Quand j’étais petit
Ma mère vendait au marché.
Le coton et le café étaient achetés
Mon père allait chasser
Des heures en forêt
Sans craindre le danger.
Mon frère aîné
Percevait régulièrement
Son salaire.
Ma scolarité était assurée
J’étudiais dans des meilleures conditions
Je n’avais pas le ventre affamé
Je jouais avec ceux de mon âge
Sans me préoccuper de leur origine
Quel souvenir ?
Maintenant, au réveil, le matin
Je regarde autour de moi
J’écoute le grand silence
Des cœurs qui n’osent pas dire
Leur souffrance :
Les salaires ne sont pas payés
L’argent ne circule pas
La vendeuse n’a rien dans sa bourse
La famine gagne les familles
Les populations sont malades
Les cimetières sont pleins à craquer
L’insécurité règne partout
Les écoles ne fonctionnent pas
Le lendemain n’est pas prometteur
Quel souvenir ?
Quand je vais travailler
Je lis la tristesse dans les yeux
Je ne peux rester longtemps
Sur ma chaise de bureau
Je rejoins les collègues
Dans les couloirs, sous la véranda
Dans la cours, sous les arbres
Au bord de la route
Le regard plongé dans le vide
Nous nous plaignons de notre sort
Nos engagements familiaux nous préoccupent
L’avenir de nos enfants nous inquiète
Personne ne nous écoute
Personne ne dit mot
Quel souvenir ?
Quand je reviens du travail
Aucun enfant ne vient à ma rencontre
Se jeter dans mes bras
Vides
Sans sachets de fruits
De gâteaux, de biscuits
Que j’adorais quand j’étais petit
Et que je recevais de papa
Presque tous les jours
Quand il revenait du travail.
Je n’ose pas regarder
Mon épouse, dans les yeux
Elle, qui comme le poisson dans l’eau
Pleure son malheur dans son cœur
Quel souvenir ?
Pendant le week-end
Quand je reste à la maison
Je me sens plus malheureux
Que quand je suis au travail
Des causeries avec les collègues
Me distraient, et créent en moi
Une illusion d’oubli de la réalité
Les enfants tournent autour
Le plus petit ne supporte pas
Les plaisanteries des plus grands
Il devient agressif et se plaint
Tout le temps
Il a faim ; et alors…
Ma vie a-t-elle encore un sens ?
Quel souvenir ?
Admis à la retraite
J’ai le poids de l’âge sur les épaules
Ployées
Je n’ai plus de force
Je suis courbé et malade
Mes yeux ne regardent plus
Que mon nombril
Qui s’enfonce de plus en plus
Dans le creux de mon ventre flasque
Comme pour se cacher
Et m’éviter la honte
Que je peux avoir de moi
De ma pension de retraité, n’en parlons pas.
Quel souvenir ?
Quand je mourrai
Je laisserai à mes enfants
Rien qu’un simple papier
Sur lequel j’ai écrit :
« Je suis parti
Je vous libère de la honte d’un père
Qui ne pouvait pas être un bon père
Vous me pleurez par pur amour
Pour un misérable géniteur
A vos côtés, je ne pouvais rien pour vous
Maintenant…
Vivez les uns pour les autres
Le même amour que vous me témoignez
Ne vous disputez pas, ne vous divisez pas ».
Quel souvenir ?
Dirigeant Centrafricain
Homme Politique Centrafricain
Toi, Centrafricain
Quel souvenir tu laisseras
Quand tu ne seras plus
Là où tu es
Ou quand tu me suivras
Où je vais ?
Pense à moi :
Petit enfant
Elève ou étudiant
Fonctionnaire ou retraité.
Comme toi, j’ai droit à la vie
Je veux vivre comme toi
Quel souvenir ?
Pascal TONGAMBA
L’homme aux cheveux blancs
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