Libre opinion

NÉCESSITÉ D’UNE REFORME PROFONDE DES FINANCES PUBLIQUES EN CENTRAFRIQUE

Par Roger Sylvestre SIMY-TOWA

La République Centrafricaine, est confrontée depuis au moins deux (2) décennies à plusieurs types de conflits armés internes (coups d’Etat, mutineries, guerres civiles, rébellions, etc.) qui ont mis à mal les finances publiques du pays.

Le plus meurtrier de ces conflits armés est celui de la Coalition SELEKA (décembre 2012 à mars 2014), qui a totalement désorganisé l’économie de la RCA et privé l’Etat central de ses finances publiques, d’autant que les responsables de ce mouvement ont mis le pays en coupe réglée en s’accaparant des maigres ressources générées par les administrations (douanes, impôts, Trésor, recettes minières, etc.). D’où la pressante nécessité pour le Gouvernement centrafricain de procéder à une réforme rapide de la gestion de ses finances publiques, à l’instar de quelques pays de la sous-région (RDC, Congo Brazzaville, etc.) qui sortent d’une situation post-conflit.

La RCA, dont la situation financière est particulièrement préoccupante, doit rapidement entamer une réforme de la gestion de ses finances publiques, afin de pouvoir faire face à ses dépenses de souveraineté telles que le paiement des salaires, de pensions, de bourses, les dépenses de santé, de sécurité, de fonctionnement des administrations, de remboursement des dettes publiques, etc.).

Quelles sont les faiblesses actuelles identifiées dans le système de gestion des finances publiques en RCA ?

Selon une étude internationale sur la RCA réalisée au mois de janvier 2010, le système de gestion des finances publiques se caractérise par :

  • un manque de réalisme dans la préparation du budget, qui, conjugué à un système inefficace de gestion de trésorerie, crée des conditions propices à l’accumulation d’arriérés de paiement ;
  • des processus contraignants pour l’exécution des dépenses, qui entraînent un usage excessif des procédures de dépenses extraordinaires ;
  • des faiblesses dans le système informatique de gestion du budget, qui ne permet pas encore de surveiller l’exécution du budget à chaque stade des dépenses et ne produit pas encore de données fiables et détaillées en temps voulu ;
  • un système inefficace de supervision de l’exécution du budget;
  • une comptabilité publique et une information budgétaire très insuffisantes.

Pourquoi l’amélioration de la gestion des finances publiques a t-elle été aussi lente en RCA ?

Les principales raisons de cet important retard sont celles explicitées ci-après :

  • l’absence d’une stratégie et d’un plan d’action officiels pour la réforme de la gestion des finances publiques ;
  • des capacités humaines limitées dans la fonction publique, notamment dans le domaine de la gestion des finances publiques;
  • un taux de rotation élevé parmi les hauts fonctionnaires, y compris notamment les ministres des finances ;
  • une prise en charge nationale limitée des réformes de la gestion des finances publiques ;
  • des arrêts de travail fréquents pour demander le paiement des arriérés de salaires et des retraites.

Quels sont les axes centraux et transversaux à améliorer dans le cadre de la gestion des finances publiques ?

Les six (6) axes centraux concernant les finances publiques devant être rapidement améliorés sont les suivants:

  • la gestion des dépenses publiques ;
  • les marchés publics ;
  • les salaires et les retraites ;
  • la dette publique ;
  • le système comptable et la gestion de trésorerie ;
  • la mobilisation des ressources intérieures et extérieures.

Les quatre (4) axes transversaux susceptibles d’être améliorés sont :

  • le cadre juridique et réglementaire ;
  • les systèmes d’information sur la gestion des finances publiques ;
  • les contrôles internes et externes ;
  • la gestion des ressources humaines et le renforcement des capacités.

Plus que jamais, la bonne gouvernance des finances publiques est sous les regards de tous les acteurs de la vie publique, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Force est de constater qu’il est de plus en plus admis que la bonne gouvernance des finances publiques est déterminante pour la réalisation des objectifs de politique publique, notamment les objectifs du millénaire pour le développement et que les résultats insuffisants enregistrés au niveau des secteurs publics sont la conséquence d’une mauvaise gouvernance des finances publiques.

C’est pourquoi, la bonne gouvernance des finances publiques demeure au centre de tout débat concernant les politiques de développement d’un pays.

Pour la Banque Mondiale, la bonne gouvernance des finances publiques est le mode de gestion qui s’intéresse à l’ensemble du cycle budgétaire (préparation et exécution du budget, systèmes d’information et de gestion informatisée, cadres de dépenses à moyen terme, passation des marchés publics, audit interne et externe, suivi et évaluation). Elle s’intéresse également aux institutions de contrôle dont les commissions des finances du Parlement et les institutions supérieures de contrôle.

C’est dans ce contexte que le FMI a établi un « Code de bonnes pratiques » et publié un « Manuel sur la transparence des finances publiques » ainsi qu’un « Guide pour la transparence des recettes des ressources naturelles » en 1998 dans le cadre de l’Initiative en matière de normes et codes, effort international qui avait pour ambition d’établir les principes de bonne gouvernance devant présider à l’amélioration de l’architecture du système financier international.

Il conviendrait de souligner que la Banque Mondiale et le FMI ont présenté successivement de nombreuses stratégies à leur Conseil d’administration respectif, afin d’améliorer la gouvernance des finances publiques dans la plupart des pays membres desdites institutions. La création et la mise en place de divers Comités de Pilotage des Réformes des Finances Publiques (COREF) dans de nombreux pays en situation post-conflit relève de ces stratégies.

Aussi, suggérerons-nous au Gouvernement centrafricain de pouvoir créer, avec l’aide des bailleurs de fonds institutionnels et à l’instar d’autres pays de la sous-région confrontés à des problèmes similaires dans le cadre de la gestion de leurs finances publiques, une structure semblable au Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG) qui pilotera la réforme des finances publiques en RCA.

Roger Sylvestre SIMY-TOWA
Ancien Directeur de la Solde et de
la Comptabilité Publique au Ministère
des Finances et du Budget

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page