Libre opinion

L’INSÉCURITÉ, AU NEZ ET A LA BARBE DE LA SANGARIS ET DE LA MISCA

Les responsables des anti-Balaka ainsi que ceux des ex-Séléka ont beau juré par tous les dieux qu’ils sont définitivement engagés sur le chemin de la paix; qu’ils s’éloignent de toutes les violences, qui, jusque là, leur étaient encore attribuées. Pourtant, les assassinats continuent et se font chaque jour plus odieux et plus cruels. Les soldats français et des pays africains, débarqués en Centrafrique, nantis d’un mandat onusien robuste dit-on, et qui sont donc porteurs d’espoir pour un peuple centrafricain sur le point de connaître le pire, au lieu de débarrasser ce pays des bandes armées, pour que la paix y revienne enfin, préfèrent s’accommoder de l’insécurité, comme pour dire: « après tout, ce n’est pas notre affaire, si vous ne voulez pas vous entendre »!

Il devient donc difficile de comprendre autrement la persistance des enlèvements et des crimes, qui se déroulent encore à la ronde, qui se commettent au jour le jour, alors que ceux qui ont inventé les mouvements des anti-Balaka et ceux des Séléka prétendent avoir changé de cap, pour œuvrer au retour de la quiétude en République Centrafricaine. Sont-ils sincères? Ou alors, il y a bien deux sons de cloche, deux discours, deux réalités au sujet de l’arrêt ou la poursuite des violences et des crimes en République Centrafricaine. Les anti-Balaka ont donc deux ou plusieurs directions, les Séléka de même. Le plus troublant, c’est que ces crimes et ces violences ne se pratiquent même plus de manière voilée. Tout se fait, ostentatoirement, au nez et à la barbe de la Sangaris et de la MISCA.

Le problème de la gestion de l’insécurité devenue un gros business en République Centrafricaine, mérite ainsi d’être posée à ceux qui doivent être mis à l’index, afin qu’ils disent au peuple de ce pays, ce qui se dissimule derrière cette fausse ambigüité, c’est-à-dire une insécurité qui donne l’impression de faire l’affaire de tout le monde et qui commence par empoisonner l’opinion nationale vis-à-vis des troupes internationales, venues, dit-on, pour  rétablir la paix et la sécurité, mais qui donnent véritablement l’impression d’avoir perdu leur latin devant les Balaka et les Séléka. A moins qu’ils jouent de la comédie, une bien vilaine farce! Drôle de statu quo!

Lorsqu’on apprenait il y a encore une semaine, que des combattants de l’ex Séléka, ayant fait irruption dans la ville de Bouca, se sont livrés à des exactions, pendant que les hommes de la MISCA les observaient, alors il y a un problème, un problème dont la portée est telle, qu’il devient urgent de confier aux centrafricains eux-mêmes, leur propre sécurité. Et sur cette question, nous savons, que si les Forces Armées Centrafricaines, même partiellement mises dans les conditions qu’il faut, mettraient en seulement quelques semaines hors d’état de nuire, tous ces groupes armés qui écument les villes intérieures du pays. Les Nations Unies le savent, les français aussi. Mais pourquoi traine-t-on le pas sur cette question?

Incompétence ou complicité tacite, en tous cas, les centrafricains veulent comprendre ce qui se cache derrière les assassinats qui se multiplient et défient le bon sens. Ils veulent comprendre les raisons pour lesquelles la frontière Nord de leur pays est laissée ouverte aux tchadiens qui y entrent et sortent selon leur bon vouloir, organisent, planifient et  exécutent l’insécurité à l’intérieur d’un territoire sensé être protégé par des troupes internationales, en possession d’un mandat onusien. Diantre! Il y a de l’insolite, il y a quelque chose qui scandalise et fait pousser dans les esprits, en plus des interrogations de tous genres, le doute et le soupçon.

En quoi les Balaka ou les Séléka sont-ils si puissants, si géniaux, si tacticiens, au point de se dresser devant des milliers de soldats africains et français, suréquipés, dotés et encadrés par la communauté internationale? Et même à supposer que les Séléka et les Balaka soient des puissants, au point d’échapper continuellement à la surveillance des Sangaris et des soldats de la MISCA, est-ce pour cette raison que ces mêmes troupes ne peuvent pas sécuriser la frontière centrafricaine avec le Tchad?

Il y a comme un certain mépris qui s’observe dans les options de la communauté internationale vis-à-vis des populations centrafricaines, qui peuvent dans ce cas se faire massacrer tous les jours par milliers. Un peu de discours philanthropique, quelques gouttes de larmes de crocodiles versées dans les coulisses des Nations Unies, et le tour est joué. Mais sur le terrain du concret, les groupes armés sont tacitement laissés, pour continuer leur œuvre macabre. Et quand les humanitaires ont osé utiliser le terme de pré-génocide, ils ne se sont trompaient pas. Car, si les crimes et autres atrocités qui se pratiquaient en Centrafrique, surtout à partir de la date du 05 décembre 2013, correspondant au coup de force des anti-Balaka, n’avaient pas été exhibés sur les ondes internationales, si ces ONG n’avaient constitué une délégation pour aller crier partout dans le monde, obligeant les français de faire autant, que le vrai génocide, celui du genre rwandais, aurait certainement pu se concrétiser en Centrafrique.

Avec l’arrivée de Sangaris et compagnie, on a donc cru, que la page des violences allait être tournée, pour que le passé des atrocités ne revienne plus  hanter les populations centrafricaines qui n’aspirent qu’à la paix. Mais au finish, tout le monde s’est lourdement trompé et le vécu, une bien triste réalité.

Dans la ville de Bangui et dans le Nord-ouest de la RCA, la terreur poursuit son petit bonhomme de chemin.

Rien que la semaine écoulée, il y a eu à Bangui l’assassinat d’un jeune musulman, de surcroît handicapé mental et physique, un bonhomme totalement inoffensif. Suite à cet acte qui, il faut le souligner, est d’une barbarie digne de la période de l’antiquité, des gens sont sortis du KM5 pour se venger. Dans la foulée, la presse a perdu un journaliste, en la personne de Désiré SAYENGA, qui travaille au journal Le Démocrate. Du coup, les enlèvements et les assassinats ont repris et trois nouveaux cas ont été rapportés, entre jeudi et samedi, dont les victimes sont encore des musulmans sortis du Kilomètre 5 et qui ne reviendront plus jamais. A cela, il faut ajouter un autre fait incroyable. Un véhicule transportant des produits du HCR en partance pour la ville de Ndélé située dans le Nord, est arrêté au village Ngéréngou à 50 kilomètres sur la route de Damara. Ses trois occupants étant des musulmans, ont été sortis et assassinés. Quant au véhicule et tout son contenu, ils seraient portés disparus. Bien évidemment, tous ces crimes sont attribués aux anti-Balaka. C’est inadmissible et inexplicable pour des gens qui veulent la paix.

Nous avons soutenu plus haut, qu’il y a deux sons de cloche que l’on entend actuellement en République Centrafricaine, quand il s’agit des questions de paix. Pendant que les responsables des groupes armés affirment avoir renoncé à la violence, il y en a qui posent des actes qui militent pour la recrudescence des hostilités. C’est le cas des gens armés, identifiés comme des éléments des ex –Séléka qui ont récemment massacré des populations civiles dans les localités de Boguila et de Bouca, dans la préfecture de l’Ouham. Quelques jours plus tôt, c’est un Abbé qui a été tué, alors qu’il rentrait d’une cérémonie religieuse.

Il existe à l’évidence des bras qui ont résolument décidé de rendre la République Centrafricaine ingouvernable. Aussi bien du côté des Balaka que des Séléka, ces bras sombres, tapis dans l’ombre, utilisent une même méthode. On assassine des musulmans, afin de pousser ses coreligionnaires à la vengeance. De même, on fait tuer des non musulmans, donc assimilés aux chrétiens, afin de pousser les anti-Balaka, à reprendre les affrontements. Alors, ces gens sont-ils si intelligents, au point de se moquer des services de renseignements français qui travaillent nécessairement avec la Sangaris?

Au point où l’on en est, les services secrets français ne peuvent-ils pas débusquer les cercles secrets qui continuent d’actionner les bras qui tuent en République Centrafricaine? C’est ici une première question naïve, si l’on prétend encore ne pas savoir qui est derrière les meurtres qui empoisonnent le quotidien des centrafricains. Or, ce questionnement en soi est inutile, dès lors que les responsables des anti-Balaka ainsi que ceux des Séléka sont connus. Pourquoi ne demande-t-on pas ouvertement à ceux qui dirigent ces groupes armés, de dénoncer les tueurs? Quand on arrive à ce niveau d’interrogation, on éprouve une bien grave déception, en constatant à quel point, l’Etat centrafricain, la Sangaris et la MISCA n’arrivent pas à trouver le moyen d’arrêter la tornade des meurtres en RCA.

Là où le bât blesse, c’est que même les délinquants, consommateurs patentés de chanvre indien, ne sont même pas eux aussi inquiétés. Ils peuvent s’organiser et tuer de jour comme de nuit, comme si les prisons, faites pour cantonner cette catégorie de personnes avaient subitement disparu du paysage de la République Centrafricaine. Il ne faut pas oublier que les agressions sont systématiquement attribuées soit aux anti-Balaka, soit aux musulmans. Ce qui signifie, que n’importe quel crime commis soit sur un chrétien, soit sur un musulman, même par n’importe quel quidam, attise automatiquement la haine, du fait que c’est sur la base de la confusion portant sur l’identité religieuse que tout est perçu et interprété.

Le problème de l’insécurité ambiante en Centrafrique repose finalement sur deux bases précises. Il y a le fait que les responsables des anti-Balaka ainsi que ceux des Séléka, qui sont notoirement connus, ne sont pas mis à contribution, pour que les tueurs soient débusqués et neutralisés. Il y a aussi le fait que les prisons ne servent plus à rien et que tous les bandits, même les plus notoirement connus sont devenus des rois.

Alors, deux questions: pour quelles raisons se prive-t-on de cette possibilité, qui consiste à utiliser les responsables des groupes armés, pour parvenir à rétablir l’ordre en RCA? Pour quelles raisons, les autorités ne renvoient pas dans les prisons, tous ces bandits et autres délinquants qui en ont été sortis par la Séléka et qui, aujourd’hui en liberté, tuent, violent, pillent et braquent à tour de bras et en toute impunité? Ça fait l’affaire de qui?

La paralysie de l’appareil sécuritaire de l’Etat centrafricain repose essentiellement sur celle de son armée, empêchée de travailler, au nom de fallacieuses raisons, qui, a priori, non seulement ne reposent pas sur des arguments valables, mis à part ceux de la puissance onusienne,  mais  qui ont occasionné à ce jour, plus de mal que ne le croyaient les doctes de cette institution qui continuent chanter le refrain de la guerre religieuse en RCA, alors qu’il n’en est rien. Ils veulent une armée composée de saints. Dans quel pays le trouve-t-on? Tous ces crimes qui sont enregistrés aujourd’hui en RCA, ces villages brûlés, ces humanitaires que l’on agresse, ces musulmans ou ces chrétiens qui se font tuer, sont à mettre à l’actif de ceux qui ont isolé les Forces Armées Centrafricaines, au profit des bandits de tous bords. Et c’est à leur nez et à leur barbe, que les crimes se commettent désormais. Félicitations!

Si la Sangaris et la MISCA n’ont pas obtenus les résultats qui étaient attendus de leur mission, alors, pourquoi ne pas revoir leur stratégie? C’est désormais une nécessité.

Wandakpando
L’AGORA

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