Libre opinion

DE L’ETAT D’AUTISME AUX APPROXIMATIONS ; LA RCA UN PAYS EN DANGER ET UN DANGER !

Par Orphée Douaclé Ketté

Entre la vérité et l’erreur, il n’y a pas de voie moyenne !

« Sortir de l’abîme », le titre du webdocumentaire de RFI sur le Centrafrique est éloquent. Il rappelle à dessein la situation réelle du pays : il est dans l’abîme. Pourtant cette vérité triviale est souvent balayée d’un revers de mains – et ceci méthodiquement – par les politiques et autres acteurs majeurs Centrafricains.  Un déni de réalité largement partagé et entretenu savamment par les professionnels de communiqués de presse ; les signataires de nominations pléthoriques et clientélistes, etc…
Faille-t-il rappeler aux différents acteurs Centrafricains que la RCA n’a plus les attributs d’un Etat souverain ; qu’elle est occupée par une pléthore de bandes armées se mouvant sans inquiétude d’un point à un autre du territoire commettant impunément des exactions ; Et que la RCA est le seul pays de l’espace CEMAC à avoir changé deux fois de régime par la seule volonté des autres pays membres ?
L’impertinence et voire l’affront d’appartenir à un pays en déliquescence, subissant diktat et autres directives de la sous-région, le mépris des Nations-Unies et la commisération de la France, n’émeut guère les ressortissants à tel point que, l’état d’autisme serait facilement diagnostiqué comme pandémie sévissant dans le sérail politique.
Sortir de l’abîme nécessite inéluctablement un minimum de conscience et une réelle foi en l’avenir. Pour le Centrafrique, toute la complexité réside dans l’entendement qu’ont les différents tenants du pouvoir ou gravitant autour, de l’avenir pour eux-mêmes et par ricochet du pays. Mais quel avenir donné à un pays lorsque les tenants du pouvoir, à chaque fois nécessaire, n’ont que ce leitmotiv : « C’est notre tour ». Autrement dit, le pays est un gâteau où le partage se fait qu’avec famille, copains, collègues, etc. Le parallèle de la compétence et des liens familiaux est établi qu’en RCA ?

Depuis la crise et voire avant, procrastination, approximations maillent à perfection la classe politique et les autorités Centrafricaines. Aucune approche englobant la réalité actuelle du pays et les dangers contemporains auxquels il est soumis. Le palliatif trouvé et ressassé à volonté est la France. C’est-à-dire que ce pays partenaire s’emploiera toujours pour combler les irresponsabilités criantes des Centrafricains.
Cependant l’affreuse réalité est que la RCA est devenue un passager clandestin du bateau monde. Elle s’est mis toute seule sur le ban de la communauté internationale. Il ne sera question d’elle que sous l’angle « géostratégique » et/ou « humanitaire » où interventions militaires et quelques solutions homéopathiques seront appliquées par devoir de responsabilité. Et malgré cette situation catastrophique, aucune personne issue de l’élite ne veut devenir et/ou réunir des dissidents à cette société meurtrière ; aucun politique n’entend incarner le leadership devenant la locomotive de la véritable mutation dont le pays en a besoin ; quant à la société civile, largement sclérosée, elle n’est qu’une pâle copie de la classe politique. Chacun attend les subsides du silence, de la convenance et de la connivence. On raconte à loisirs être « candidat de la France », et donc ne pas défendre ou énoncer des causes justes susceptibles d’améliorer le quotidien de la population.

Situation de la RCA après 2 ans de présence internationale

La RCA a comptabilisé deux décennies de crise récurrente avec des accalmies et des pics. La seule constance restera une mortalité ahurissante au sein de la population civile qui n’offusque plus grand monde.

De la dernière crise où l’innommable est un bel euphémisme, le pays va rentrer dans sa troisième année sous présence militaire internationale.  Même s’il faut reconnaître quelques améliorations à Bangui et dans la partie Ouest, la RCA demeure sous emprise des groupes armés. Et en dépit du déploiement des troupes françaises de l’Opération Sangaris, et des nouvelles forces supplémentaires de maintien de la paix des Nations Unies, la violence persiste et l’intégrité territoriale une chimère.
La situation humanitaire, sécuritaire et alimentaire ne cesse de se détériorer ; les 2/3 du pays sont sous contrôle des groupes militaires non conventionnels : Seleka, AntiBalaka, FDPC, LRA et compagnie. Les deux groupes rebelles centrafricains (Seleka et AntiBalaka), alter-ego de l’innommable en toute impunité, se sont fragmentés en des nébuleuses s’adonnant à toute sorte de trafics dont celui d’organes humains, de diamants, de bois, des kidnappings et autres rançonnages de la population civile.
Des déplacements massifs de population en interne et dans les pays voisins ; des victimes non comptabilisées et encore moins répertoriées ; un recensement électoral pour moins de 3 mois dans un pays où l’insécurité est la chose la mieux partagée, sans mentionner un réseau routier délabré et une absence de l’administration dans la majeure partie du territoire.

Ce tableau sombre a été peint, en grande partie, en la présence des troupes des Nations Unies munies d’une Résolution assortie du volet 7. Pour autant, le chef de mission n’a pas hésité de déclarer que les Nations-Unies ne sont en RCA pour désarmer ou combattre les groupes armés. Pis, il n’a voulu s’offusquer des actes pédophiles sur les enfants Centrafricains par ces mêmes troupes onusiennes. Protéger ou abuser des personnes vulnérables, la MINUSCA a choisi un camp et ce n’est point le plus honorable !

La RCA et les échecs onusiens : quelques raisons

La République Centrafricaine est devenue, depuis les premières mutineries de 1996, le terrain d’expérimentation de la communauté internationale par le nombre de résolutions de l’ONU portant sur la sécurisation du territoire, et, mises en œuvre de différents dispositifs militaires ayant pour sigle MISAB, MINURCA, BONUCA, FOMUC, FOMAC, MICOPAX, BINUCA, MISCA et maintenant MINUSCA, etc. Pas moins de 4 résolutions ont été prononcées en l’espace d’une année : Résolution 2121 (2013) ; Résolution 2127 (2013) ; Résolution 2134 (2014) et Résolution 2149 (2014).
Le cumul de ces missions de maintien de la paix, des résolutions et la situation actuelle de la RCA interpellent. Péremptoire ou pas, il y a nécessairement erreurs. Celle d’analyse et de diagnostic des réelles problématiques auxquelles le pays est soumis ; celle dans l’élaboration des outils pour circonscrire la crise et dernière erreur, celle de l’identification des personnes ressources capables d’utiliser à bon escient les outils élaborés.

Repenser les Nations Unies à partir du cas Centrafrique ? Pure prétention… Partir des différentes erreurs accumulées dans ce pays pour mieux réussir ailleurs ? Possible. Mais l’essentiel ne sera jamais que dans l’accusation des institutions onusiennes. Il est dans la capacité des Centrafricains d’identifier eux-mêmes les maux dont ils souffrent ; et établir un pont entre « ce qui est » et « ce qui doit être » avec grille de lecture et d’analyse, postulat(s) et rhétorique prenant en charge la construction véritable d’un Etat en lieu et place de ce no man’s land. Mais lorsque chaque rendez-vous national est préempté par les politiques et leurs apprentis, en filigrane le dernier forum où s’est pavané un parterre de personnalités avec pour seul résultat que le prolongement de la Transition sans conditions ni exigences.

Les élections prévues du 18 Octobre : compromission ou impuissance ?

Toute société sera viable que sur la base de l’écoute et du partage

Dans 3 mois, il y aura les élections en RCA. Le calendrier électoral rendu public mi-juin par les autorités Centrafricaines inclut le recensement, l’inscription sur les listes électorales, l’organisation du referendum constitutionnel et les élections législatives et présidentielles. Les Nations-Unies ont validé le calendrier.
Cette organisation a mission d’accompagner un Etat failli tel que la RCA pour recouvrir les attributs indispensables d’un Etat viable. Et comme tel, les élections constituent le maillon essentiel de la reconstruction de tels pays. Leurs organisations doivent intégrer l’impératif d’amoindrir les contestations (ou revendications parfois légitimes, d’ailleurs) par le déploiement de moyens adéquats et adaptés. Sous cet angle, comment peut-on comprendre l’alignement des Nations-Unies sur les approximations des autorités centrafricaines ? Ce chronogramme électoral est un marathon qu’un pays malade comme la RCA ne peut assumer. Les bien-pensants diront qu’il est mieux d’avoir des pareilles élections que de continuer avec une Transition dans le flou et affairiste. La tentation est grande de s’y aligner. Sauf que la RCA est soumise à des pressions telles que de nouveaux soubresauts risquent d’achever son éclatement.
Ainsi en connaissance de ces risques, comment l’ONU n’a-t-elle pu engager une concertation avec les autorités pour un calendrier fiable ? Cette organisation est-elle impuissante devant les autorités centrafricaines ou est-elle tout simplement dans une espèce de compromission ? Toujours est-il que cette mission de maintien de la paix fait maintenir qu’un ersatz de paix qui s’évaporera aux premières heures d’une simple secousse…

L’absence de leadership est patente en Centrafrique, c’est reconnu. Quel regard posé sur les Nations-Unies dans ce pays ? Son alignement sur ce calendrier électoral porteur de virus de contestations et donc de nouvelles crises, les Nations-Unies se donnent d’autres arguments pour s’implanter durablement en RCA. Non comme conséquence uniquement des irresponsabilités et incompétences centrafricaines ; mais aussi et largement des approximations et connivences des acteurs onusiens au détriment de la population que l’ONU est censée protéger.

Autisme ou approximations ? Les conséquences

« A un moment, il y a quelque chose qui nous dépasse, c’est la patrie » François Hollande

La radiographie de l’Afrique en général et celle de l’Afrique centrale en particulier assigne à plus de responsabilité. Le Tchad et le Cameroun sont à l’épreuve des attentats-suicides. Le Congo et la RDC se préparent à des modifications constitutionnelles, ce qui, in fine entraînera les deux pays dans une spirale de violence. La jeune République du Sud-Soudan est plongée dans la guerre civile. La frontière de la RCA avec le Soudan est une zone d’instabilité chronique : Darfour.
La Seleka avait mis en avant des revendications confessionnelles en RCA ; ses troupes sont encore lourdement armées et disséminées sur la majeure partie du territoire.
Ainsi, de tous les pays de l’Afrique Centrale, le Centrafrique est le plus vulnérable : des autorités nombrilistes où intrigues et mensonges rythment le quotidien ; Des politiques dans la procrastination, intéressés par des élections même au rabais, se croyant chacun être le Messie que le pays attend en dépit du passé misérabiliste ; Une société civile inexistante ; Une élite démissionnaire ; Une Diaspora fragmentée et caporalisée ; Les fronts social et économique abandonnés aux ONG’s; Le pays est sur l’axe de jonction BokoHaram-Shébab, etc… Tel est le Centrafrique.

Cette réalité combinée aux différents remous internes au continent (Cf. Carte) finira par avoir raison inéluctablement de la RCA. Les conséquences de son éclatement sont incalculables car les inductions seront multiples.
Comment sortir de cet état d’autisme et affronter la réalité pour faire réintégrer la RCA dans le monde en commençant par son espace premier la CEMAC ? Les Nations-Unies et les différents partenaires doivent accompagner ce pays autrement : Inventer un nouveau modèle d’approche opposé au seul prisme ethno-confessionnel depuis retenu, et ceci à dessein. Pour cela la MINUSCA doit reconnaître la faiblesse de ses moyens militaires, ce qui rend inapplicable l’utilisation de la force pour protéger la population civile ; Formuler les besoins en phase avec les véritables problématiques de la crise ; Se faire accompagner dans la mission de sécurisation du territoire par une partie des forces armées centrafricaines dûment restructurées ; La construction par les Centrafricains d’un nouveau corpus politique capable d’énoncer des principes majeurs orientés « intérêt collectif » capable de faire écho, que de réclamer seulement les élections. Et cette construction ne peut être faite que par des politiques qui sont persuadés que la patrie est plus que leur seule personne. Une mission difficile… !

Autrement, l’autisme et les approximations des politiques combinés aux approches superficielles de l’ONU finiront par mettre la RCA en danger disparition car devenant le sanctuaire de la négation de la civilisation et de facto mettre en danger l’ensemble de la sous-région.

Orphée Douaclé Ketté
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