Grand format de J.Gréla

Bangui appelle Paris à rester jusqu’en 2015

Alors que 260 ressortissants sénégalais souhaitent être rapatriés par leur gouvernement, raconte Ousmane KÂ, « Tous nos biens ont été pillés. On nous a pris tout notre argent. Nous voulons que le gouvernement envoie un avion venir nous prendre », d’une voix nostalgique, le premier ministre de transition André Nzapayéké a entamé des discussions avec des chefs militaires anti-balakas, « prêts à coopérer ». Un peu plus tôt, un membre de la délégation anti-balakas, composée de membres des FACA, a annoncé une scission au sein du mouvement.

Une opération conjointe entre les forces africaines et françaises a mobilisé 250 militaires et policiers dans les quartiers, fiefs des anti-balakas. Huit personnes ont été arrêtées. Plusieurs maisons ont été fouillées. Des armes automatiques, des AK-47, des grenades, des armes blanches et de nombreuses munitions ont été saisies. Toutefois, l’un de ses «objectifs», l’arrestation de Ngaissona, « le gros poisson, coordonnateur politique» des anti-balakas, n’a pas été atteint. Joint par téléphone par l’AFP, il a affirmé : « Ils (Misca et Sangaris) n’ont pas réussi à me prendre, j’étais sorti. Il faut qu’on me dise pourquoi on me cherche». Cette opération est terminée sous les huées des habitants :« Cassez-vous ou on va s’occuper de vous ».

« L’action militaire à Bangui est terminée »

a déclaré dimanche le général Francisco Soriano, chef de Sangaris, rappelant que la sécurisation de la capitale était désormais essentiellement aux mains de la Misca avec ses 5.500 hommes.

Demande de maintien des forces françaises jusqu’en 2015

C’est dans cette atmosphère qu’une délégation française de neuf parlementaires conduite par madame Elisabeth Guigou, la présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale est arrivée à Bangui.

A leur sorite d’entretien avec madame Catherine Samba Panza,présidente de transition, ils ont annoncé, lundi, à la presse que la présidente de transition souhaite que l’intervention militaire française dans son pays, soit prolongée jusqu’aux élections prévues en février 2015 : « il faut qu’ils (les soldats français) restent jusqu’aux élections, c’est-à-dire le début 2015».

Madame E. Guigou avait déjà, en décembre 2012, a estimé que Bozizé devrait «laisser la place», qu’il «a (vait) fait la preuve malheureusement depuis quelque temps de son incompétence», alors que les seleka était aux portes de Bangui.

La délégation s’est également entretenue avec différents responsables de Sangaris et des Nations unies avant de s’envoler pour le Tchad pour une visite de travail de 24 heures.

Malgré les réactions de la classe politique française, l’Assemblée nationale doit se prononcer par un vote le 25 février sur la prolongation au-delà de début avril de l’opération Sangaris en Centrafrique.

Lors du lancement de l’intervention française, le 5 décembre, le président Hollande avait évoqué une opération «rapide». Mais Paris a décidé à la demande du secrétaire général de l’Onu, Ban Ki Moon, d’envoyer 400 soldats supplémentaires, ce qui portera le dispositif à 2 000 soldats français dans le pays.

Paris, protecteur de l’Afrique à son corps défendant

Des observateurs bien informés susurrent que Paris protège son pré-carré en Afrique à son corps défendant qu’elle ne peut lâcher. L’opinion publique n’est dupe de la prolongation de la mission de sangaris en Centrafrique. « Les opérations militaires sont toujours difficiles, s’adaptent en fonction des circonstances », a justifié Le Drian qui veut  éviter la partition à tout prix du pays par les selekas. Le secret de polichinelle, entretenu depuis le lancement de l’opération Sangaris, a pris fin par la déclaration de Le Drian lui-même qui a reconnu, de son retour de Bangui que « la mission sera plus longue que prévu ». Les troupes françaises resteront donc en Centrafrique au-delà des six mois qui avaient été fixés. Elles seront aussi plus nombreuses.

La Centrafrique en mal de renforts :

L’aide militaire européenne, tributaire des intérêts des Etats membres

« La France ne peut pas tout faire toute seule » a souligné Mme Guigou. « Il est impératif qu’il y ait des renforts de l’Union européenne. Il est prévu jusqu’à 900 personnes, il faudrait qu’ils arrivent rapidement », a-t-elle ajouté.

L’UE envisage, en effet, de déployer de soldats en Centrafrique, avait annoncé devant le Conseil de sécurité de l’ONU, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton « Nous avons plus de 500 hommes », et précise-t-elle, l’UE « envisageait le double de ce chiffre » sans donner de date.

«  « Il n’y a toutefois pas de lien évident avec cet accroissement » analyse un spécialiste des relations internationales. « Cette réaction subite l’UE vient de la déclaration de la menace de partition du pays, mais non de l’appel de la France qui, depuis le début, n’a pas été entendue par ses partenaires dites grandes nations ». Les pays européens ont absous Paris qui, au départ, n’avait pas jugé utile de faire appel à eux. Au bout du compte, la Pologne promet 140 hommes, la Lettonie et la Roumanie, une cinquantaine, l’Estonie songe à un engagement important et la Géorgie…

« La solitude française doit cesser »

Le principal parti d’opposition UMP a fait état de « beaucoup d’interrogations ». Ainsi, le député Pierre Lellouche : « Quel est l’objectif fondamental de cette mission ? », s’est-il interrogé. « Quand est ce qu’on en sort et comment ? Qui sont les alliés de la France dans cette affaire ? », a-t-il encore demandé, ajoutant que « la solitude française doit cesser dans ce type d’opérations ».

« L’opération française change de nature de fait », a estimé le député centriste (UDI) Philippe Folliot. « Au début, c’était une opération pour stopper les massacres et ça devient une opération d’accompagnement jusqu’aux prochaines élections ». Cela suscite des « interrogations sur le financement de l’opération et la nécessité qu’elle devienne une opération réellement multinationale », a-t-il insisté.

La France se déploie en province

Le dispositif des soldats de sangaris depuis le début de l’opération n’a pas permis de faire cesser les violences et le cycle des représailles. L’augmentation de cet effectif français doit permettre un déploiement plus large en province où les exactions se poursuivent. « C’est dommage qu’il ne s’en aperçoive que maintenant », tacle le député UMP Pierre Lellouche, qui s’est rendu à Bangui avec la délégation parlementaire. « Ces 400 hommes sont nécessaires », estime de son côté Roland Marchal, spécialiste de la région au Ceri-Sciences-Po.

L’opération sangaris s’accélère. Le général commandant sangaris estime que l’arrivée immédiate de 50 gendarmes soulagera les militaires de certaines opérations de maintien de l’ordre. Mille soldats de l’Union européenne pourraient aussi rallier Bangui dès le mois prochain, a-t-il insisté. Il a expliqué que les unités de combat de Sangaris, initialement concentrées dans la capitale, sont  désormais déployées « pour moitié à Bangui et pour moitié en province ».

Les musulmans de Bouar payent pour être épargnés

Dans d’autres localités de province, la situation demeure extrêmement tendue, notamment dans la localité de Bang (ouest), où, trois attaques imputées par des sources locales à d’ex-rebelles Séléka ont été menées depuis le 13 février, tuant au moins 22 personnes.

Depuis le 12 février, les 150 soldats hussards parachutistes, appuyés par une section d’infanterie, ont pris position à Berbérati, située à 600 km au sud-ouest de la capitale.

Occupée pendant des mois par les combattants à majorité musulmane de la Séléka, Berbérati est tombée le 8 février sous la coupe de la milice d’autodéfense anti-balaka, composée de chrétiens animistes, aujourd’hui accusée d’atrocités à l’encontre des populations musulmanes.

La lutte contre les anti-balaka, auxquels la présidente de transition a promis de « faire la guerre », est devenue l’une des priorités pour la force internationale.

Alors, « Il faut maintenant accélérer le déploiement vers l’ouest et le nord », a souligné le général Soriano, rappelant l’arrivée prochaine des renforts promis par la France.

Ces renforts, a précisé le commandant de la force française, « viendront dans les prochains jours des forces pré-positionnées au Tchad et à Djibouti avec des moyens aériens, notamment des hélicoptères, et terrestres. Il y a une course contre la montre à mener avant que la saison des pluies n’arrive » en avril.

Pendant ce temps à Bouar, des femmes musulmanes attendent de trouver refuge dans la mosquée.

Trois semaines et demie après le départ de la Séléka de Bouar et son retour d’exil du Cameroun, le lieutenant Damboye, ancien garde présidentielle de Bozizé, est le roi de la ville, affichant un sourire arrogant et narquois. Il espère renaître après l’intermède sanglant du règne de la Séléka. Il partage le pouvoir à Bouar avec le chef des anti-balaka, le « général » N’Dalé, ancien féticheur commandant la rébellion des villageois chrétiens. Le vrai lieutenant et le faux général ont organisé, comme partout en Centrafrique, un mouvement qui a commencé par le soulèvement d’une population meurtrie par une année de crimes et d’humiliations, puis par un combat contre la Séléka, accompagné d’une campagne de tueries et de pillages visant la communauté musulmane.

Selon le Monde International en ligne du 17/02/2014, au total, 8250 musulmans sont assiégés à la mosquée centrale de Bouar. Ils sont terrifiés et cherchent un moyen de quitter le pays avant que les anti-balaka ne lancent l’assaut, ajoute le journal qui rapporte les avancées du capitaine Arnaud entré dans Bouar le 14 février à la tête d’une unité de l’armée française et qui a découvert cette situation. Le 6e bataillon d’infanterie de marine du colonel Arnaud Mettey poursuit son déploiement vers l’ouest du pays.

Les responsables l’opération française Sangaris et de la Misca ont durci le ton ces derniers jours, prévenant qu’ils feraient usage de la force.

A Bagneux le 19 février 2014

Joseph GRÉLA

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