Libre opinion

CENTRAFRIQUE : UNE « TUTELLE » SANS LA FORME

Par Fernand Paul SADAM 

Les élites centrafricaines sont-elles sans âme, ambiguës et incompréhensibles ? Elles tergiversent et n’épiloguent que sur du superflu alors que nous sommes tous conscients des maux qui minent le bon fonctionnement de notre société. Nous devrions prendre notre problème à bras le corps, lui tordre le cou sans concession par de solutions concrètes. Malheureusement, nous fuyons devant nos responsabilités en accusant la communauté internationale qui a toujours été à notre chevet, de n’avoir pas su ou pas pu trouver les bonnes recettes aux problèmes que nous avons créés nous-mêmes. Ainsi, nous sommes désormais considérés comme des immatures sur le plan politique par celles et ceux qui nous assistent. Quelle tristesse !

La communauté internationale ne peut inventer des solutions à notre place. Son rôle à présent consiste à nous accompagner dans nos démarches de solutions, de nous soutenir. Puisque nous ne proposons rien aux institutions qui nous aident, puisque nous sommes incapables d’échafauder des plans d’action inclusifs de sortie de crise, alors, elles nous dictent la conduite à tenir. Dans ce cas, nous ne devons pas nous plaindre parce que notre souveraineté est atteinte.

En cela, le pays est sous la « tutelle » de la communauté internationale. Que l’on veuille le reconnaître ou pas, l’évidence sur le terrain en témoigne.

Suivez mon regard !!!

Une éminente personnalité centrafricaine a pourtant affirmé de manière subliminale qu’« officiellement dans la forme notre pays n’est pas sous tutelle ». En clair, ce langage diplomatique signifie qu’« officieusement le Centrafrique est sous tutelle » de la communauté internationale : l’armée, c’est la MINUSCA, l’OPERATION SANGARIS et l’EUFOR pour le maintien de l’ordre dans la « République de Bangui », le paiement de salaires, c’est encore elle sous forme de prêts, de dons. Que dire encore ! La communauté internationale répond à nos obligations régaliennes. La transition n’existe que de nom. Les pouvoirs exécutif et législatif reçoivent et obéissent aux injonctions et décisions de ceux qui tiennent la bourse. La sagesse nous aurait conseillé de reconnaître notre faillite et d’accepter la vérité si cruelle, soit-elle ; de demander à la communauté internationale de prendre pour un délai consensuel limité dans le temps et l’espace la commande de l’administration centrafricaine.

Certains de nos compatriotes, partisans obstinés des élections précipitées et bâclées, citent l’exemple du Mali, de l’Afghanistan, de l’Irak ; pays dans lesquels l’onu a organisé des élections pendant que la sécurité faisait encore défaut. Or, dans ces pays, l’insécurité demeurait et perdure. Le Kosovo et l’Irak ont, courageusement, pris le train de l’administration sous la tutelle onusienne pendant un nombre d’années avant de procéder à des élections nationales. Le monde a constaté que le Kosovo a réussi son examen de passage. Il poursuit, aujourd’hui, inexorablement, sa marche vers le progrès, son apprentissage de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Par contre, l’Irak a échoué à cause des dissensions entre les communautés chiites et sunnites. Le Centrafrique doit éviter ces écueils qui risquent de le ramener au « statu quo ante », en d’autres termes, au point de départ de sa crise actuelle.

N’en déplaise aux nationalistes utopistes qui n’ont pas les moyens de leur politique, qui nous chantent à longueur de journée le contenu de leurs carnets d’adresse bien fournis… Certes, les carnets d’adresse sont nécessaires, mais ne sont pas encore indispensables dans un pays qui cherche son chemin, ses repères.

Puisqu’une bonne gouvernance dans la transparence, puisque l’équité et la justice sociale constituent un gage de sécurité et de paix durable, la communauté internationale aura pour tâche de mener le Centrafrique vers cette route, de combler nos manques, enfin, de nous apprendre à nous gouverner, à prendre en charge plus tard notre destinée. Cette mise sous tutelle selon les normes des relations internationales sera aussi un moyen de garantir la stabilité dans notre pays, d’attirer les investisseurs étrangers et nationaux. On assistera ainsi à la renaissance de la confiance et de l’émulation dans un esprit de compétitivité honnête entre les centrafricains. C’est ce que le peuple vous demande à vous, les politiques.

De ce fait, le dialogue national de janvier 2015 et les élections à venir ne sont pas les priorités du peuple centrafricain à l’heure actuelle.

Le peuple centrafricain a besoin d’abord de la justice. Pour ce faire, la chaîne pénale doit être rétablie. Pour se mettre en avant,l’Etat centrafricain doit proposer à la communauté internationale, la construction de trois prisons de haute sécurité ; une, dans la proche banlieue de la capitale et les deux autres dans deux autres villes importantes du pays. Ce qui prouvera à ses partenaires son abnégation à, non seulement, lutter contre l’impunité, mais aussi à montrer sa capacité à régler ses propres problèmes par lui-même. Les criminels et les délinquants de tout bord s’inquiéteront, se raviseront qu’une nouvelle ère débute. Les fauteurs de troubles, les déstabilisateurs de la paix, les violeurs des droits humains répondront tôt ou tard de leurs actes devant la justice.

Ensuite, viendront des élections apaisées que le peuple souhaite voir se dérouler dans le strict respect des étapes nécessaires garantissant la liberté, la transparence ; ne souffrant d’aucune manipulation ou « tripatouillage » des résultats. Dans ce cadre, commencer par les élections municipales, puis les législatives et enfin les présidentielles est une expression de la ferme volonté des acteurs de la vie politique centrafricaine à induire une réelle participation de la population dans le choix de ses représentants. Le peuple doit, ainsi, être sensibilisé et invité à jouer son rôle dans la république : La sécurité commence par la base. En d’autres termes, si nous voulons repartir sur des bases saines d’un système démocratique fondé sur des valeurs républicaines, une « socialisation politique » s’impose. L’Agence Nationale des Élections (ANE), dans ses actions, doit solliciter l’expertise éclairée de certains professionnels étrangers/nationaux, rompre avec méthodes et les manipulations sans vergogne de la Commission Électorale Indépendante (CEI) sous le règne de Bozizé. Le rôle néfaste joué par cette commission est l’une des causes multiples et variées qui ont précipité notre pays dans la crise actuelle.

On observe que le Centrafricain organise une fuite en avant pour occulter ses problèmes, pour des solutions intermédiaires et hâtives. Nous n’aurions que nos yeux pour pleurer si nous ne tirons pas les leçons de notre situation actuelle ; si nous ignorons nos manquements individuels et collectifs commis ; si nous ne nous prévenons pas des événements contradictoires à venir. Dans ce cas, l’habitude qui nous anime, nous poussera à accuser l’étranger de nous avoir entrainés dans les fers. « L’enfer, c’est les autres », ironise J.P Sartre dans La Nausée.

C’est la raison pour laquelle les acteurs de la vie politique centrafricaine, ainsi que nos accompagnateurs, entendez, la communauté internationale qui nous suit, devraient hâter le pas lentement, revenir sur le métier pour ne pas bâcler la démarche vers la sortie de crise ; sinon ils acceptent tacitement le retour, à court terme, à la case de départ, c’est-à-dire aux événements tragiques et aux divisions. Le travail de fond doit être accompli pour permettre à la personnalité élue d’asseoir son autorité sans contestation inutile ; ce qui nous épargnera de réveiller des hostilités du passé.

Le pays est profondément déstructuré. De surcroît, il est en manque de leaders visionnaires et soucieux de l’intérêt général, capables de mobiliser le peuple. L’une des stratégies serait de mettre en place et d’œuvrer pour des structures de bases qui serviront d’ossature à ce nouveau Centrafrique espéré par tous.

Le Centrafrique doit être fier de la diversité de son peuplement, sa richesse première, de l’esprit de tolérance d’antan de ses enfants cristallisés autour des principes de laïcité, de cohabitation et de cohésion sociale.

Fernand Paul SADAM 

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