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ANALYSE DE PRESSE : JEAN SERGE BOKASSA, LA BOMBE DE BANGUI

Les médias dans le collimateur du gouvernement de transition

Le gouvernement se livre à une guerre de communication contre la communication. Depuis le lundi 02 juin 2014 « l’utilisation de tous les SMS pour tous les abonnés de la téléphonie mobile est désormais suspendue jusqu’à nouvel ordre… sur instruction du premier ministre ».

Alors que depuis le jeudi 05 juin 2014, les responsables de radio  Notre Dame  (RND), en l’occurrence Monseigneur Dieudonné Nzapalainga, qui œuvrent tant pour la paix, qui sillonnent le monde pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le chaos sans précédent en Centrafrique, sont tenus de s’expliquer devant le gouvernement sur les écarts de langage constatés ces derniers temps dans leurs émissions interactives, Bokassa Jean Serge, lui aussi est convoqué par le procureur de la République pour affaire le concernant.

La Centrafrique est en temps de guerre, « en situation de guerre », car assiégée par des forces de destruction qui sèment la terreur et l’insécurité. Dans ce contexte, l’information et la communication médiatique de masse, la communication téléphonique, formidables outils d’information instantanée et universelle, se révèlent être des armes redoutables pour aider les populations à connaître et à comprendre les événements et à s’exprimer. Malheureusement, ce n’est toujours pas le cas pour le pouvoir qui préfère de la communication à sens unique et descendante.

Bokassa Jean Serge convoqué
par la justice pour « une affaire le concernant »

La semaine dernière, des appels au désarmement se sont multipliés depuis l’attaque de l’Eglise de Fatima. Les politiques étaient montés au créneau pour faire entendre  enfin leur voix. Des barricades ont été alors érigées dans les rues de Bangui par des manifestants non-musulmans. A la tête de cette « manifestation non organisée » selon lui et de cette marche pacifique et spontanée, l’ancien ministre, Jean-Serge Bokassa a voulu honoré ainsi « la mémoire de toutes les personnes mortes dans l’attentat de Fatima », a déclaré au micro de RFI publié ce dimanche 01 juin 2014. « Le PK-5 jouit d’un statut privilégié » ce qui est « inacceptable », a-t-il martelé. Il faut le désarmer.

Toutefois, Jean-Serge Bokassa a porté haut, trois revendications : le désarmement du PK-5, le retrait du contingent burundais et l’obligation de rendre opérationnelles les FACA. « Il est inconcevable, a-t-il martelé, qu’un Etat digne de ce nom puisse ne pas avoir son propre système de défense, de sécurité. Nous ne pouvons pas assister … aux opérations de désarmement,… sans que nous même nous (Forces Armées Centrafricaines) puissions y prendre part ». Le gouvernement a vu d’un mauvais œil cette dernière déclaration et l’a accusé d’avoir organisé des manifestations dans une ville déjà en proie à des violences et à la haine. Il est convoqué plus tard par le Procureur de la République pour « affaire le concernant ». La suite n’est pas encore connue.

Jean Serge Bokassa veut jouer
un rôle dans la reconstruction de son pays

Pour Pauline Hofmann et Gwendoline Debono, envoyées spéciales de la radio Europe 1, à Bangui, il a été à l’origine de manifestations qui ont rompu le calme revenu depuis plusieurs mois dans la capitale. Il refuse de dresser un parallèle entre le destin de son père et le sien. Son père, dit-il, leur a montré aussi le chemin du patriotisme mais qu’il lui aurait déconseillé de faire de la politique ; cette politique qui « lui avait tout enlevé, sa famille, ses biens ». Mais le fils Bokassa veut œuvrer pour le pays qui a vu naître son père. Il a fait de son père un argument de campagne. Il raconte que son père est rentré chez lui, en Centrafrique, après des années d’exil. « Il a été jugé et a fait de la prison, qu’il y a eu des périodes où c’était difficile de porter ce nom, quand j’étais plus jeune ». Maintenant ancien député et ministre, Jean Serge assume. Il est plus ferme sur la nécessité qu’il faut enrayer l’impunité dans le pays et tente de se positionner comme un leader naturel. Dans ce contexte, cette ambition politique, mêlée à toute participation à une manifestation quelconque est considérée comme une récupération, une manipulation et nuit à la popularité du  pouvoir de transition qui, stratégiquement, envoie des signaux faibles de réactions en faveur des cris d’alarme des compatriotes.

 Toi, radio Notre Dame, tais-toi

Après la suspension des communications par sms, la convocation de Bokassa, suite à une manifestation pacifique, vient le tour de la radio Notre Dame de Bangui qui doit s’expliquer sur ses émissions « interactives en direct civisme et spiritualité ». Entre temps, Régis Zouiri et Patrick Stéphane Akibata, respectivement directeur de publication du journal le Palmarès et du journal Le Peuple, en ont fait les frais au mois d’avril dernier. Ils étaient détenus plusieurs jours à la maison d’arrêt de Bangui. Ils sont poursuivis pour « incitation à la haine et à la révolte »,« injure publique » et « outrage au chef de l’Etat », suite à des articles jugés diffamatoires, qui évoquaient notamment la vie privée de la présidente de transition, Catherine Samba-Panza. Un troisième journaliste, Ferdinand Samba, du journal Le Démocrate, en fuite, était, par ailleurs activement recherché. Ils seront libérés, à la suite de leur comparution le 22 avril, grâce à des pressions venant de toute part.

Le Centrafricain est-il dénué de tout droit de critiquer sévèrement le gouvernement et la présidente de transition ? Le journaliste et la présidente forment décidément, un couple antithétique, incompatible. Les médias ne rentrent pas dans ses visées ou orientations politiques ou dans sa feuille de route. Centrafrique n’est, évidemment, pas un pays démocratique mais en guerre. Cela justifie-t-il le musèlement des médias ?

En prélude à la journée du désarmement du 8 juin 2014, le premier ministre Nzapayéké lors d’une rencontre le mercredi avec les notables de Bangui et des communes de Bimbo et Bégoua dans l’Ombella Mpoko, s’est plaint des agissements de la Radio Notre Dame avant de demander à la ministre de la Communication Antoinette Montaigne d’interpeller les responsables de la station. Le premier ministre dans son inactivité est très enclin à museler les médias. Il ne faut pas oublier que la Centrafrique est un pays qui a connu vingt années de crises politico-miltaires et maintenant de violences, des exactions, de tueries. Sa population frustrée devant l’ampleur de ces événements. Elle sort progressivement de sa souffrance silencieuse et  commence à s’exprimer.

De ce fait, seuls les médias délient les langues. Les invités, membres de la société, reprochent au pouvoir de transition son inactivité, ses maux et ses comportements. Ce qui, à ses yeux, contrarie la déontologie. La station radio confessionnelle entre dans cette catégorie avec ses émissions qualifiées par le pouvoir de « politique politicienne » tendant « à inviter des politiques qui lancent des mots d’ordre pour des mouvements d’humeur », a rapporté l’agence APA. Selon le pouvoir de transition, mardi dernier, au cours de l’émission dénommée « civisme et spiritualité en direct », Joseph Béndounga, leader d’un parti politique, l’ancien ministre Jean Serge Bokassa et l’écrivain Mohammar Bengue Bossin ont profité de l’antenne pour « outrager » la présidente, Catherine Samba-Panza, sans donner le contenu incriminé des déclarations. Nzapayéké, chef du gouvernement, qui ne connait nullement la grille des programmes de la Radio Notre Dame et ses diverses activités pour la paix, le social, s’insurge et exige des explications aux responsables de la station. Pour lui la « Radio Notre Dame est toujours absente des grands évènements touchant la vie de la nation […] Elle donne l’antenne à ceux qui ne veulent pas de la paix pour qu’ils s’acharnent sur la présidente de transition et le premier ministre les traitant des voleurs et d’incapables ». L’on sait et l’on ne peut discuter ce qui est réalisé concrètement au profit de la société centrafricaine par les stations radio privées en Centrafrique.

Laconiquement et sans doute avec un regard perspicace de la situation et du pouvoir des médias, la ministre Montaigne a déclaré : « Je verrai le cahier de charges de cette radio pour avoir une idée exacte de leur grille de programmes avant toute autre chose ».

Laisser le centrafricain s’exprimer dans tous les domaines de la pensée contribue à diluer sa haine, à s’affranchir du poids de la vengeance et à  entamer sa marche vers le pardon, vers sa propre réconciliation avec lui-même et les autres, vers une confraternité avec son voisin et l’unité grâce à ces outils d’information vecteurs d’ouverture et d’échange incomparable au sein de notre « village planétaire ».

Joseph GRÉLA

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