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RCA: LE PHÉNOMÈNE SANI YALO

Par GJK

D’année en année depuis plus de trente années, soit trois bonnes décennies de régimes déchus en régimes parvenus, certains se bornent à le réduire – avec une détestation hargneuse -, au statut mineur d’épiphénomène politique éphémère et inoffensif. D’autres encore, ne se privent pas de manifester leur dégoût de l’homme et n’hésite pas à rejeter son nom dans la masse brume et informe des incorrigibles et avides flibustiers notoires de la haute pègre.

Et quand pour combattre Sani Yalo, tous ses adversaires bien-pensants, diplômés ès- science politique vertueuse, ou prétendus génies politiquement corrects du gotha centrafricain, se perdent en conjectures et se gaussent avec condescendance, de sa consternante indigence intellectuelle, l’intéressé lui-même n’en a cure. Il s’en moque comme de l’an quarante.

D’ailleurs, absence de diplôme ne signifie pas toujours déficit d’intelligence ou défaut de compétences. Si bien sûr, l’on parvient à faire entorse à la morale,  et  que l’on se résigne à rabaisser et à englober pêle-mêle, dans ces deux mots – intelligence et compétence -, tout ce qui relèverait des prédispositions naturelles, des talents innés, de l’habileté ingénieuse ou des aptitudes pathologiques orientées vers  la malversation, la courtisanerie, le charlatanisme, les intrigues, les machinations, les manipulations, les contorsions graveleuses et autres prestidigitations raspoutiniennes.

Tout bien considéré, s’il fallait assigner dans un « registre spécial des fieffés roublards et personnalités peu recommandables de la République », les noms de tous ceux qui auront passé leur pathétique existence à graviter autour de la galaxie du pouvoir en Centrafrique, il va sans dire – et mieux en le disant -, que Sani Yalo et son ridicule compère Fidèle Gouadjika, se disputeraient à mort «  l’ordre du mérite national de longévité », ainsi que le minable trophée réservé aux minus habens et autres énergumènes dépourvus de cœur, d’âme et de moralité.

En commun, Yalo et Gouadjika, partage cette redoutable capacité à déployer une incroyable virtuosité, aux fins de réaliser et souvent réussir – avec une morgue froide fourrée d’impudicité machiavélique -, le double exploit de se détacher à temps du radeau en dérive des régimes moribonds, pour ensuite,  s’accrocher solidement à la navette mystérieuse, des régimes entrants et prétendument oints pour sauver le peuple de la misère et du sous-développement.

On connaît depuis longtemps, la recette du duo sardonique : mensonges – trahisons – délations. Une effroyable formule magique de destruction massive, que Yalo et Gouadjika, maîtrisent mieux que personne, et manient avec une dextérité incontestée, et une aisance sarcastique hors du commun.

En revanche, s’il fallait à tout prix un point qui fasse la différence entre l’un et l’autre des deux hommes sans scrupule, on peut sans risque de se tromper, mentionner ceci: alors que Gouadjika incline à se pavaner sous les feux des projecteurs pour exposer ses carences et jouer au clown, Sani Yalo au contraire, affectionne les pénombres des salons feutrés du palais de la Renaissance et des résidences privées, d’où s’échappent en permanence, les effluves bienfaisants et l’irrésistible exhalaison des devises mal acquises.

Tenez !

Sani Yalo, il faut le dire, n’est pas né de la dernière pluie. L’homme a appris à fourbir ses premières armes, et à exercer ses redoutables talents et « compétences en matière économique et financière  » au contact des hommes, et sur les terrains arides de l’université de la vie. À peine sorti de l’adolescence, alors qu’il s’occupait d’une partie des affaires de son père dans la région du Mbomou, le jeune a rapidement fait l’expérience du pouvoir de l’argent et compris tout ce dont le capital bien maîtrisé et géré, est susceptible d’accomplir et de générer, de même que la puissance qu’il peut conférer à l’initié qui en a découvert le mystère et perçu le secret.

Nous étions à la fin des années 70 et celles qui vont suivre. Une époque marquée par les fameuses crises des impayés ou des retards accumulés des paiements des salaires mensuels des fonctionnaires. C’est alors que l’intrépide Sani Yalo, va réussir à instituer avec la complicité des agents spéciaux successifs, sa caisse du « Trésor Privé », où les nécessiteux de la fonction publique pouvaient s’endetter suivant un système de crédit révolving qu’on appelle « bons ti intérêt ».

L’homme bâtit rapidement une petite fortune, multiplia ses réseaux de connaissances, et prit la destination de Bangui la capitale. C’était sous le régime du Président Kolingba.

Au –delà de sa maîtrise des secrets du pouvoir de l’argent, Sani Yalo allait en plus se rendre compte très rapidement, que s’il voulait parfaire ses ambitions et atteindre ses objectifs peu avouables, la femme et le sexe lui fourniraient à coup sûr,  les clés d’accès aux lieux où s’exerce le pouvoir politique et financier.

Dès lors, il se mit à faire ses calculs de probabilités à vous donner des maux de tête, et déploya un énorme filet de séduction. En fin de compte, Sani Yalo réussira à pénétrer  par alliance dans le « saint des saints », au cœur même du cercle hermétique de la famille présidentielle d’alors, qui se trouvait élargie aux gendres, brus et multiples beaux-parents.

Plus jamais,  depuis qu’il goûta aux honneurs et facilités qu’offrent le pouvoir, Sani Yalo ne s’en éloignera. Quelles que fussent les péripéties de sa longue marche, avec leurs lots d’affaires dont on pourra citer quelques unes à titre indicatif, suivant chacun des régimes :

  • Kolingba : affaire des crédits non remboursés de la BCAD ;
  • Patassé : la retentissante affaire Zongo-Oil qui a entraîné le décès dans des conditions jamais élucidées, de sieur Dogonedji- Bhé ex DG de Pétroca. À cela s’ajoute la tentative de liquidation de l’ancien Premier ministre Anicet George Dologuélé l’empêcheur de « s’enrichir en rond ». Sani Yalo lui voue une inimitié mortelle en core à ce jour;
  • Bozizé : l’affaire des compteurs prépayés sud-africains
  • « La parenthèse Séléka et la Transition » : l’homme aurait érigé une rébellion que l’on a jamais vu en action. Que cherchait-il au fond ? Mystère.

Avec l’arrivée en 2016 de Faustin Archange Touadera au pouvoir, Sani Yalo a depuis lors pris une dimension qui dépasse largement ce que peut s’autoriser un « Homme de l’ombre ». Il est devenu un véritable phénomène.

Aussi – ce n’est un secret pour personne -, en RCA, il suffit et il faut  simplement trois « petite choses », si l’on veut réussir à « apprivoiser» n’importe quel dirigeant et obtenir de lui ce que l’on veut obtenir :

Premièrement : convaincre le dirigeant de s’enrichir vite et bien – eu égard à la durée de vie généralement courte des régimes au pouvoir en RCA -, et surtout lui indiquer les meilleurs filons et « paradis des biens mal acquis ». Dans tous les cas, aucun ancien dirigeant centrafricain, jusqu’à ce jour, n’a été convaincu ni de crime, ni d’aucune délinquance financière et pénalement puni ;

Deuxièmement : envoyer le dirigeant se perdre et perdre la tête sous la chaleur d’une paire de nichons allumeurs, ou « s‘évanouir » dans l’échancrure d’une paire de fesses accrocheuses qui le serrent comme un étau. Ne pas surtout oublier d’approvisionner régulièrement le « vieux pervers » en aphrodisiaques de bonne qualité jusqu’à ce qu’un jour il oublie de se relever;

Troisièmement : Même si vous ne buvez pas d’alcool, veiller à ce que la cave du dirigeant soit toujours bien remplie en vins et liqueurs de première qualité. Et partout où il pourrait être amené à se retrouver, faites en sorte de lui mettre toujours à portée des lèvres un tonneau d’alcool, quelles que soient la position de son fauteuil et la direction dans laquelle  son regard se porte.

Sani Yalo aura tout compris.

Aujourd’hui, nul ne sait exactement par où, son « Conseiller économique » tient exactement le Chef de l’État centrafricain. On ne peut que l’imaginer.

Aussi, Sani Yalo n’hésite point à menacer quiconque nuirait à ses intérêts personnels ; à utiliser ses « chiens de garde » pour mordre n’importe qui l’on soupçonne de commencer à avoir une certaine influence ou de prendre des galons, sans qu’il ne soit impliqué et donne son accord préalable.

Bref, «l’homme de l’ombre » qui ne quitte presque plus Bangui, fait la pluie et le beau temps. Et il  le fait savoir.

Et voici la question qui me brûle les lèvres : Jusqu’où ira Sani Yalo?

Un homme dont le nom, semble-t-il, aurait été mêlé à la tentative de déstabilisation du régime équato-guinéen, saura- t-il se contenter de « servir loyalement », en restant éternellement dans l’ombre de ce Président désormais assujettit à ses « doux et agréables services »?

Ce qui est sûr – et les prétendants à la succession de Touadera devraient l’entendre : Sani Yalo jouera son va-tout pour conserver le pouvoir vaille que vaille. Il n’a plus rien à perdre, et la brusque apparition  des « Requins », n’est pas à classer au rang des « faits divers » anodins que les Centrafricains ont la fâcheuse habitude de bien vite oublier. Ces « Requins », faisons le pari, feront dramatiquement parler d’eux pendant les prochaines élections.

En définitive et si par impossible, Touadera venait à ne pas être reconduit en 2020, que l’on ne soit pas surpris cependant, de revoir  Sani Yalo toujours assis dans les premières loges.

C’est aussi cela, le Phénomène SANI YALO. Suivez mon regard.

GJK-Guy José KOSSA

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