Libre opinion

DROIT DE RÉPONSE A L’ARTICLE « L’ÉCHEC FONDATEUR » DE CLEMENT MBOUTE-MBAMBA

Par Sandrine MANDANE
Team GMN

Monsieur Clément Boute MBamba

Vous avez récemment, et en termes assez virulents, mise en cause la vision d’un homme, le professeur Gaston N’Guérékata pour ne pas le nommer, coupable selon vous de soutenir une option fédérale comme voie d’avenir pour la République Centrafricaine. Vous avez évidemment le droit de n’être pas d’accord, de contester cette analyse, de lui opposer vos arguments et votre propre vision. Mais pourquoi de cette manière ? Pourquoi avec autant de haine et d’agressivité ? Peut-être que le fait que lui agisse alors que vous vous contentez de parler – j’ajouterai au passage : mal et avec un grand mépris pour le Centrafrique et les centrafricains – vous a irrité. Peut-être que son courage, qui se manifeste au quotidien par sa présence dans les zones dangereuses, et qui souligne en creux votre propre inaptitude à prendre des risques pour le salut du peuple, vous a aigri?

A moins que votre plume n’ait trempée dans le portefeuille d’un donneur d’ordre inconnu, et que, travaillant en service commandé, vous n’ayez comme moteur que le craquant des billets et forts peu d’arguments à présenter ? Aucune importance ! On ne prête qu’aux riches dit le proverbe, et sur le terrain des idées, on prête beaucoup au Professeur. Et, oserais-je rajouter, à vous l’on doit donner bien peu pour que vos arguments soient aussi étriqués. Sans me substituer au Professeur, je n’oserai pas, permettez-moi de vous rappeler quelques vérités, en réponse à votre texte, cousu, si l’on peut dire, au fil de l’inexactitude. Non, Boganda (dont vous dites par ailleurs qu’il était dévoré par l’ambition personnelle, un comble pour qui le connaissait !) n’était pas panafricain, ne vous en déplaise. Il était fédéraliste, sur la base de ce qu’il qualifiait les Etats d’Afrique latine. Je ne vous ferai pas le plaisir de vous en donnez la liste car je pense préférable de vous laisser aller la consulter sur internet – on la trouve facilement – cela vous permettra de reprendre quelques fondamentaux qui visiblement vous font défaut. Vous parlez d’un état « dépotoire » – jolie manière de qualifier la RCA – pauvre absolument, et sans aucune valeur ni ressource. C’est mal connaître les potentiels et les richesses de la nation centrafricaine, c’est ignorer la géologie et le cours des matières premières ! Or, diamant, colbalt, bois précieux… pétrole ! La RCA est un pays extrêmement riche, mais faible parce qu’il est seul, et pauvre parce qu’il est faible. Isolé, la RCA est faible. Intégré dans un ensemble plus grand, désenclavé grâce à un accès direct à la mer, notre pays – je n’ose dire le votre, car vous semblez le haïr et le détester – il deviendra prospère.

La fédération qui émerge en Afrique de l’Est, la constitution de grands ensembles planétaire – Union Européenne, ASEAN,… – vous renvoient, je le crains, à vos chères études. Le sens de l’Histoire va dans le sens de la taille critique pour peser. Pas à l’isolement.

Vos propos sentent la naphtaline des cols empesés de jadis, quand le repli sur soi faisait office de politique pour vaincre la peur de l’autre. Mais ne soyez pas triste, il n’est jamais trop tard pour apprendre et toujours temps de faire amende honorable !

Sandrine MANDANE
Team GMN

CI DESSOUS L’ARTICLE A L’ORIGINE DU PRÉSENT DROIT DE REPONSE

L’ÉCHEC FONDATEUR
PAR CLEMENT MBOUTE-MBAMBA

Au soir du 28 novembre 1958, B. Boganda et ses amis du MESAN contemplent impuissants, la proclamation de la République du Congo Brazzaville. Le pays de l’Abbé Fulbert Youlou et Opangault était le dernier des territoires de l’Afrique Équatoriale Française qui voulait lier son destin dans un état fédéral avec l’Oubangui-Chari de l’Abbé Boganda. Ce 28 novembre 1958, c’était donc la mort de ce projet qui aura occupé une part importante de l’agenda politique de Boganda dès son élection à la présidence du grand conseil à Brazzaville. Trois jours plus tard, le 1er décembre 1958 la République était proclamée et la RCA, lancée.

La tragique disparition de B. Boganda cinq mois après la naissance de la République Centrafricaine n’arrangeant pas les choses, naquirent pour l’aspect politique, les postulats du complot, de la victimisation et de la faute de l’autre, des autres. Au point que même des gens nés bien des années après Boganda, se servent de cette parenthèse historique (1958-1959) pour justifier une faute politique de 2014, liée à une décision de 2014 dans le contexte de 2014.

Il y a quelques mois, j’ai lu une déclaration d’un des 70 candidats à la présidentielle de 20XX selon laquelle, mettre rapidement en place un état fédéral sur la base de la défunte République Centrafricaine de 1958 est la solution appropriée non seulement pour l’ex Oubangui-Chari mais aussi pour l’Afrique Centrale. Prendre pareille position en 2014, c’est non seulement ne pas comprendre les réalités de la crise centrafricaine mais c’est aussi ne pas comprendre les causes de l’échec de 1958.

Des quatre territoires de l’AEF, l’Oubangui-Chari était en 1958 celui qui n’avait aucune importance économique. C’est ici et seulement ici que résident les causes de l’échec de ce qu’il faut nommer l’échec fondateur puisque durant ses mandats, Boganda n’avait pas de projet pour l’Oubangui-Chari mais pour l’Afrique. La dénomination du MESAN résume cette ambition et permet, je l’espère, d’éviter toute polémique inutile avec ceux qui sont allergiques à l’évocation de ce sujet. L’Oubangui-Chari n’avait pas de projet pour lui-même et aucune importance économique. C’était le dépôt de l’empire colonial, celui de la main d’œuvre corvéable à merci et du travail forcé. C’était le territoire conquis par hasard et sans ambitions, c’était terrae incognitae et c’était aussi la terre de tous les fantasmes et légendes.

Le 1er territoire de l’AEF à avoir proclamé la République était le Gabon de Léon Mba suivi du Tchad et du Congo.
Boganda avait deux handicaps majeurs dans son projet :
1 : il était soupçonné d’agir par ambition personnelle et ;
2: il n’était pas conscient du poids réel de son territoire au sein de l’AEF, de l’Afrique et du monde en cette année 1958.

En 1956, la France venait de découvrir du pétrole au Gabon. À cause de la situation en Algérie, elle a décidé de faire du pays de l’Okoumé, une de ses sources d’approvisionnement. Le Gabon entrait dans l’ère industrielle.

Durant la même décennie, un immense projet était lancé au Congo Brazzaville, le barrage de la Kouilou dans la région de la Sounda. « …un immense lac artificiel de 1800 kilomètres carrés et produirait des milliards de kilowattheures d’énergie bon marché, susceptible d’attirer une série d’entreprises étrangères désireuses d’exploiter les importantes ressources minières de la région. »(1) C’était plus grand que le grand Inga du Congo Démocratique. Le Congo aussi entrait dans l’ère industrielle.

L’équation était simple : le Gabon puis le Congo ne voulaient pas payer le coût de l’intégration et du développement à la place des Oubanguiens et des Tchadiens. D’ailleurs le rêve de Youlou était celui de la (ré) fondation d’un état Bakongo. Boganda et le MESAN ne l’avaient pas compris même si durant quelques jours, le socialiste Congolais Opangault fut son allié.

Aujourd’hui encore, nous nous gavons de légendes pour expliquer la crise centrafricaine. Nous nous abreuvons de fantasme et de terrorisme intellectuel pour satisfaire nos calculs catégoriels. La moindre observation, le simple mot, l’innocent point d’interrogation, suffisent pour déclencher une terrible vendetta où se coalisent toutes les forces, intelligences et sentiments imaginables. La tolérance a disparu et avec elle, l’interrogation légitime. La tolérance a disparu et avec elle, l’Espérance.

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