Grand format de J.Gréla

REVUE DE PRESSE : BAN KI-MOON – PORTE-DRAPEAU DES CENTRAFRICAINS

« Montrons aux Centrafricains que l’ONU est avec eux
et que le soutien dont ils ont tant besoin arrive »

Pendant que Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, devant le Conseil de sécurité le 20 février 2014, prononçait cette phrase pour marteler son appel aux aides et au soutien à la Centrafrique, les exactions, le lynchage, les pillages, les viols et les tueries impunies étaient devenus ordinaires à Bangui : Le quartier populaire, km5, 3ème arrondissement cerné et étouffé par les anti-Balles Ak ; le PK-12, un « alcatraz de l’Afrique » selon Ibrahim al Alwad, un des musulmans échoués à Bégoua ; la situation sécuritaire et humanitaire dégradée ; les déplacés de l’aéroport de Bangui et ceux des provinces « se meurent »… Partout, le pays offre un spectacle permanent d’enfer, un visage de fantôme, offre sur le plateau, un film d’horreur.

Carton rouge : le Tchad quitte le navire Centrafrique

«Malgré les efforts consentis, le Tchad et les Tchadiens font l’objet d’une campagne gratuite et malveillante, tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA», ainsi a été libellé le contenu du communiqué tchadien pour annoncer, ce jeudi 3 avril 2014, le retrait de son contingent de la force de l’Union africaine en Centrafrique a rapporté Libération avec AFP. Les militaires tchadiens, avec 800 hommes, constituent l’un des rouages essentiels de la Misca, avec les forces françaises.

Le week-end du 29 mars 2014, des soldats tchadiens ont tué au moins 24 personnes à l’entrée de Bangui après avoir été la cible d’une attaque à la grenade, selon la Misca et le gouvernement centrafricain. Selon Le Monde avec AFP et Reuters, du 30 mars 2014, d’après un officier de la Misca, sous couvert d’anonymat, « les soldats tchadiens ont été visés par une grenade qui a blessé l’un d’entre eux, et ils ont riposté ». Or l’un des porte-paroles des milices anti-balles AK, Brice Namsio, a réfuté cette version de l’affaire : « Il s’agit d’une provocation […], personne n’a attaqué les Tchadiens ». « Les soldats tchadiens ont tiré dans tous les sens. Les habitants des quartiers nord, pris de panique, se sont mis à fuir, provoquant ainsi une débandade généralisée », ont témoigné des habitants de la zone, joints par téléphone.

La polémique a rebondi au niveau international avec de nouvelles déclarations mardi 02 avril du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme et de la diplomatie française. «Il semble que les soldats tchadiens aient tiré sans discrimination dans la foule», a accusé à Genève, une porte-parole du Haut-commissariat, Cécile Pouilly recueillie, publié par l’Afriqinfos.

Paris, quant à elle, a rejeté la responsabilité sur les anti-ballés AK et a demandé par le porte-parole du Quai d’Orsay, Romain Nadal, «que toute la lumière soit faite sur ces violences».

Exaspéré et excédé face à ces « accusations répétées », le président tchadien qui a quitté précipitamment le sommet de Bruxelles a annoncé le retrait de ses troupes. Sur RFI, ce 4 avril 2014, le ministre des Affaires étrangères Moussa Faki Mahamat a assimilé ces accusations à un « lynchage » et a asséné que la « décision [du Tchad est] irrévocable ».

Toutefois, dans les premiers résultats présentés par les enquêteurs des Nations unies sur la tuerie, un porte-parole du Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, Rupert Colville, a directement accusé les Tchadiens ce vendredi 4 avril 2014 à Genève, souligne Afriquinfos : Les soldats tchadiens « ont illégitimement ouvert le feu sur la population. Ils ont tiré de façon indiscriminée ». Les soldats tchadiens impliqués seraient des membres de «l’armée tchadienne», et non pas de la Misca. Ils seraient venus du Tchad pour évacuer des Tchadiens et des habitants centrafricains musulmans, qui sont menacés par des milices locales, a précisé la Libération.

Selon les informations recueillies par les enquêteurs de l’Onu sur les lieux des faits, poursuit le journal, «il semble que l’action des forces tchadiennes a été totalement disproportionnée, puisqu’ils ont tiré sur un marché bondé de civils non armés». Le porte-parole a également estimé que le nombre de soldats tchadiens impliqués ne devait pas être très élevé et que ces individus «avaient dû repartir directement» dans leur pays.

Pour sa part, sans mentionner expressément ces tirs, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a condamné des « atrocités épouvantables contre les civils »

A N’Djamena, le gouvernement tchadien s’est élevé contre les résultats des enquêteurs. Il « exprime sa surprise et son indignation face à une prétendue enquête publiée par la Commission des Nations unies pour les droits de l’Homme » après les accusations contre les agissements de ses soldats en Centrafrique. Il qualifie de « diffamatoires et tendancieux » les propos de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU qui les accusent d’avoir « tiré de façon indiscriminée » sur des civils le 29 mars à Bangui, tuant au moins 30 personnes, dans un communiqué transmis samedi à l’ Afriquinfos avec l’AFP.

« Je suis triste de ce que j’ai vu »
« Chaque jour, je me réveille en pensant aux épreuves
que vous endurez et aux drames que vous vivez.»

En marge de ces annonces et polémiques, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a rendu une visite surprise aux centrafricains, ce samedi 05 avril, pour « montrer la solidarité de la communauté internationale », a-t-il dit à ses interlocuteurs, rapporté par La presse.ca du Canada et le Nouvel Observateur. Ban Ki-moon, a déclaré également qu’il était venu pour s’assurer que la communauté internationale n’oublie pas ce pays confronté à une grave crise politique et humanitaire, a appuyé le service d’information de l’ONU, publié par 45è nord.ca du Canada.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon qui n’a pas manqué d’encourager les centrafricains a souligné qu’il « a invité partout les responsables à intensifier leurs efforts […] La communauté internationale a fait défaut aux Rwandais il y a 20 ans. Et nous risquons de ne pas en faire assez pour les Centrafricains aujourd’hui», a-t-il ajouté, pour préciser qu’il faut éviter un nouveau génocide et en Afrique.

«J’ai entendu leurs histoires effroyables»

M. Ban s’est rendu aux abords du camp de déplacés de l’aéroport où s’entassent des dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants dans des conditions sanitaires déplorables. Là, il a, dit-il, « entendu des histoires effroyables». Ensuite, dans le quartier du PK-5, où des musulmans sont encerclés depuis des semaines par des miliciens anti-balles AK et des bandes de pillards. Il s’est entretenu avec l’imam de la grande mosquée du quartier.

A propos de l’impunité totale qui règne, « cela doit changer», a martelé Ban Ki-moon. Tout en félicitant la MISCA et les forces françaises de l’opération Sangaris «dont», a-t-il dit «l’action rapide a pu empêcher à ce jour le pire», il a déploré l’insuffisance de leurs moyens, estimant qu’elles «sont submergées par l’ampleur même des besoins» mais les a appelés à « agir plus promptement » a précisé La dépêche.fr, ce samedi 05 avril.

Avant le terme de sa « visite très émouvante », M. Ban a, à la tribune du Conseil national de transition (CNT), le parlement provisoire, s’adresse aux Centrafricains que le sort de leur pays était également entre leurs mains : «Vous avez en vous tout ce qu’il vous faut pour réussir. La République centrafricaine peut remonter la pente. Ce ne sont pas des paroles en l’air. Cela peut devenir une réalité. Je l’ai vu se produire en Sierra Leone. Je l’ai vu au Libéria. […] C’est votre responsabilité à tous – en tant que leaders – d’assurer que nous n’aurons jamais à commémorer un tel anniversaire en Centrafrique. Ne répétez pas les erreurs du passé, n’oubliez pas d’en tirer les leçons», rapporte Libération.

Ouf !

Pour la majorité des centrafricains, la présence du Tchad est un frein pour la résolution de la crise. Son retrait et départ sont « un grand ouf de soulagement […] C’est le début de solution à la résolution de la crise centrafricaine », commente un étudiant, Richard Balawa dans l’Afriquinfos. « Adieu les oppresseurs et les envahisseurs de la RCA à la solde d’Idriss Déby Itno », titrait ainsi le quotidien Centrafric matin, ce samedi 4 avril. Quant à Agathe Mandéno, cadre de la Santé, elle estime que le Tchad a joué un grand rôle dans la descente aux enfers de la Centrafrique: « notre pays est aujourd’hui dans cette situation à cause des Tchadiens. Ils font la pluie et le beau temps en Centrafrique ». Peu regrettent le départ des Tchadiens au PK-5, enclave musulmane de Bangui. « Ce n’est pas grave, ici ce sont les Burundais de la Misca qui nous protègent. Et ils le font plutôt bien », affirme Athaïr, jeune commerçant musulman membre d’un groupe de défense du quartier : « on remercierait presque Dieu que les Tchadiens s’en aillent car on les accuse de nous protéger, d’être partisans » souligne la Libération et Le Nouvel Observateur.

«Golo-Waka, Irak, DDP, Maison Blanche»
des blocs de cellules d’une prison passoire

Dans son reportage du 1 avril 2014, « La Centrafrique attend que sa justice lui soit rendue », Florence RICHARD, correspondante de la Libération à Bangui, constate que « des mois de guerre civile ont laissé le système judiciaire et carcéral en miettes. Les magistrats assurent manquer de moyens et sont eux-mêmes menacés ». Elle décrit la prison de Bangui comme une « passoire d’où s’échappent fréquemment les détenus » et où certains ont des faveurs des gardes. « Les autres sont répartis dans plusieurs blocs : «Irak» (les plus dangereux), «Golo Waka» («fumeurs de chanvre indien» en sango) ou «DDP» («détournements des deniers publics»). Le bloc «Maison Blanche», réservé aux hautes personnalités, est vide. Chez les «DDP», une vingtaine de jeunes sont allongés au sol, sur des nattes. Ils tuent le temps en bavardant, sans excitation particulière. La visite s’avère brève puisque la prison se résume à cette cour non entretenue et à ces blocs défraîchis. L’infirmerie n’a pas encore été réhabilitée»

Elle passe au peigne la vie horrible dans cette prison où l’Etat est inexistant, où chaque détenu vit grâce à sa famille. Il dispose de petites astuces, des complicités et est libre de s’évader, s’il le désire. Ce qui explique les évasions en série. « L’intégralité de la chaîne judiciaire est laminée » commente la journaliste. L’impunité est totale et l’insécurité, immense. «Il nous faut une justice forte car le contexte l’exige. Sans justice, il ne peut pas y avoir réconciliation», insiste la ministre, consciente de l’enjeu mais dépourvue de moyens. Toutefois, «nous avons obtenu une aide immédiate du Pnud qui soutiendra la chaîne pénale pendant trois mois.», ajoute-t-elle.

Administration pénitentiaire et judiciaire éviscérée

« C’est une prison qui n’a pas de sens. Une prison où cohabitent 138 détenus » qui attendent d’être jugés, constate la journaliste. Par ailleurs, dans le tribunal de grande instance, une seule machine à écrire se révèle toutefois plus utile que les deux ordinateurs hors d’usage posés sur les tables voisines. «Nous n’avons même pas d’encre», se désole un magistrat. Les documents les plus urgents, rédigés sur des ordinateurs portables personnels, sont imprimés dans un cybercafé.

Le magistrat vit la peur au ventre. «On peut nous kidnapper ou nous tuer», explique un magistrat. L’assassinat, en novembre 2013, de son confrère Modeste Bria, le directeur des services judiciaires au ministère de la Justice ne le hante toujours. « Une demande également formulée par la ministre de la Justice plaide pour «une sécurisation des magistrats les plus exposés » insiste le procureur de la République, Ghislain Grésenguet. Mais impossible pour le moment de rétablir les audiences publiques par crainte d’une attaque et donc de juger les détenus sous mandat de dépôt », commente la journaliste.

«Si nous ordonnons une enquête, les officiers de police judiciaire sont dans l’incapacité de la mener. Ils n’en ont pas les moyens et ne peuvent même pas se rendre dans certains quartiers, qui ne sont pas sécurisés», poursuit Ghislain Grésenguet. Leurs locaux ont été saccagés. Les moyens d’action des forces de sécurité sont extrêmement limités et un embargo imposé par l’ONU ne leur permet pas d’être armés. «Cet embargo n’est pas le problème. Avant de les armer, il faut effectuer un tri parmi eux pour s’assurer de leur professionnalisme», insiste le procureur.

Centrafrique au banquet de la souffrance et de la mort

Alors que dans les quartiers, les villages, tel Poumayassi situé à 10 km de Grimari, un homme a trouvé la mort, le vendredi 4 avril, à la suite d’un affrontement qui a opposé des éléments de la Séléka et des Anti-Balles AK, a témoigné Koudounzapa Freddy, un habitant de ce village joint par le vendredi par le Réseau de Journaliste des Droit de l’Homme. « Des biens appartenant aux musulmans habitant cette localité ont été détruits », a-t-il précisé au RJDH.

En Centrafrique, il ne faut pas tomber malades dans les circonstances actuelles. Les hôpitaux pillés et saccagés par des éléments de la Séléka, après sa prise de pouvoir à Bangui le 24 mars 2013, enregistrent des ruptures chroniques des médicaments. Les médecins et soignants son démunis. L’hôpital préfectoral de Nola, à l’instar d’autres, a enregistré 8 cas de décès de personnes atteintes du VIH-sida et 30 cas des personnes tuées par la rougeole, rapporte le RJDH ce 05 avril.

Maintenant les « donner-la-mort » sont rentrés chez eux. Alors…

Joseph GRÉLA

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