Chronique du Village Guitilitimô

JE VEUX UN ENFANT

Par GJK
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

Le véhicule tout terrain allait cahotant sur les sentiers boueux et tortueux, à travers la brousse incertaine. Plus d’une fois, il manqua de se précipiter au fond d’un ravin situé au détour d’un virage. À l’image de tous ceux dont les carcasses froissées et les résidus de ferraille disséminés, semblent encore prolonger l’écho des fracas assourdissants, et perpétuer les effets de déflagration consécutive aux chutes brutales et mortelles. De plus, l’on raconte que le long de ces escarpements dangereux, il arrive très souvent, que surgissent des forêts environnantes, des criminels antibalaka ou des séléka tueurs d’hommes et voleurs de bétails, capables de dépouiller en un clin d’œil l’ensemble des passagers d’un convoi. Mais également, de liquider physiquement, quiconque arbore simplement un faciès incommodant, ou pire, tente de leur résister.

Que diable allait donc faire dans cette galère le jeune couple d’amoureux ayant pris place à bord de cette 4/4 roulant à pas d’homme sur ces sentiers scabreux ?

Déodate et Benoite vivaient à Paris depuis plusieurs années. En 2005, sitôt célébré leur mariage civil et religieux, ils avaient manifesté leur hâte de trouver si possible, dans une petite ville de n’importe quel coin de France, un petit refuge où mener paisiblement, leur petite vie de jeune couple amoureux. En attendant naturellement, que viennent au monde leurs deux futurs enfants, qu’ils avaient projeté de faire et d’éduquer, loin du tumulte parisien et de la cacophonie des cités banlieusardes.

Et ce fut finalement à la Ferté Gaucher, une petite commune tranquille d’environ 18 km2 et 5000 habitants, située dans le département de Seine-et-Marne en région Île-De-France, que le couple put dénicher un terrain, où il réussira une année plus tard, à ériger son modeste pavillon.

Mais huit années étaient passées, sans que la charmante et adorable Benoite ne porta le moindre signe de grossesse. L’Ange Gabriel non plus, n’apporta à l’épouse de Déodate, l’heureuse annonce qu’il fit naguère à Marie pourtant promise au mariage à Joseph. Aussi, d’examens médicaux en contre-visites médicales, en passant par les soins les plus intenses comme les prescriptions pharmaceutiques et traditherapeutiques les plus savantes, le verdict demeura toujours aussi injuste que sévère : Benoite n’enfantera point. Jamais, elle ne pourra porter les fruits de son sein.

Qu’à cela ne tienne !

Déodate malgré tout, ne tarissait point d’amour pour sa femme. Il ne manquait aucune occasion de lui prouver son affection et sa fidélité. Ainsi, le couple réussira à vaincre toutes les pesanteurs dues à son infécondité et rien ne put troubler une vie de véritable bonheur à deux.

Un jour, au cours du dîner qu’ils partageaient toujours ensemble, les deux époux semblaient particulièrement heureux et loquaces ce soir. Ils parlaient de leurs pères et mères, des amis et connaissances, des frères et sœurs, des neveux et nièces, du ciel et de la terre, des océans et des montagnes, du bien et du mal, de la chaleur et du froid, de tout et de rien. Ils échangèrent aussi sur la vie et la mort. Et c’est ainsi qu’ils abordèrent les effets de la crise qui frappe de plein fouet leur pays la RCA et continue de causer tant de malheurs. Ils passèrent en revue le triste sort des exilés et des personnes violées, parlèrent des destructions, des dirigeants, de la communauté internationale, de la réconciliation, et surtout des malades, des morts, des assassinats et autres meurtres auxquels rien ne semble plus pouvoir mettre fin. Enfin, ils se posèrent tous les deux cette même et unique question : quand prendra fin cet épisode dramatique, et quel avenir pour les générations à venir ?

Subitement, il eut un silence qui dura le temps d’un long monologue intérieur que chacun semblait entretenir de son côté. Et ce fut Benoite qui la première reprit la parole pour dire : « Chéri, je pensais aux nombreux orphelins de Centrafrique ».

Aussitôt Déodate l’époux fidèle, très, très lentement, entreprit de redresser la tête qu’il tenait baissée entre les deux mains, les coudes adossés à la table, de part et d’autre de son assiette encore à moitié pleine du dîner qui avait fini par se refroidir. Des larmes dans la voix, il répondit à Benoite : « Mon amour, j’étais en train de penser moi aussi à tous ces orphelins. Pourquoi n’en adopterions-nous pas deux ? »

Après trois jours à parcourir à peine 800 Km, la 4/4 transportant Déodate et Benoite, était sur le point d’arriver à Kouâkêmbi, petit village situé quelque part, dans un coin perdu de CentrafrIque.

(À suivre)

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

 

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