Libre opinion

LA GRANDE MUETTE FACE AU DILEMME DES DROITS DE L’ENFANT EN CENTRAFRIQUE ET AU BURKINA FASO.

Par Gervais Douba

L’actualité actualisante des mois de mars, avril, mai et juin 2015 est déroutante pour le credo de la grande muette agissant sur les théâtres d’opération dans divers pays africains dont la Centrafrique et le Burkina Faso. S’agissant de la République Centrafricaine, 14 à 16 des militaires de l’opération « Sangaris » dont l’effectif s’élève à 10 000 hommes, sont soupçonnés d’attouchement sexuels et/ou de viols sur des enfants. Si au Burkina Faso les auteurs ont été suspendus selon les médias, en Centrafrique, un pays empêtré dans la fourberie du sommet de l’Etat à toutes les institutions de base depuis trois ans et embourbé dans le déni des droits de l’enfant, le traitement du problème relève d’un contorsionnisme politico-juridique. Le camp de MPoko, lieu du délit, est un des barenum du grand capharnaüm qu’est Bangui : zone de non droit, d’insécurité et un réservoir génétique de la misère, livré à de fortes manipulations politiques par des groupes ethniques rivaux. Selon le billet d’humour d’un haut gradé de l’armée française, fin connaisseur des mœurs et pratiques politiques de l’Afrique post coloniale, en Centrafrique, si l’on veut bien admettre qu’un mineur en grande difficulté dans un camp de déplacés est prêt à accepter un acte sexuel en contre partie d’une ration alimentaire, le contenu d’une gamelle, il peut aussi se prêter à de faux témoignages , pourvu que la rémunération soit conséquente.

Les deux pays ont en commun d’être deux des quatorze pays d’Afrique francophone au Sud du Sahara (P.A.S.S.) ayant signé et ensuite ratifié la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 Novembre 1989 (CIDE) ainsi que la Charte Africaine des droits et du Bien-être de l’enfant Africain (CADBE) de Juillet 1990 ([1]).

Ce décor planté et les faits rappelés, ce travail se fera à partir des exigences de la CIDE/ CADBE. C’est-à-dire malgré elle ou en dépit de ses efforts d’instaurer une paix relative pour les populations démunies et très vulnérables, la grande muette s’est retrouvée face à un dilemme : adosser la réalisation de sa mission à la Convention des Nations unies du 13 Février 1946 , tout en respectant les exigences de la Convention des droits de l’enfant du 20 Novembre 1989 ( CIDE) – qui a largement et profondément inspiré la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant ( CADBE).

D’un certain point de vue, la difficulté pour ancrer la CIDE/CADBE en Centrafrique ne date pas d’aujourd’hui et soulève la question de savoir pourquoi ce pays passe pour être le labyrinthe où se multiplient les violations notoires des droits de l’enfant par certains éléments égarés -selon l’expression du Ministre de la Défense- de la grande muette ?

Il y a 36 ans que le socle de l’empire de Bokassa 1er a vacillé, suite au massacre de plus de 250 élèves et étudiants. Celui-ci a été convaincu d’avoir perpétré personnellement ces massacres dans l’enceinte de la tristement et célèbre prison de « NGaragba ». Ce n’était pas sa garde prétorienne . Un groupe de magistrats Africains a enquêté et a conclu à la participation personnelle de Bokassa à ce massacre. Prenant prétexte sur le rapport des juristes Africains, rendu public à Dakar en Juillet 1979, le gouvernement français d’alors y a tiré la source de légitimité de son intervention militaire baptisée « Opération Barracuda ». Cette opération militaire dite «Barracuda de Septembre 1979 » a été déclenchée alors que Bokassa était en visite à Tripoli. Le coup d’état réalisé par la France a permis de remettre le pouvoir clé en main à David Dacko déchu treize ans plus tôt par son proche parent Jean-Bedel Bokassa. On réfutera que la CIDE/CADBE date de 1989 et 1990 mais les conditions étaient réunies pour faire de ce pays un terreau incubateur du déni des droits de l’enfant.

Depuis le mois d’Avril 2015, ce pays est à nouveau sous le feu des projecteurs au sujet de son déni des droits des enfants. Des enfants, filles et garçons, auraient subi des attouchements sexuels d’une part par des éléments de la force « Sangaris » de l’armée française et d’autre part par des soldats originaires du Tchad et de la Guinée Equatoriale, les éléments de la MISCA ( Forces interafricaines ). La grande muette est soupçonnée tandis que l’ONU est accusée de vouloir étouffer l’affaire, en sanctionnant l’agent d’alerte : Anders Kompass, Directeur des opérations de terrain au Haut- Commissariat des Nations Unies pour les droits humains. Selon une dépêche de l’AFP datée du 22 juin 2015, les Nations unies fortement critiquées pour la façon dont l’affaire a été traitée, tentent une sortie par le haut en nommant une commission d’enquête présidée par Marie Deschamps, ancienne juge à la cour suprême du Canada. La même dépêche – que rapporte le journal Libération – indique que Marie Deschamps sera épaulée dans sa mission par Hassan Jallow (Gambie), Procureur du Tribunal international pour le Rwanda etYasmin Sook,Directrice de la Fondation pour les droits de l’homme en Afrique du Sud. Des juges français vont également enquêter en Centrafrique.

De commissions d’enquête en commissions d’enquête, des appels à la contrition et à l’auto-dénonciation lancés par le gouvernement français à l’endroit des soldats ([2]) on voit les droits de l’enfant émerger au cœur du conflit sans être questionner directement. Qu’est-ce qui rend la tâche compliquée ou complexe ?

En effet, la France, par un accord du 18 Décembre 2013 avec le gouvernement centrafricain de transition, a obtenu l’inscription, sous le régime dérogatoire de la Convention des Nations unies sur les privilèges et immunités du 13 Février 1946, l’opération « Sangaris ».

Une intervention militaire dit d’urgence humanitaire mais dont la mise en œuvre appelle le régime des privilèges et immunités diplomatiques d’une part et celui des prérogatives de puissance publique du pays hôte , finit par devenir un ordre juridique en soit. Cet ordre juridique entre en conflit avec un autre ordre juridique ; la CIDE/CADBE. La question qui est posée est celle de savoir lequel des deux ordres juridiques apportera une réponse aux différentes enquêtes en scène ? La commission d’enquêtes Deschamps et la commission d’enquête des magistrats français s’appuieront sur les droits de l’enfant à titre principal ? Quel sera le régime des indemnités et/ou de réparation du préjudice subi ? Pour ce qui est de la seconde évidence à interroger, elle pose la question des changements sociaux qu’induirait le respect des exigences de la CIDE/CADBE si on érigeait en conditionnalité dans tout partenariat de développement liant un acteur public ou privé du Nord avec une collectivité territoriale, voire toute autre entité d’un pays du Sud ?

C’est à la lumière d’une analyse holistique que nous interrogerons le dilemme dans lequel s’est engouffrée et risque de s’embourber la grande muette.

I : CIDE/CADBE, ORDRE JURIDIQUE EN CONFLIT AVEC LES ACCORDS DE DEFENSE ADOSSES A LA CONVENTION DU 13 FEVRIER 1946.

Le marqueur de la période postcoloniale avec l’ex- puissance tutélaire sont les accords de défense. Les mauvaises langues diront que ces accords légitiment et érigent la France en gendarme de l’Afrique. Des régimes politiques honnis pour leur incapacité à inventer des perspectives pour leur jeunesse, menacés d’insurrection ou exposés à des mutinerie à répétition, malades des élites, qui ne savent de la gouvernance des affaires publiques, que la coercition et la violence, usent et abusent de ces accords, soit pour la formation des forces armées, soit pour rendre leurs forces de sécurité personnelles plus performantes que les forces armées et les forces de gendarmerie nationales. En Centrafrique, le jargon politique englobe toutes ces forces dans ce qu’on appelle « le système de défense et de sécurité »

Placés sous l’égide des Nations unies Ceci signifie que le redéploiement des les camps militaires obéissent au régime d’extra-territorialité et sont assimilés à des représentations diplomatiques. Ainsi, dans la pratique, ces accords bilatéraux ou multilatéraux de défense adossés aux Conventions des nations unies sur les privilèges et immunités du 13 Février 1946 sont de véritables « terra incognita » des droits de l’enfant. On a d’un côté un ordre juridique, à savoir les accords de défense intriqués aux Conventions des nations unies sur les privilèges et immunités et de l’autre, un autre ordre juridique, à vocation internationale aussi, la CIDE/CADBE mais considéré comme des ordres juridiques supplétifs, relégués au rang de droits accessoires, de droits de la périphérie d’autres ordres juridiques plus importants. Lorsque le premier est négocié puis mis en œuvre, on y intègre peu ou prou les exigences du second, c’est-à-dire qu’on ne prend pas en compte et avec le même degré de gravité, les effets ou impacts du premier sur le second etinversement. L’approche, qu’on a de l’intérêt supérieur de l’enfant est plutôt une approche d’un droit supplétif ; un droit accessoire. On ne reconnaît pas aux droits de l’enfant, la vocation d’un droit structurant pour les intérêts que défendent les accords bilatéraux de défense et les Conventions des Nations unies du 13 Février 1946, c’est-à-dire une norme de niveau principal. Dit autrement, le droit d’ingérence humanitaire dont on se prévaut, conduit-il à reléguer la CIDE/CADBE au rang de droits supplétifs ? C’est la question que soulève le dilemme dont la grande muette, fait face..

Reléguer la CIDE/CADBE au rang d’ordre juridique supplétif devient de plus en plus un phénomène. On ne se rend pas compte mais le phénomène tend à créer un terreau propice à toutes les déviances imaginables, le phénomène finira par se muer en champignons à la racine d’un arbre, c’est-à-dire le parasiter. C’est le phénomène qui nourrit l’errance territoriale aux conséquences protéiformes et tentaculaires pour des familles et des enfants dont les principales sont les habitats informels, la dislocation des lieux de socialisation, la destruction des structures scolaires. Lorsque le lien social est détricoté et les structures familiales délitées, les manques s’en trouvent aggravés et on constate alors l’émergence de nouveaux déficits et de nouvelles pathologies psychosociologiques. Les droits de l’enfant ne sont ni promus ni défendus par l’administration et le pouvoir dont ce sont les attributions premières. Dans le billet d’humour que nous citions, le haut gradé de l’armée française à Bangui faisait remarquer qu’il est de notoriété publique qu’en Centrafrique l’autorité, quelle soit politique, civile et/ ou militaire, elle est déficiente et défaillante. La réaction du Procureur de Bangui ([3]) est étonnante, comme si l’on se trouvait dans un pays de droit.

Intention noble à l’origine, l’opération « Sangaris » a permis de sauver des vies par l’exercice du droit d’ingérence humanitaire . Mais se pose à la grande muette le problème suivant : ne devrait-elle pas être plutôt le bras armé d’une démocratie chargée d’appliquer le principe du respect de la France et par la France, même sur un théâtre d’opération à l’étranger, les droits de l’enfant. Intervenir pour juguler une situation potentiellement génocidaire confère-t-il le permis de spéculer sur le désintérêt des pouvoirs publics nationaux pour mutiler l’intérêt supérieur de l’enfant ?

L’implantation de plusieurs camps militaires : Sangaris, MINUSCA, Eurofor, à proximité du camp des « déplacés » n’est pas la cause de l’errance territoriale et de la situation de détresse où étaient les enfants. En revanche, les promiscuités à l’origine de la situation sont nées de la proximité. Les dysfonctionnements et les dissymétries de toutes natures œuvraient les uns avec les autres.

La proximité de ces camps a généré des promiscuités potentiellement accidentogènes pour les droits des enfants. Dans les camps militaires dont celui de Sangaris, règne l’abondance. Dans le camp d’en face où les barbelés servent de mur mitoyen, c’est-à-dire le camp des « déplacés », règnent la pénurie et la misère.L’errance territoriale a fait perdre aux enfants repères et points d’ancrage.

Les droits des enfants ont été réduits à des variables d’ajustement des autres ordres juridiques. Le cas Centrafricain est typique des ordres juridiques en conflit. Les commissions d’enquête vont s’enchevêtrer, le ballet des diplomates sera bien cadencé. Cependant, l’instauration de ponts durables entre ordres juridiques et la mise en perspective d’une humanité fondée sur les valeurs et principes tirés des droits de l’enfant restera un espoir vain ([4]). Dans les conflits entre ordres juridiques, la clé de lecture devrait plutôt être la sauvegarde de la valeur recherchée . Or, on priorise les égoïsmes nationaux ou le rapport de force. Très souvent dans les normes juridiques en conflit avec les droits de l’enfant, la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant est à géométrie variable. La protection de l’enfant est à géométrie variable et la participation de l’enfant est également à géométrie variable.

Contrairement à la pratique dans les ordres juridiques en conflit, par- delà la vocation singulière des droits de l’enfant en tant qu’ordre juridique, nous relevons également la montée de l’autonomie des droits de l’enfant. Cette autonomie fait des droits de l’enfant une référence et offre tout un référentiel acteur de terrain ; référence et référentiel qui font de plus en plus autorité : travail des enfants, prostitutions infantiles, l’esclavage moderne et les autres formes de traitement humiliant et avilissant de l’enfant, ainsi que la participation des enfants aux décisions susceptibles d’impacter leur vie.

Finalement les droits de l’enfant constituent des droits à part entière et non des droits entièrement à part, des droits de seconde zone, des droits supplétifs. Les enfants sont pauvres certes mais leurs droits ne sauraient être réduits à n’être qu’un pauvre droit, à n’être que des droits mutilés, cannibalisés ou phagocytés par d’autres droits. Espérons que Mme Marie Deschamps et son équipe se réfèrent à la CIDE/ CADBE dans la construction d’un rempart jurisprudentiel notamment en matière de réparation ou que leur décision invente une notion « dissolvant » telle « les enfants soldats » ou les «EFGA». La grande muette va soulever les problèmes de preuves, de crédibilité des témoignages, d’ADN etc.

La seconde évidence à interroger relève plutôt de l’impact du contexte socio-économique sur les droits de l’enfant. Si on intégrait la CIDE / CADBE dans les aides publiques au développement ? Quels liens y- a-t-il avec les développements précédents et qui sont peu ou prou investigués ? Nous avons tendance à répondre par l’affirmative en ce sens que les accords de défense sont activés en période de d’insécurité politique et militaire alors que l’aide publique au développement porte en elle des germes de co-construction d’une société mais en temps de sécurité relative. Dans chacun des cas envisagés les droits de l’enfant sont impactés.

II : INTÉGRER LA CIDE/CADBE DANS LES PARTENARIATS DE DÉVELOPPEMENT : UNE VOIE A EXPLORER DANS LE DÉFI DES OBJECTIFS DU DÉVELOPPEMENT DURABLE.

Sans céder au plaisir de conjecturer pour conjecturer, la connaissance, l’expérimentation et l’action en faveur de la promotion et défense des droits de l’enfant constituent le prisme d’analyse d’une société ([5]) qu’elle soit située dans l’hémisphère Nord ou dans l’hémisphère Sud.Nous référant à cette démarche et à nos développements précédents où l’on confond protection des droits de l’enfant à culte au compassionnel, il est curieux de constater que les Rapports de l’ONU ([6]) ne considèrent pas les droits de l’enfant comme source et moteur d’accélération de mise en œuvre des objectifs du Millénaire pour le développement et de définition du programme de développement.. Deux thèses fondent et inspirent notre démarche : la thèse de l’intégration des droits de l’enfant comme catalyse et levier de progrès social face à une situation d’errance territoriale et celle de l’articulation des 3 P : Protection, Prescription et Participation

La thèse des droits de l’enfant comme catalyse de réflexion et d’action finalités pour une optimisation de l’aide publique au développement ; surtout les dotations dans le cadre des OMDD.

La communauté internationale – particulièrement les dirigeants du monde occidental- a été interpellée par la lettre posthume de deux adolescents Guinéens retrouvés morts le 2 Août 1999 dans les trains d’atterrissage de l’avion de la Sabena à Bruxelles ([7]) Sans se substituer aux auteurs, la situation qui prévaut sur les côtes Libyennes et aux différentes portes de l’espace Schengen rend encore plus actuelle la lettre posthume ;c’est-à-dire le décalage, qu’il y a entre les préoccupations des dirigeants de ces pays et les exigences de la CIDE/CADBE. Les dirigeants européens n’ont pas de réponse pertinente à cette grande crise humanitaire qui gagne en ampleur devant les portes de leur espace sauf la réponse militaire tandis que les dirigeants de l’Union Africaine se terrent dans un silence assourdissant. Or, le message des jeunes Guinéens est une invitation à une refondation de ces sociétés sur et/ à partir de l’intérêt supérieur des enfants dont la de lutte contre la pauvreté dans les accords de partenariats pour le développement.

Impulser les objectifs du Millénaires pour le Développement Durable se réduirait à une vue de l’esprit si l’on n’intègre pas plus en amont les droits des enfants dans les accords de coopération et de co-construction. De ce point de vue, les exigences des droits de l’enfant conduisent implicitement à retirer- dans certains cas- de l’Aide Publique au Développement, le verrou du sacro-saint principe de subsidiarité. Selon ce principe, les investissements sont réservés prioritairement aux domaines économiques : exploitation des forêts, commerce de diamant et autres minerais. En revanche, les domaines non économiques tels l’enseignement et la formation, la santé sont des domaines laissés aux Etats. Ces derniers choisissent purement et simplement d’abandonner les domaines visés ou donnent en sous-traitance aux clusters des ONG. Le champ des droits de l’enfant est le domaine de prédilection du management public/privé dans les pays comme le Centrafrique.

Dans les 8 Objectifs du Millénaire pour le Développement, la lutte contre la pauvreté passe par l’éradication des facteurs de pauvreté et de réduction de la vulnérabilité des populations, au premier rang desquelles les enfants. La recherche de satisfaction de l’intérêt supérieur de l’enfant occupe une place prépondérante dans les 8 objectifs. Ce qui nous amène à considérer l’errance territoriale et les conséquences tentaculaires comme le signe de l’échec des OMD. Dans le même ordre d’idée, alors que les autres normes sont vagues en matière de principes, les droits de l’enfant indiquent le modus operandi.

Quant à la thèse de l’articulation des 3 P (P. comme Protection, P. comme Prestation et P. comme Participation. La thèse de l’articulation est le prisme d’analyse par excellence. Le concept d’articulation vise à créer des ponts entre les acteurs, une sorte de toile d’araignée avec pour objectif un effet « rempart », un effet « mirador » pour favoriser l’éclosion des droits de l’enfant. La défection d’un seul maillon de la chaîne suffit à révéler des dysfonctionnements.

A travers la fenêtre de la « Protection » on se rend compte, qu’en dépit des aides publiques dont les gouvernements successifs ont bénéficié, aucun d’eux n’a inscrit dans les politiques publiques des mesures pour réaliser les objectifs de la CADBE. Pire encore le gouvernement de transition- dont la défaillance a déjà été mentionnée – a confondu droits de l’enfant à la protection. Celui-ci développe davantage l’approche « approche enfant ;objet de protection » à celle de « l’enfant ; sujet de droit à la protection ». La protection en soi est érigée en compassion. Pour en venir aux droits de l’enfant aux prestations de l’Etat, des parents et d’autres institutions agissant dans le champ de ses droits, l’Etat prétextant n’avoir aucun moyen n’élabore aucune politique publique. Ne ne sachant comment s’acquitter de ses obligations en matière de prestation, les parents n’ayant pas été payés, l’Etat se borne à des Prescriptions vagues, qui confinent davantage à de la « Proscription »

Enfin, en errance territoriale, l’enfant est laissé à la merci des circonstances de toutes sortes et subit toutes les influences. Personne ne lui demande son avis. Dans la pratique, l’éduque-t-on à la dignité, à la protection de son propre corps ?

L’éradication de la pauvreté est un préalable à la construction d’un développement durable à finalité humaine. Exfiltrer le droit des enfants de la spirale du déni, voire de la cannibalisation par d’autres droits, sauver l’intérêt supérieur de l’enfant face à d’autres intérêts notamment ceux du marché et des complexes militaro-industriels exige une dose de subversion dans l’analyse et de changement de paradigme dans la pratique des accords de partenariats publics/privés.

CONCLUSION :

La crise en République Centrafricaine entre dans sa troisième année. Elle a déclenché des manifestations de solidarité multiforme à travers le monde dont l’opération Sangaris. Mais celui qui est triplement victime est l’enfant : exposé à l’errance territoriale soit en tant que « déplacé » soit en tant que « réfugié » soit en tant qu’ « enfant soldat » enrôlé de force par les forces et groupes armés ([8]).

Cette errance territoriale héberge non seulement des pathologies graves et connues mais est également propice au développement d’autres pathologies hybrides et plus dévastatrices sur le plan humain.

Les droits contenus dans la CIDE/CADBE sont cannibalisés par d’autres droits et sont dévoyés voire bifurqués. Les institutions politiques nationales et panafricaines ont signé des Conventions à des fins d’affichage, en tant que « pays de droit » dont les législations sont alignées sur les standards internationaux. Deux enquêtes sont menées à Bangui pour aboutir à quelle réparation ? L’une initiée par l’ONU, la Commission Deschamps et l’autre au nom de la France et par la France par des juges.Les droits de la défense seront-ils garantis ? Réussira-t-on à identifier les victimes et les témoins et à les auditionner sans leur inspirer la peur ?

Seule une approche subversive des droits de l’enfant et l’intégration de ces droits dans les Objectifs du millénaire pour le développement durable donnera à ces droits : CIDE/CADBE , un autre sens et une autre humanité.

Gervais Douba
Maître de Conférences en Sciences de gestion (Université de Rouen)
Administrateur et Délégué Régional de la section française de Défense de l’Enfant Internationale.( DEI-France )

[1] : La Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’enfant africain (CADBE). L’esprit de la Charte est inspiré largement de la Convention Internationale des Droits de l’enfant du 20 Novembre 1989.

[2] : Le Monde du 1er Mai 2015 « Centrafrique : 16 Soldats français accusés de viols sur mineurs. Ces viols auraient été commis dans la période de décembre 2013 à Mai-juin 2014 sur des enfants « déplacés » dans l’immense Camp MPOKO..
Le Monde du 5 mai 2015 « Viols en Centrafrique : la justice au ralenti » « Si quelqu’un a Sali le drapeau, si d’aventure un seul d’entre eux a commis de tels actes, qu’il se dénonce immédiatement » Jean-Yves Le DRIAN, Ministre de la Défense
Jean-Louis Le Touzet « Bangui : « des Soldats Français accusés de viols » Libération Editions numériques du 30 Avril 2015 

[3] : Bensimon ; C. Envoyé spécial du Journal Le Monde Editions électronique 5 Mai 2015, Bourreau ;M. ( New-York Nations Unies correspondance et Guilbert ; N. et Piel ;S. ( Paris)

[4] : Jean-Pierre Rosenczveig « Droits de l’enfant comme prisme d’analyse d’une société » Blog Journal le Monde. L’inventeur du concept est magistrat. Très longtemps Président du Tribunal pour enfant au Tribunal de Bobigny, il est fondateur de la section française de Défense des Enfants Internationale. Il Préside le Bureau International des enfants dont le siège est à Montréal.

[5] : Rosenczveig ; J-P ( Blog Le Monde.) précité

[6] : Rapport 2014 du Secrétariat Général sur les 8 objectifs du millénaires pour le développement, particulièrement celui considérant une vie de dignité pour tous de la soixante –huitième session..

[7] : Yaguina Koita et Fodé Sylla « Message posthume aux dirigeants de l’Europe Occidentale »

[8] : AAD COMMENTS : Centrafrique : Les soldats sud-africains traumatisés d’avoir « tué des enfants » C’est seulement après que les tirs eurent cessé que nous avons vu que nous avions tué des enfants. Nous ne savions pas que ça se passerait comme ça. Nous avons tué des petits garçons…des adolescents qui auraient dû être à l’école. Les survivants pleuraient, appelaient à l’aide, appelaient (leurs) mamans»

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