Chronique du Village Guitilitimô

NOS ETABLISSEMENTS SCOLAIRES

PAR GJK

Si l’on remontait le temps jusqu’à la plus belle période de chacune de nos enfances envolées, sans doute nous souviendrions-nous, de tous ces petits moments de miracles fabuleux et de bonheur angélique, passés autrefois assis, sur notre table d’écolier, à suivre religieusement – bouche cousue et bras croisés -, les enseignements de « Monsieur » ou de « Madame », ou à fixer la tête immobile, le tableau noir cloué sur l’un des quatre murs de notre salle de classe de l’école primaire. Ce furent pour nous, des années d’apprentissage intense – et quelquefois douloureux -, des choses aussi fondamentales que la lecture, les bases des mathématiques et les rudiments d’un comportement citoyen.

En effet, c’est dans les écoles de notre enfance, que tout-petits, nous apprîmes à lire, à prononcer et à écrire pour la première fois les lettres « i, u, o, a, e, é, è, ê », ainsi qu’à compter de 0 à 10 sans nous tromper. C’est dans ces écoles, souvenons-en, que le maître ou l’institutrice, pendant les cours de numération, nous obligeait à apprendre par cœur et à débiter comme des perroquets, la table de multiplication par deux, par trois, par quatre, ainsi de suite jusqu’à dix. Que dire des leçons de grammaire : « la phrase est une suite de mots, sujet-verbe-complément, qui a du sens. Pour être compréhensible une phrase doit être simple. La phrase simple ne comprend qu’un seul verbe. On peut également l’appeler phrase indépendante. Elle commence par une majuscule et se termine par un signe de ponctuation ».

Ensuite, pour nous situer dans le temps, il nous fallait surtout apprendre à conjuguer les verbes des premier, deuxième et troisième groupe, au passé, au présent et futur de l’indicatif, et surtout ne jamais oublier que « quand deux verbes se suivent le second se met à l’infinitif ». La liste des conjonctions de coordination « mais-et-ou-ni-donc-car-or », devait couler de source, de même que la première leçon de chose « le bain et le savon : la peau enveloppe tout le corps et le protège… ». Quant aux chants, aux récitations ou aux fables de La Fontaine, chacun se rappellera pour toute la vie de : « Les écoliers laborieux Vont avec joie à leur ouvrage Mais les élèves sans courage Partent les larmes dans les yeux… », « La main, voici ma main, elle a cinq doigts… », « Le héron, un jour sur ses longs pieds, allant je ne sais où… », « Le corbeau et le renard », ou « La laitière et le pot au lait ».

Dans les écoles primaires de notre enfance, nous suivions aussi les indispensables cours d’instruction civique et autres leçons de morale : « Je prendrai grand soin de mes affaires », « J’écouterai toujours le maître » « Je serai un élève attentif » « je serai toujours gentil avec les animaux », « Le respect comporte l’estime de soi-même autant que le sentiment de la dignité d’autrui » ; « Il n’y a point de bonheur sans courage, ni de vertu sans combat » ; « Les grandes vérités ne se découvrent pas sans peine ni travail » ; « la discipline est une loi acceptée ; elle doit être établie dans la famille, à l’école, dans la vie » ; « Le sourire coûte moins cher que l’électricité, mais il donne plus de lumière » etc.

Par ailleurs, aucun écolier n’oubliera jamais ces moments de pause appelée « la récréation », toujours très attendue et souvent annoncée grâce au tintement que produit les petits coups donnés par un enseignant ou un élève désigné, à l’aide d’un morceau de fer sur une vieille jante accrochée à un arbre ou à un pilier. Et dès que nous entendions ce signal, c’était le branlebas de combat. Les uns se mettaient à courir sans savoir parfois pourquoi ils couraient et où ils allaient exactement ; les autres criaient à tue-tête, et d’autres encore partaient jouer au ballon ou à saute moutons. Tous, nous nous régalions pendant ces moments, de beignets de farine ou de banane, que l’on pouvait à l’époque se permettre d’acheter auprès des vendeuses, grâce aux petites pièces de cinq ou dix francs CFA, que le matin même, les parents nous remettaient à l’heure du départ à l’école.

Mais aller à l’école chaque matin, n’était pas toujours une partie de plaisir et un moment de parfait bonheur. Plus est, quand la maîtresse ou le maître, était particulièrement doué dans l’art de manipuler facilement la règle en fer, la courroie de mobylette ou le « mboro » – une espèce de brindille -, dont tous les enseignants centrafricains savaient si bien s’en servir, pour frapper tantôt sur les bouts des doigts joints, tantôt au niveau des mollets ou dans le dos, sans compter les punitions du genre « à genoux face au mur » ou « pieds au mur ». Ces « supplices » d’antan, avaient essentiellement pour but, de corriger les écoliers qui n’avaient pas correctement appris et maîtrisé leurs leçons, ou ceux qui passaient leur temps à bavarder en classe, ou encore les écoliers les plus récalcitrants, notamment ceux que l’on appelait « les gaillards du fond », ces élèves dont l’âge avait dépassé la moyenne, et qui avaient beaucoup du mal à s’adapter au rythme des enseignements. Très souvent, ces derniers passaient leur temps à menacer les plus jeunes à qui, ils piquaient leurs fournitures scolaires et même de l’argent, tout en les obligeant au moment des devoirs, à leur communiquer les réponses aux questions ou leurs feuilles de brouillon. J’avais vraiment souffert de ces pratiques de « vieux élèves ». Enfin, pour une raison ou une autre, il arrivait que le maître ou la maîtresse, décide de sanctionner de quelques coups de chicotte toute la classe. Ce genre de punition collective, intervenait particulièrement, au moment de la correction des fameuses dictées ou dictées préparées, ou lors des devoirs d’écriture, quand malgré toutes les précautions, aucun élève n’était parvenu à éviter de salir son cahier de devoirs, en manipulant à la fois, la plume Sergent, l’encrier, l’encre et le buvard.

Hélas ! Que sont devenus ces temps heureux de notre enfance des années soixante, soixante dix, où les écoliers partaient à l’école de 6H30 à 11H30 et de 14H30 à 17H30, soit au minimum 8 heures de cours par jour ?

En effet, cela fend le cœur et arrache des larmes, de voir à quoi ressemblent aujourd’hui les infrastructures délabrées de ces hauts lieux de l’initiation au savoir et savoir-être. Pour la plupart, tels les murs de nos écoles ont été construits depuis les indépendances, tels ils sont demeurés. Pas une seule salle de classe de plus, pas une couche de peinture depuis lors, pas de table-bancs pour les écoliers dont les effectifs sont hors norme, de telle sorte qu’ils sont obligés de s’agglutiner les uns contre les autres pour essayer de suivre à peine trois à quatre heures de cours, quand l’instituteur n’est pas inexistant ou absent, car toujours préoccupé à résoudre lui-même ses propres problèmes vitaux.

Au demeurant, ces écoles de votre enfance, vous en souvenez-vous encore ? Et depuis combien de temps ne vous êtes-vous plus rendus sur ces lieux mythiques, pour revoir les murs de vos salles de classe d’antan, lesquelles portent encore certainement, les stigmates de votre passage d’il y’a plusieurs dizaines d’années?

Alors, mettons de côté les collèges et les lycées et rappelons nous des écoles primaires de Koudoukou, Lakouanga, Assana, Fatima, Malimaka, Galabadja, Gobongo, Fouh, Boy Rabé, Ngaragba, Saint Jean, Saint Louis, Saint Charles, Sainte Thérèse, Kangala, Unesco, Miskine, ainsi que toutes  les écoles villageoises de…, écoles préfectorales de… écoles sous préfectorale de…

Tous ces noms d’écoles primaires gravés à jamais dans nos têtes, résonnent dans nos oreilles, tels les noms de nos propres pères et mères à qui nous devons la vie. Sous nos yeux, ces noms d’école nous font revivre et revoir, les images des premiers jours où, accrochés aux bras de nos parents, ou soutenus par nos frères aînés, nous sommes partis signer le premier acte de notre naissance à la culture et au savoir universel. Et par cet acte d’inscription, nous posions définitivement, le geste qui allait non seulement nous ouvrir au monde, mais surtout, entamer la construction de notre personnalité future, pour ainsi dire, ce que nous sommes, tous autant que nous sommes aujourd’hui.

Tenez ! Outre ce petit florilège nostalgique, vous imaginez-vous le nombre de cadres et autres « moundjou-voucko », présidents de la République ou de l’assemblée nationale, présidents d’institutions étatiques, ministres, députés, conseillers, directeurs généraux, chefs de service, avocats, magistrats, médecins, pharmaciens, chirurgiens dentiste, ingénieurs, informaticiens, comptables, journalistes, fonctionnaires internationaux, chefs d’entreprise, opérateurs économiques, « waligara », « boubanguéré », architectes, enseignants…tous passés autrefois, par les petits bancs d’écoliers des écoles primaires de Koudoukou, Lakouanga, Assana, Fatima, Malimaka, Galabadja, Gobongo, Fouh, Boy Rabé, Ngaragba, Saint Jean, Saint Louis, Saint Charles, Sainte Thérèse, Kangala, Unesco, Miskine, ainsi que toutes  les écoles villageoises de…, écoles préfectorales de… écoles sous préfectorale de… ?

Que sont devenues alors nos écoles primaires d’hier ?

Rien qu’à voir leurs murs défraîchis, leurs toitures délabrées, les salles de classes obscures et dépourvues de tables bancs d’écoliers, comment ne pas être mal à l’aise et se sentir quelque part coupable soi-même de cette décrépitude? Dire que ces établissements scolaires qui ont contribué naguère à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui, se retrouvent dans un tel état d’insalubrité, de détérioration et de désolation, donne du tournis à chacun, et inflige à tous, un profond sentiment de culpabilité. Du coup, Koudoukou, Lakouanga, Assana, Fatima, Malimaka, Galabadja, Gobongo, Fouh, Boy Rabé, Ngaragba, Saint Jean, Saint Louis, Saint Charles, Sainte Thérèse, Kangala, Unesco, Miskine, ainsi que toutes  les écoles villageoises de…, écoles préfectorales de… écoles sous préfectorale de… ces noms d’écoles primaires d’hier et d’aujourd’hui, résonnent comme une affligeante preuve de notre incapacité à tous, Centrafricains de l’intérieur et de l’extérieur, à nous mettre réellement ensemble pour redonner couleurs, lumière et vie à notre pays, à travers les locaux scolaires destinés à l’instruction fondamentale sans laquelle aucune relève qui vaille, ne saurait être assurée.

Et voici donc ! Et voici donc, une occasion pour tous les Centrafricains, une opportunité à saisir, un moment à choisir pour faire œuvre de solidarité, au lieu de toujours tout attendre de nos dirigeants et responsables politiques, des ONG ou des bailleurs de fonds extérieurs.

Imaginez ! Imaginez que surgissent de partout et dès maintenant, à Bangui, en provinces comme à l’étranger, des regroupements d’anciens écoliers de chacune des écoles primaires de Koudoukou, Lakouanga, Assana, Fatima, Malimaka, Galabadja, Gobongo, Fouh, Boy Rabé, Ngaragba, Saint Jean, Saint Louis, Saint Charles, Sainte Thérèse, Kangala, Unesco, Miskine, ainsi que toutes  les écoles villageoises de…, écoles préfectorales de… écoles sous préfectorale de…

Alors? Alors, si seulement cent (100) volontaires par exemple, s’engageaient à cotiser seulement 10.000 CFA par année, l’on réunirait facilement tous les ans, la coquette somme d’un million de FCFA. De quoi payer quelques pots de peinture, des tôles ou des tables bancs d’écoliers pour une école. Or, par école, l’on compte des milliers d’anciens écoliers. Nul part ailleurs, l’on ne saurait trouver ratio si éminemment réconfortant et prometteur !

Chers compatriotes, seriez-vous donc prêts à tentez une si belle aventure?

N’attendez donc plus, vous qui me lisez en ce moment. En association déjà constituée ou à constituer, soyez l’initiateur ou l’initiatrice d’un projet de rénovation de votre école primaire d’hier! Grâce à internet et à la magie de facebook, engageons-nous à nous unir pour restaurer toutes les écoles de notre enfance, afin d’offrir une chance d’avenir à nos petits écoliers qui sont aujourd’hui ce que nous fûmes hier,  c’est-à-dire des pépinières et l’avenir de notre beau et cher pays la RCA.  En agissant ainsi, ces mêmes enfants seront demain ce que nous sommes aujourd’hui, et à leur tour, ils pourront penser à d’autres enfants à naître.

Rappelons-nous sans cesse, que  demain c’est aujourd’hui!

Tel devrait être pour chaque ancien écolier un défi majeur . C’est là un devoir citoyen à accomplir immédiatement et en urgence, pour tout patriote centrafricain que ce récit nostalgique, j’ose l’espérer, ne peut avoir manqué d’émouvoir et d’interpeller.

GJK-Guy José KOSSA
L’Élève Certifié du Village Guitilitimö

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