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FILS-ÉCRIVAINS ET « MÈRE CHÉRIE… »

« À MA MÈRE
Femme noire, femme africaine,
Ô toi ma mère, je pense à toi…
Ô Daman, ô ma Mère,
Toi qui me portas sur le dos,
Toi qui m’allaitas, toi qui gouvernas mes premiers pas,
Toi qui la première m’ouvris les yeux aux prodiges de la terre,
Je pense à toi… »
Simplement prodigieux !
Alors, qui donc est cet adulte aux cheveux grisonnants, dont la mémoire ingrate et même endormie, n’oserait pas se réveiller à l’évocation de cette ode intemporelle et sublime à la mère, écrite jadis par l’écrivain guinéen CAMARA LAYE, ode qui aura bercé l’enfance studieuse de tant de générations d’écoliers passés par l’école africaine des ères lumineuses ?
Et de la poésie exquise de LEOPOLD SEDAR SENGHOR, qui se souvient encore de ces vers nostalgiques de NDESSÉ ou Mélancolie en wolof ?
« Mère, on m’écrit que tu blanchis comme la brousse à l’extrême hivernage…
L’Europe m’a broyé comme le plat guerrier sous les pattes pachydermes
des tanks
Mon cœur est plus meurtri que mon corps jadis au retour des lointaines
escapades aux bords enchantés des Esprits.
Je devrais être, Mère, le palmier florissant de ta vieillesse, je te voudrais
rendre l’ivresse de tes jeunes années
Je ne suis plus que ton enfant endolori, et il se tourne et retourne sur ses flancs
douloureux
Je ne suis plus qu’un enfant qui se souvient de ton sein maternel et qui pleure.
Reçois-moi dans la nuit qu’éclaire l’assurance de ton regard
Redis-moi les vieux contes des veillées noires, que je me perde par les routes
sans mémoire.
Mère, je suis un soldat humilié qu’on nourrit de gros mil.
Dis-moi donc l’orgueil de mes pères ! »
En voilà des mots ! Des mots qui vous saisissent jusqu’aux entrailles et vous renvoient aux jours d’autrefois, ces jours qui ne sont plus, ces jours qu’on ne revivra plus jamais…
Qui ne connaît pas cette mère adorée à qui ALAIN MABANCKOU a dédié plusieurs de ses livres, mais surtout cette mère, Pauline KENGUÉ, que l’écrivain n’aura vue, ni vieillir, ni mourir. Et c’est pourquoi, s’il parle très souvent de sa mère, c’est aussi la façon que semble avoir trouvée MABANCKOU pour continuer de pleurer la défunte et faire ainsi son deuil.
« J’ai longtemps laissé croire que ma mère était encore en vie. Je m’évertue désormais à rétablir la vérité dans l’espoir de me départir de ce mensonge qui ne m’aura permis jusqu’alors que d’atermoyer le deuil. J’ai encore sur le visage la cicatrice de cette disparition , et même s’il m ‘arrive de l’induire d’une de joie factice , elle remonte à la surface lorsque s’interrompt soudain mon grand éclat de rire et que surgit dans mes pensées la silhouette de cette femme que je n’ai pas vue vieillir, que je n’ai pas vue mourir et qui , dans mes rêves les plus tourmentés , me tourne le dos et me dissimule ses larmes . »
Qu’il s’agisse de l’Afrique ou des autres continents, le thème de la mère demeure central en littérature. Source profonde et intarissable d’inspiration, la figure de la mère a de tout temps nourri la plume remarquablement agile et les récits alertes de leurs génies de fils et filles.
Ci-dessous, voici de courts extraits tirés de quelques livres que j’ai adorés. Certains, je les ai plusieurs fois lus (PROMESSE DE L’AUBE de ROMAIN GARY), et d’autres, je continue encore de les lire encore au moins une fois chaque année (LE LIVRE DE MA MÈRE d’Albert COHEN). Si le cœur vous en dit, et si ce n’est pas encore fait, je vous propose donc ces titres que voici :
« LETTRES À SA MAMAN » d’ANTOINE DE SAINT EXUPÉRY :
«Ma petite maman,
Je viens de relire votre lettre de l’autre jour, si pleine de tendresse. Ma petite maman, comme je voudrais être auprès de vous! Si vous saviez comme chaque jour j’apprends un peu plus à vous aimer. […] Comment ai-je pu vous faire pleurer quelquefois? Quand j’y pense je suis si malheureux. Je vous ai fait douter de ma tendresse. Et pourtant si vous la saviez, maman »
« LETTRE À MA MÈRE » DE GEORGES SIMENON
« Ma chère maman, Voilà trois ans et demi environ que tu es morte à l’âge de quatre-vingt-onze ans et c’est seulement maintenant que, peut-être, je commence à te connaître.
J’ai vécu mon enfance et mon adolescence dans la même maison que toi, avec toi, et quand je t’ai quittée pour gagner Paris, vers l’âge de dix-neuf ans, tu restais encore pour moi une étrangère.
D’ailleurs, je ne t’ai jamais appelée maman mais je t’appelais mère, comme je n’appelais pas mon père papa. Pourquoi ? D’où est venu cet usage ? Je l’ignore. »
« DIEU, MA MÈRE ET MOI » DE FRANZ OLIVIER GIESBERT
Un jour que je m’étais ouvert de mon désarroi à ma mère, elle m’avait répondu:
« Si Dieu n’existait pas, ce serait encore pire.
-Non ce serait plus clair. On saurait à quoi s’en tenir.
-Sans Dieu, plus rien n’a de sens. L’expérience t’apprendra que les incroyants se pourrissent la vie. Je les plains.
-Maman, tu es en train de me dire qu’il suffit de croire en Dieu pour être heureux?
-Ce n’est pas si simple. Mais Dieu, la Bible et le reste, c’est une belle histoire. Elle t’élève, elle te transporte, elle te fait du bien. Elle nous fait oublier que nous ne sommes rien.
« LE LIVRE DE MA MÈRE » d’ALBERT COHEN : « Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles. Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère. Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère. Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil. »
« Je ne veux pas qu´elle soit morte. Je veux un espoir, je demande un espoir. Qui me donnera la croyance en une merveilleuse vie ou je retrouverai ma mère? Frères, o mes frères humains, forcez-moi a croire en une vie éternelle, mais apportez-moi de bonnes raisons et non de ces petites blagues qui me donnent la nausée tandis que, honteux de vos yeux convaincus, je réponds oui, oui, d´un air aimable. Ce ciel ou je veux revoir ma mère, je veux qu´il soit vrai et non une invention de mon malheur. »
« LA PROMESSE DE L’AUBE » DE ROMAIN GARY
« – Je sais bien que c’est ta mère, mais c’est tout de même beau, un amour comme ça. Ça finit par vous faire envie… Y aura jamais une autre femme pour t’aimer comme elle, dans la vie. Ça, c’est sûr.
C’était sûr. Mais je ne le savais pas. Ce fut seulement aux abords de la quarantaine que je commençai à comprendre. Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c’est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour
maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite
de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d’amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passés à la source très tôt, et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n’y a plus de puits, il n’y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l’aube, une étude très serrée de l’amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.
Je ne dis pas qu’il faille empêcher les mères d’aimer leurs petits. Je dis simplement qu’il vaut mieux que les mères aient encore quelqu’un d’autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine.
Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants. »
J’aurais bien aimé rajouter encore quelques titres, mais je m’arrêterais ici pour vous laisser jouir du plaisir de découvrir par vous-même, tous ces centaines de livres sur le sujet foisonnant de la mère, que je n’ai pas ou n’aurai certainement pas la chance de lire.
Toutefois, si la plupart des écrivains ont cru devoir à travers leurs œuvres, témoigner de leur amour maternel en célébrant leur mère, il n’en reste pas moins, que quelques uns n’hésitent pas à écrire pour manifester le mépris et la détestation de la mère ( le cas de Henri Miller que sa propre mère considérait comme un raté), et plus généralement la condamnation de la femme, comme c’est le cas de la camerounaise CALIXTE BEYALA (C’est le soleil qui m’a brûlée, Tu t’appelleras Tanga) ou encore Marie-Claire Blais (La belle bête, Une saison dans la vie d’Emmanuel), pour ne citer que ceux là.

GJK-Guy José KOSSA

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