Je lis pour être ailleurs.
Je lis pour devenir toi.
Je lis parce que c’est la seule activité au monde qui permette d’être à la fois seul et accompagné.
Je lis pour écouter les morts.
Je lis pour sortir, sans sortir.
Mais je lis aussi pour entendre des vivants.
Je lis pour ne pas vieillir.
Je lis pour échapper à la société autant qu’à moi-même.
Je lis pour être libre.
Je lis pour ne pas être dérangé.
Je lis pour ne pas répondre au téléphone.
Je lis pour ne plus être ici mais là-bas.
Je lis sans raison.
Je lis pour lire. »
Depuis l’apparition de l’écriture à nos jours, notre besoin de lire –autant que d’écrire – est insatiable. Des auteurs de l’antiquité ancienne – Alcée de Mytilène, Homère, Sénèque, Aktoes II etc -, aux auteurs contemporains en passant par nombre d’écrivains des temps modernes, la littérature fourmille d’écrits spécialement consacrés à l’éloge de la lecture. Proust, Alberto Manguel, Antoine Compagnon, Kundera, Daniel Pennac, Dany Laferrière, Charles Dantzig, Bernard Pivot – pour ne citer que ceux-là -, tous, chacun avec ses mots et à sa manière, ont tenu à léguer à la postérité des écrits mémorables sur « l’urgence de lire ».
Quant à moi, avant l’acte même de lire, ce qui me fascine le plus, c’est l’objet livre. J’aime en recevoir et en acheter, les collectionner, les empiler. Leur odeur singulière m’attire et me procure une ineffable sensation de bien être. Flâner dans les librairies et me rendre dans tous les endroits où l’on trouve des livres, reste l’une de mes passions les plus irrésistibles. Pour moi, une maison sans livres, est un asile de désespérés, un désert d’idées. Voilà pourquoi mon petit coin de paradis, c’est encore ma bibliothèque personnelle. Mon bonheur est d’y séjourner chaque jour, passer de longues heures à circuler d’un coin à un autre, à regarder et à ranger mes livres, à tourner et retourner des pages que je lirai attentivement plus tard. Et quand il m’arrive de m’éloigner de ce qui est mon havre de paix, bien souvent par obligation ou par devoir, c’est toujours dans l’espoir de le retrouver au plus tôt.
Je revendique et recherche en permanence la solitude du lecteur. Une solitude enveloppée de solidarité. Solidarité avec les personnages des livres qui me font entreprendre des voyages aussi bénéfiques que salutaires. Et grâce à ces voyages imaginaires, j’arrive à « couper avec la morne réalité du moment, pour me réfugier chez les autres, dans une géographie lointaine, dans une société inconnue, dans des familles, des couples où l’écrivain n’a pas lésiné sur les conflits et les tracas, en sorte que les miens, quand je relève la tête entre deux chapitres, me paraissent en comparaison bien moins dramatiques »( Cécile et Bernard Pivot dans « LIRE »).
En définitive, je lis, parce que « tout le reste n’est que déceptions et fatigues (Ferdinand Céline) ; Je lis pour fuir les amitiés et les « fraternités » toxiques, les amabilités artificieuses, les querelles ridicules ; je lis pour éviter les gaspillages du temps et garder l’esprit calme ; je lis pour lutter contre moi-même et triompher de moi. À vrai dire, je lis par plaisir, par passion, par dévotion au livre. En un mot, je lis Ecrire, livre, lire, vivre…ne sont-ils pas des mots de la même famille?
GJK-Guy José KOSSA
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