Chronique de GJK

LA SAISIE ET LA RESTITUTION DES BIENS MAL ACQUIS, UN DEBAT INTERDIT EN CENTRAFRIQUE ?

Ce n’est un secret pour personne en RCA, que tous les Chefs d’Etat qui arrivent au pouvoir, entourés généralement du clan familial, des amis et des partisans, pensent toujours en premier, à une seule chose : amasser le plus rapidement possible par différents moyens, pendant les années ou les mois de leur règne sans partage, une énorme fortune, qu’ils s’arrangent presque toujours, à dissimuler partout en Afrique ou ailleurs, à l’aide de conseillers, de partenaires et autres complices véreux. Du 24 mars 2013 au 20 janvier 2014, le pouvoir centrafricain aura changé quatre fois de mains. Tout cela, en moins d’une année, même si le règne de Bozizé a duré 10 ans, et 9 mois pour celui de Djotodja, dont le régime prédateur et destructeur, a conduit définitivement à la mort, une Centrafrique financièrement et économiquement agonisante, depuis plus de deux décennies. Quant à Nguendet, éphémère Chef d’Etat par intérim, ses 10 jours de pouvoir suprême, lui ont juste permis d’organiser l’élection par le CNT, de Mme Samba-Panza, actuelle Présidente d’une Transition, dont personne ne peut prédire avec certitude la fin.

Dans un rapport rendu public le 17 juin 2014, l’International Crisis Group, vient entre autres préconisations, de recommander au gouvernement centrafricain de « Lancer des enquêtes sur les avoirs présumés détournés par les équipes des deux gouvernements précédents et requérir à cet effet l’assistance d’Interpol, des bailleurs de fonds et des Nations unies. »

En effet, sous chacun des régimes centrafricains de ces dernières années, y compris l’actuel, il est constant d’entendre évoquer, « l’évaporation » de dizaines de millions, et même de milliards de FCFA, au profit de barons intouchables, toutefois clairement identifiés et régulièrement cités. Contre certains, des procédures judiciaires ont même été ouvertes. Elles ne se sont jamais soldées par des condamnations, comme d’ailleurs dans presque tous les dossiers de détournements de fonds et de corruption en RCA. Pourtant, ce ne sont pas les preuves qui manquent. Bien au contraire, l’on peut constater sans difficultés, que la plupart des auteurs présumés de ces différentes infractions financières, affichent souvent avec arrogance et insolence, l’étendue de leur richesse, et passent leur temps à narguer ceux qu’ils détestent, ou à se faire applaudir par le petit peuple de démunis, à qui ils jettent de temps à autres quelques billets de francs CFA, comme on jette aux chiens affamés des os dépourvus de toute chair.

Que l’ONU et certains pays annoncent aujourd’hui des sanctions, prises à l’encontre de Bozizé, Djotodja, Nourredine, Miskine, Yaketé et d’autres acteurs de la crise, cela reste en soi, un soulagement pour les populations de Centrafrique, qui ont beaucoup souffert du vandalisme de ces hommes. Ce qui l’est moins cependant, c’est de savoir que jusqu’ici, ni Samba-Panza, ni Nzapayéké, moins encore un membre du gouvernement de la transition, en tout cas aucun homme politique Centrafricain, ne semble se préoccuper de la traque, la saisie et la restitution de tous les biens mal acquis et des milliards de FCFA, enlevés aux Centrafricains.

Où sont cachés l’argent et les biens volés des années et des années durant, par tous les roitelets incultes qui ont dépecé la RCA, et l’ont livrée à l’appétit insatiable d’une poignée d’inconditionnels voraces de leur parti, ainsi qu’à l’intolérable gabegie de leur clan familial, composé d’une multitude de reines-épouses, reines-maîtresses, princesses-sœurs, princes-frères, princes-oncles, sans oublier une progéniture disparate, sans éducation, écervelée et délinquante à des degrés divers ? Comment comprendre qu’un roturier qui n’a certainement jamais justifié nulle part d’un seul million de FCFA sur son compte, se retrouve aujourd’hui après moins d’une année d’un pouvoir sanguinaire en RCA, à parader devant le monde entier avec des milliards, à construire immeubles sur immeubles à l’étranger, ou à financer à tour de bras des œuvres de bienfaisance, sans que personne ne s’en émeuve ? Qui protège encore et toujours ces ministres en fonction ou non, ces faux bourgeois mafieux, et toutes ces personnalités, dont les dossiers de détournement de fonds, d’énormes commissions financières perçues, de corruption active, d’enrichissement illicite, demeurent pendants devant les cours et tribunaux de la République ? Pourquoi ne juge-t-on  point utile de saisir le Tracfin, l’organisme français chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent et qui détient plus de 40 000 signalements, parmi lesquels ceux des Centrafricains ayant flirté avec le pouvoir en RCA ces dernières années, et qui ont pu s’acquérir des villas et appartements privés, à Paris et ses banlieues, Tours, Meaux et autres provinces, alors qu’ils ne sauraient justifier de l’origine de leur fortune ? Quid de ces immeubles construits pas d’anciens Présidents, ministres, hauts magistrats, et qui surplombent les villes de Douala, Cotonou, Kampala, Ouagadougou etc… ? Et toutes ces entreprises dont les mêmes personnalités sont les principaux actionnaires ? Qui n’a pas entendu parler de ces Centrafricains qui ont eu à fêter leur 1er, 2ème, 3ème et 10ème milliard de FCFA ? Et ces vendeurs de stylo à billes métamorphosés du jour au lendemain en entrepreneurs des BTP, éternels soumissionnaires gagnants ou bénéficiaires invétérés de tous les marchés publics octroyés de gré à gré, marchés qu’ils n’ont jamais exécutés malgré l’intégralité de l’enveloppe financière à eux versée?

L’on parle si souvent, de la misère et des souffrances du peuple centrafricain, auxquelles on oppose l’extrême richesse du sous-sol. Ne serait-il pas temps aujourd’hui, de se souvenir et de crier haut et fort, que s’il y’a autant de Centrafricains pauvres, c’est parce qu’un petit nombre de « privilégiés et d’initiés », trouvent leur bonheur à s’accaparer impunément, indécemment et illicitement de l’argent et des biens de la laborieuse masse populaire?

Au demeurant, il existe bien me semble-t-il, un principe de droit international du recouvrement et de la restitution des avoirs nés d’activités illégales (grande criminalité, corruption, drogues) et des « biens mal acquis » ainsi définis :« tout bien, meuble ou immeuble, tout avoir ou fonds susceptible d’appropriation privative soustrait illégalement du patrimoine public et qui a pour effet d’appauvrir le patrimoine de l’État. » Peut-on aujourd’hui récupérer l’argent dissimulé par tous les Chefs d’Etat centrafricains et leurs familles, ainsi que tous ceux qui sont soupçonnés de malversations à grandes échelles ? Cela est possible à mon avis, mais il faut l’aide de certaines institutions spécialisées pour traquer, recenser et agir en justice.

Cependant, l’hypocrisie et la mauvaise foi des gouvernements centrafricains, n’excitent pas à un optimisme béat. A vrai dire, vu la manière dont se comportent toutes les personnalités au pouvoir, oser crier « au voleur », c’est en somme pour eux, la charité qui se moque de l’hôpital. En juillet 1991, trois propriétés de Bokassa avaient été vendues aux enchères, mais ce fut la First Curaçao International Bank, détentrice d’une créance de 3,3 millions de francs français envers la République centrafricaine, qui avait raflé la mise. Car pour récupérer des avoirs, il faut qu’un juge désigne le nouveau propriétaire.

En définitive, faut-il pour autant désespérer, baisser les bras et laisser tout tomber, au risque de voir se perpétuer ce cycle infernal de la mauvaise gouvernance en RCA ? La saisie et la restitution des milliards de la Centrafrique et des biens mal acquis, pour complexes et difficiles qu’elles soient, devraient à mon avis, faire partie des préoccupations majeures de la société civile centrafricaine, laquelle peine à se départir de ses éternels rôles et missions à la lisière de la politique politicienne.

GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social

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Un commentaire

  1. La saisine de Tracfin peut provenir de la société civile certes mais devrait être soutenue par la plus haute institution de l’état qu’est le ou la Président(e) hors ce dernier ou cette dernière est trempé (e) jusqu’aux cheveux dans des magouilles directement ou par des séides interposés nommés à des postes clés de responsabilité de l’état ,et à dessein …Alors qui prendra le risque de scier la branche sur laquelle il est assis? .

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