Libre opinion

ANALYSE PSYCHOTHÉRAPIQUE POUR UNE DÉMARCHE DU PARDON

« Un regard nouveau, véritable cheminement en vue de la re–conciliation ». 

Le bébé qui naît, pousse son premier cri pour montrer son existence ; il est là. Ce cri est vital. La réponse de la mère accompagnée des douces premières caresses le rassure, le met en confiance et en sécurité. Le monde n’est plus ce grand vide qu’il pourrait imaginer. Il y a d’autres existences désormais autour de lui. Il n’est pas seul. Il est en société. Il doit commencer à prendre les bases de cette vie avec les autres. Ce qui nécessite des règles et des contraintes. Les respecter est une garantie pour l’harmonie du groupe ou de la famille. En enfreindre, c’est causer une grave entorse à son fonctionnement ; c’est l’affecté. Des hommes sont angoissés par la peur de ce qui va arriver. Certains dépressifs, parce qu’ils ont tout perdu. D’autres  encore, crachent le feu de la colère contre l’élément étranger qui s’introduit ou qui cherche à s’introduire en eux ou dans leur vie. Le rétablissement de la concorde familiale est nécessaire et urgente. Ainsi le pardon surgit comme une réparation d’une faute ou d’un péché selon les croyants. A cet effet, on s’engage dans une démarche de celui qui demande le pardon ou de celui qui veut pardonner : le cas de la parabole de l’enfant prodigue.

Chapitre I : Demander pardon

1. L’état conséquence : « Ici, je meurs de faim », dit l’enfant prodigue qui prend conscience de son état présent. Il travaille durement. Il souffre. Il a faim. Il n’a pas encore perçu son salaire pour se payer à manger. On ne lui donne pas à manger, même pas ce que mangent les porcs dont il a la garde. Il est psychologiquement abattu, et physiquement épuisé. Il est dans un état émotionnel d’angoisse qui se traduit par la peur du lendemain. Comment survivre ? Où trouver à manger ? Combien de temps va durer sa souffrance ? Son for intérieur s’exprime. Son âme est affectée. Aujourd’hui, tout homme peut vivre cette situation : le prisonnier entre les quatre murs de sa cellule, le condamné dans le couloir de la mort, la victime dans des pays en guerre, l’étranger, le « sans abri »… 

2. L’état initial : « Des ouvriers de mon père ont du pain », ainsi marmonne l’enfant prodigue. La dépression s’installe. L’angoisse l’envahit. Aujourd’hui, il prend conscience qu’il n’est rien ; qu’il n’a rien, lui qui avait tout en abondance dans la maison de son père, lui qui ne manquait de rien. Ce questionnement le lance dans la recherche de la cause.

3. Le point enclencheur : « Donne-moi la part de bien qui doit me revenir ». C’est ce qui l’a fait partir de la maison de son père. Ici débute sa misère, sa descente aux enfers. Il est désormais seul, face à sa vie, face à son propre miroir. Il y trouve la cause de sa souffrance. Il en est de même pour ceux qui s’interrogent sur leur vie, sur ce qui a façonné leur vie : le manque de confiance en soi, la malhonnêteté, la paresse, le découragement, l’inexpérience, la quête du pouvoir, le goût pour la vie facile… On en devientdonc malade aussi bien physiquement que psychologiquement. Il faut se soigner. Quel remède ?

4. Le Changement : « Je ne mérite plus d’être appelé ton fils » poursuit l’enfant prodigue. L’enfant prodigue n’attend pas que le père vienne le supplier pour rentrer à la maison. Il a pris conscience de ce qu’il est. Il trouve lui-même son chemin. Il n’a plus honte de lui. Il n’a plus peur du traitement que lui réserverait son père. Il ne cherche pas d’excuses. Il assume l’acte posé. Il prend la décision de repartir chez son père réparer sa faute et normaliser ses relations. Quel courage ! Quelle audace ! Voilà ce qui manque à beaucoup d’hommes. Ils n’arrivent pas à prendre une décision. Ils n’osent pas s’engager sur la voie qui mène à la réparation, à la normalisation des relations. Ils n’attendent que le premier pas vienne de l’autre. L’orgueil les aveugle. Ils s’enferment, s’emprisonnent dans leur propre vice qui les rend malades. Or, ici le changement projette notre sujet à l’extérieur de lui. Il va  à la rencontre de son prochain. Il se libère.

5. La Libération : « Son père l’aperçut ». L’enfant prodigue ne peut plus reculer ou s’enfuir. Il se tient là devant son père et attend la réaction de celui-ci. Il est arrivé enfin au bout de sa démarche. De même que le fils s’est engagé dans une démarche de demande de pardon, en même temps, il s’engage sur la voie de sa propre guérison et celle de sa victime, son père qui l’aime. Il en va de même pour tout homme. En même temps qu’il recherche le pardon, il guérit l’offensé. Dans cette histoire, le père, à son tour se projette dans la démarche du pardon en vue de la « re-conciliation ». Etre blessé, accueillir une demande de pardon, et pardonner est une tentative rare et difficile, mais possible.

Chapitre II : Pardonner

Sept étapes s’imposent, ici, à celui qui veut pardonner.

1. La blessure : L’enfant prodigue « partit pour un pays lointain ».  Son départ a créé un vide à la maison. Un vide dans les habitudes de la vie familiale qui ne peut être dissimulé. Le père reste profondément choqué et blessé. Il veut voir son fils qui est, malheureusement, loin de son champ de vision, dans un endroit étranger, inconnu. Il est comme perdu, comme mort. Physiquement et Psychologiquement le père en est malade, comme le fils dans le premier chapitre. Il veut être guéri de ce mal qui l’habite et le ronge : l’absence de son fils à la maison. Par amour pour son fils, il entreprend de dépasser la faute commise. Il se remémore la faute commise, l’analyse, mesure l’ampleur de la blessure causée et en prend conscience. Ce qui génère en lui de l’émotion positive et le conduit au pardon.

2. L’état émotionnel : Le père a mal. Il souffre lorsque sa pensée part à la rencontre de son fils. Ainsi tout être souffre lorsqu’il se rappelle une offense à son encontre. Il n’oublie pas, sinon jamais. Tout se passe comme si la faute venait d’être commise. Il s’énerve parfois contre lui-même, ce qui dérange son entourage. Il s’isole, il est comme puni, recroquevillé sur lui-même. La vie, en lui, n’existe plus. Il se prive de nourriture. On dira aujourd’hui « chagrin d’amour ». Il nourrit la haine et la rancune. Il se trouve un « bouc émissaire », un coupable, voire un innocent. Or le vrai coupable à ce niveau, c’est sa propre émotion contre laquelle il doit exprimer sa colère et retrouver le calme.

3. Le calme naît en lui, le père de l’enfant prodigue. Plus de panique ni de peur, il se maîtrise, garde désormais son calme ; ce calme émotionnel se trouve au-dedans de lui. C’est alors qu’il trouve la voie de vivre autrement ses émotions. Le père du prodigue ne court pas les rues à la recherche de son  fils perdu. Il n’en parle plus. Il se laisse plonger dans une méditation profonde. Il revient à lui-même, regarde la situation en face et envisage une solution de guérison.

4. Le défi se dresse devant le père. Il doit défier, surmonter la souffrance que lui cause le départ de son fils. Il épouse la situation et se donne le droit de (re)vivre même sans son fils. Il écarte, sur son chemin, l’émotion négative, la dépression, qui ronge sa vie. Rien ne sert de se faire du mal. Il s’engage sur la voie du dépassement de soi et de la situation. Ce qui le conduit à un « nouveau regard », à une nouvelle vision posée sur la réalité.

5. Le nouveau regard, dépassement de soi. Le père a entrepris de comprendre le fils, en d’autres termes, l’agresseur, le fautif, et de porter sur lui un regard nouveau, un regard qui le libère. Le fils prodigue n’est plus pour son père un couteau dans la plaie, sa souffrance. Il n’est plus le fils qui a dilapidé l’argent de son père avec des prostitués, mais le fils authentique de son père. L’étiquette de dilapideur, du dépensier de biens n’a plus sa place dans la pensée du père. C’est son fils. Il l’aime toujours. C’est là que commence un autre travail en lui.

6. L’Etat travail, l’étape la plus longue selon les cas. Elle est la plus décisive. Le père replonge dans l’histoire : la période où tous ses fils étaient présents avec lui avant la rupture. Il veut retrouver la liesse familiale d’antan avec tous les membres de sa famille. Il met en place un plan d’accueil pour le jour où il reverra son fils pour  la première fois. Il va lui sauter au cou et l’embrasser avec tendresse. Il ne reviendra pas sur la faute commise. Il organisera une fête pour son retour. C’est le début de guérison pour le père. Il lui reste de mettre en pratique son plan pour se libérer intégralement.

7. La liberté : Les émotions, l’angoisse et la dépression, accumulées depuis le départ de l’enfant prodigue de la maison se sont constituées psychologiquement en une sorte d’énergie puissante, véritable bombe qui peut exploser et entrainer l’éclatement de ce qui reste de la famille. Certains individus qui vivent cette situation dissimulent leurs émotions dans la consommation l’alcool, dans la drogue, dans l’isolement, dans le repli sur soi… Ils deviennent agressifs, meurtriers ; parfois sont poussés au suicide. Il faut désamorcer la bombe et libérer le PARDON, force ou énergie psychologique qui libère aussi bien l’agresseur que la victime. En guérissant de sa dépression, le père guérit son fils de ses angoisses. Pardonner, c’est se guérir et en même temps, guérir l’agresseur. Le corps et l’âme se libèrent. Les barrières, dans les relations, tombent d’elles-mêmes. Le père et le fils se retrouvent. C’est la liesse. « Mangeons et festoyons ». C’est l’occasion de trinquer aux verres, aux calebasses, de sauter de joie. Politiquement c’est la signature de la paix. Cependant, dans la parabole de l’enfant prodigue, l’une des parties concernées, le frère aîné, se désolidarise, accuse le père et le fils amnistié et réhabilité. Pour lui, la signature de la paix n’a pas pris en compte ses clauses, ses conditions. Il se rebelle. On comprendra les difficultés  dans les négociations où tout le monde n’est pas d’accord sur tous les points mais des efforts de chacun sont nécessaires ; si non, qu’adviendra-t-il ?

Chapitre III : Re-concilier

Dans le récit de l’enfant prodigue, l’élément enclencheur n’est ni la demande de sa part d’héritage ni le fait qu’il ait dépensé tout son argent avec des prostituée. C’est son départ de la maison ; le vide laissé dans le cœur de son père. Le fils aîné porte la même accusation : « Voilà tant d’années que je te sers… », c’est-à-dire, je ne t’ai jamais quitté. C’est lui, le fils aîné, l’acteur principal de la parabole, même si le récit ne lui consacre que quelques versets. Il joue, sans le savoir, le rôle de son frère cadet et en même temps, celui de son père mais avec une particularité propre à lui. On retrouve en lui, les trois grands états émotionnels : l’angoisse, la dépression, la colère. Avec ces émotions, il joue le rôle contraire du père et du fils prodigue ainsi que son propre rôle qu’on ne trouve pas chez les autres.

Dans le rôle du cadet, le frère aîné n’entre pas dans la maison. Il reste dehors, loin du champ de vison du père. Sa place à table est vide. Il ne dit pas « Père, j’ai péché contre toi » mais plutôt « Tu ne m’as jamais donné… ». Il ne revient pas à la maison, mais c’est le père qui part le chercher. Une fois de plus le père perd l’autre fils. Il est à nouveau angoissé et déprimé. Son fils aîné le met en situation du prodigue en jetant sur lui toute la responsabilité de ce nouvel éclatement de la famille. Alors, le père, jouant le prodigue, vient vers lui et le supplie. Mais dans son rôle du père, le fils aîné ne court pas au-devant du pénitent qui est désormais le père. Il ne se jette pas à son cou. Il ne le sert pas contre lui. Il ne pense pas à une fête pour le père. N’ayant pas pardonné à son père, il ne s’est pas libéré non plus. Son angoisse et sa dépression le plongent dans une grande colère, expression d’une intrusion dans la vie d’un individu : le troisième état émotionnel. Son frère cadet est un intrus, un étranger qui perturbe ses habitudes avec le père. Ils s’étaient déjà bien réorganisés sans lui. Le voilà qui revient. Tout va recommencer. Tout va repartir à zéro. Lui qui n’a plus de part d’héritage va « ronger » la part du fils aîné qui ne le reconnait plus comme son frère : « Ton fils que voici ». C’est de l’injustice. Dans de tel cas, l’écoute n’est plus possible. On s’isole. La vie devient pénible, autrement dit, on perd le goût pour la vie. On se laisse envahir par le chagrin, par la fatalité. Le fils aîné se sent seul. Il est bouleversé, perturbé et ne se contrôle plus. Aussi longtemps qu’il ne se re-conciliera pas avec son frère et avec son père, la famille demeurera divisée et en guerre.

La parabole de l’enfant prodigue est une invitation à revenir à la maison paternelle, retourner en soi et sur soi. C’est en soi même qu’on va retrouver, à la fois, le prodigue, le fils aîné, le père, et pouvoir s’identifier à eux. En chaque homme réside le fils aîné, l’intelligence, l’orgueil, l’égoïsme. Il pense se suffire à lui-même. Il n’a pas besoin des autres, ceux qui ne pensent pas comme lui, qui ne font pas comme lui, qui sont d’une autre confession religieuse que lui… Il se forge une fausse image de lui-même ; une image qui le limite dans son propre espace environnemental. En chaque homme réside le cadet, le fils prodigue. C’est le corps avec toute sa fragilité, sa faiblesse. Il suit les orientations émotionnelles de l’intelligence qui, parfois, le font passer à côté du but fixé : le bien-être, le vivre ensemble avec les autres, la paix. Il bascule alors dans la contradiction, dans la guerre. Enfin, en chaque homme se trouve le père qui est l’âme, l’être spirituel, divin, immanent ; le guide de la conscience et de bonnes actions.

Ces trois éléments sont constitutifs de l’homme « intègre et intégral », et de l’équilibre du monde. Pour atteindre cette apogée, l’homme doit transformer la pulsion de la colère de l’aîné en énergie d’action, les rêves évasifs du cadet en une visualisation créatrice pour la vie, et traduire en action la bonne gestion des conflits, et la bonne gouvernance du père, la confiance en soi.

L’homme a besoin de se re-concilier avec lui-même pour son bien-être physique, morale et spirituel, et pour une bonne harmonie avec les autres. Intérieurement divisé, l’homme ne peut rien construire ni pour lui, ni pour le développement du monde. Une guérison intégrale s’avère nécessaire en cas de disfonctionnement dans les sensations de rejet, d’humiliation, d’abandon, d’injustice ou de trahison. Le récit de l’enfant prodigue, dans son contexte socio-historique, est une invitation aux pharisiens (fils aîné) qui se croyaient en pleine confiance avec Dieu par la stricte observance des commandements, et qui, au nom de ces pratiques, récriminaient contre Jésus qui fait bon accueil aux pécheurs (l’enfant prodigue), ceux là-même qui redécouvrent le chemin de la Loi (le père).

Cette invitation s’adresse aujourd’hui à nous, Centrafricains, pour faire la paix, la paix qui résulte de la compassion, preuve de notre capacité d’Intelligence Emotionnelle,etqui conduit chacun de nous à la re-conversion des cœurs.

Alors, Toi, Centrafricain, homme ou femme, jeune ou adulte, musulman ou non-musulman parle autour de toi avec les autres, mesure l’ampleur de ton état émotionnel actuel (Angoisse, Dépression, Colère). Quel défi se dresse devant toi ? A partir de ce récit, guéris en toi, le père, le fils prodigue et le fils aîné ; libère-toi,  re-concilie-toi avec ton frère Centrafricain pour re-concilier le Centrafrique, la MERE-PATRIE.

Aux Gouvernants internationaux et nationaux, Responsables religieux, Chefs des camps et de guerre, il ne peut avoir de réconciliation sans pardon, et de pardon sans guérison des états émotionnels. Alors, « faites-moi asseoir ; moi tout seul ; moi dans mon camp de déplacé ; moi dans mon groupe religieux ; moi avec les miens. Je veux me rappeler les bases de la vie harmonieuse avec les autres. Je veux voir en face ce qui est arrivé. Je veux connaître les raisons. Je veux me réconcilier avec moi-même, avec les miens et avec les principes de ma religion. Je veux trouver par moi-même la meilleure façon de vivre désormais avec les autres, avec mon frère centrafricain. Aux autres, je veux leur refaire de la place dans mon cœur. Je veux tout leur pardonner et leur demander pardon pour tout. Aidez-moi dans cette démarche personnelle et émotionnelle».

Et maintenant que je suis prêt, prenez-moi par la main, conduisez-moi à mon frère, mon frère centrafricain pour que je célèbre la RECONCILIATION avec lui, pour que je garantisse une paix durable pour une Centrafrique indivisible, et à jamais uni.

Pascal TONGAMBA
 L’homme aux cheveux blancs

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page