Libre opinion

PLAIDOYER SUR LE CHAOS CENTRAFRICAIN

Par Aristide Briand REBOAS

Début septembre 2013, j’alertais déjà les services secrets de bon nombre d’Etats sur la situation en Centrafrique à travers le document intitulé « NOTE GEOSTRATEGIQUE SUR LA COALITION SELEKA : ISLAMISATION ET LIENS DANGEREUX AVEC LES TERRORISTES ».

En ma qualité d’ancien Directeur Général des Renseignements Généraux de Centrafrique, j’avais proposé à temps, et après une analyse détaillée, une série de propositions à titre préventif. Aujourd’hui, j’ai la faiblesse de penser que si j’avais été suivi en ces propositions, il ne fait point de doute qu’on ne serait jamais arrivé au chaos actuel en Centrafrique, situation caractérisée par des affrontements interconfessionnels Séléka contre Antibalaka, et des massacres systématiques des civils dans les quartiers. Je joins à nouveau le document précité.

Face au drame qui a lieu en ce moment en Centrafrique, il faudrait :

1. Sur le plan sécuritaire :

– Retirer carrément le contingent Tchadien de la Mission de Sécurisation du Centrafrique (MISCA) et le renvoyer tout simplement au Tchad.

Le redéploiement envisagé et déjà programmé de ce contingent dans le nord Centrafricain n’arrangera en rien le problème ; ce serait déplacer seulement le problème de Bangui vers le nord. Considérant la partialité avérée des troupes Tchadiennes pro Séléka et pro Musulmans de Centrafrique, la seule solution qui tienne c’est de les exclure complètement des actions de désarmement en cours. Sangaris et les autres troupes de la MISCA sont bien capables de mener à bien le travail du désarmement et de la démobilisation.

– Augmenter rapidement le nombre des troupes militaires internationales : l’opération Sangaris pourrait passer au moins à 4 000 hommes (2 500 à Bangui, et 1 500 dans les provinces). Les troupes de la MISCA pourraient être augmentées à 10 000 hommes (6 000 à Bangui aux côtés de Sangaris et 4 000 en provinces). Il ne faut pas perdre de vue que la RCA s’étend sur 623.000 km2. Une présence militaire internationale forte de 14 000 soldats dotée d’un mandat robuste d’imposition de la paix pourrait valablement arrêter l’hémorragie criminelle et pacifier le pays en vue d’élections générales. Le gros des troupes doit être concentré à Bangui, car c’est l’épicentre de la violence aveugle depuis les affrontements du 05 décembre 2013.

– Impliquer les chefs des quartiers dans les opérations de désarmement. Les chefs des quartiers sont d’un apport non négligeable dans le désarmement des milices Antibalaka. Connaissant les profondeurs de leurs quartiers, connaissant leurs administrés, les chefs des quartiers peuvent travailler aux côtés des militaires pour leur indiquer les caches d’armes et les responsables des milices Antibalaka.

– Renforcer une surveillance des frontières nationales reliant la RCA au Tchad, au Soudan, au Cameroun et aux deux Congo. Il est vivement recommandé d’établir des bases militaires à ces frontières pendant et après le désarmement en cours dans le pays. Ces bases aux frontières auront pour mission d’éviter l’entrée et la circulation de nouvelles armes légères en RCA. Tous les axes routiers liant la RCA avec le Tchad et le Soudan et le Congo Démocratique.

– Ne pas intégrer les éléments Séléka dans l’armée nationale mais plutôt rétablir les FACA. Les Séléka ayant brillé par des actes de violence aveugle, leur incorporation dans l’armée nationale (FACA) serait dangereuse pour le pays. Leur présence dans les FACA serait potentiellement source de nouveaux conflits militaro-politique après les prochaines élections. Les éléments qui viendront à être réintégrés dans l’armée (anciens FACA devenus Séléka) doivent accepter d’abandonner leurs grades d’officiers acquis dans le maquis. De même, ils doivent suivre une formation militaire et souscrire aux règles d’organisation et de fonctionnement de l’armée (discipline et obéissance etc).

– Mettre en place une Direction Générale de Renseignements digne de ce nom. Ce service devrait être confié à des professionnels, formés et expérimentés. Pour que le désarmement soit efficace et durable, cela nécessite un service de renseignements efficaces.

– Organiser les Etats Généraux de la Défense et de la Sécurité. La répétition des crises militaires en Centrafrique commande que soient convoqués assez rapidement les Etats Généraux de la Défense et de la Sécurité. Ces assises nationales ouvertes aux experts militaires étrangers (Union Africaine, Union Européenne et ONU) doivent analyser dresser un état des lieux des forces Centrafricaines de défense et de sécurité et proposer des solutions en vue de la refondation de l’armée nationale, de la gendarmerie et de la police.

2. Sur le plan politique :

– changer le schéma institutionnel actuel de transition. Pour éviter une nouvelle instabilité, trouvant un moyen politique de pression diplomatique afin d’obtenir le départ de Michel dotodja, organiser une élection et faire triompher la société civil ou alors mettre un collège de l’exécutif avec un cadre civil technocrate dynamique seconder par un  officier une femme juriste ou économiste expérimentée,  en nommant un nouveau premier ministre apolitique, jeune cadre technocrate.

– Mais par contre, il faut remanier en profondeur le gouvernement de transition. Ce gouvernement doit tenir compte des équilibres politiques et sociaux. On peut exceptionnellement avoir un gouvernement de 15 à 20 membres pour la courte période qui reste pour aller aux élections. Ceci aurait le mérite de gommer les frustrations politiques, d’apaiser les cœurs des belligérants et de contribuer à la cohésion nationale. L’amorce de la reconstruction de la cohésion nationale passe par un gouvernement élargi durant la transition.

– Organiser rapidement les élections. Il est certain que le retour à l’ordre constitutionnel apporterait un répit aux violences et permettrait au pays de se relever. Pour cela, il faudrait que la communauté internationale veille à la transparence du prochain scrutin.

3. Sur les plans de la Réconciliation Nationale et de la Justice pour les victimes :

– Organiser dès que possible une grande Assemblée de Réconciliation Nationale. Le peuple Centrafricain est tellement meurtri dans sa chair qu’il faut rapidement convoquer une Conférence Nationale d’une semaine pour permettre de tisser à nouveau l’unité nationale aujourd’hui mise à mal.

– Créer rapidement un Tribunal Pénal International pour la République Centrafricaine. L’ambassadrice Américaine à l’ONU, Mme Samantha Power a déclaré lors de ses visites en décembre 2013 à Bangui et Ndjamena que les auteurs des crimes en Centrafrique ne doivent pas rester impunis. Cette prise de position de l’Administration OBAMA relayée par Mme Power mérite d’être entendue et soutenue par la communauté internationale, les pays épris de justice et les organisations des droits de l’homme. L’impunité est en partie explicative des crimes à répétition en Centrafrique depuis 1996. Les militaires et civils tuent, pillent, massacrent et après on leur accorde l’immunité. Et demain, ils recommencent. Il faut que la France, les Etats-Unis et l’Union Européenne œuvrent rapidement pour la naissance de ce Tribunal Pénal International pour la République Centrafricaine dont le siège pourrait être fixé au Sénégal, Guinée Conakry, Cap Vert ou Sao Tomé-et-Principe.

De ma modeste contribution personnelle : pour ma part, je suis prêt et entièrement disponible pour servir mon pays à travers une  fonction politique ou administrative. De par mon cursus et mes expériences, je peux être utile à mon pays avant ou  après les prochaines élections présidentielles.

Pièces jointes :
Note géostratégique sur la coalition Séléka : islamisation et liens dangereux avec les terroristes

Je reste disposé à une rencontre en vue d’expliciter les différents points de la présente note.

Aristide Briand REBOAS,
Diplômé en Etudes Diplomatiques et Stratégiques du HEI et CEDS (Paris)
Ancien Directeur Général des Renseignements, Bureau National de Documentation, Centrafrique (2007-2010)

Copies :

  • BAN KI MOON, Secrétaire Général ONU
  • OBAMA Barack, Président des USA
  • François HOLLANDE, Président de la République Française
  • David CAMRON, Premier Ministre de l’Angleterre
  • BENYAMIN Netanyahu, Premier Ministre Israélien
  • Vladimir Poutine, président de la Fédération Russie
  • Jacob ZUMA, Président Afrique du Sud
  • David BROWN, Conseiller spécial des USA pour la Centrafrique
  • Commission de l’Union Européenne
  • Commission de l’Union Africaine
  • Mme Samantha Power, Ambassadrice Américaine à l’ONU,
  • Mme Catherine ASHTON, Haute représentante de l’Union pour les Affaires Etrangères et la politique de sécurité
  • Bruno LEROUX, Président du Groupe Parlementaire Socialiste
  • Christian JACOB, Président du Groupe Parlementaire UMP
  • Presses Internationales

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