Grand format de J.Gréla

REVUE DE PRESSE : UN VERITABLE DESERT SANITAIRE, INFRASTRUCTURES MEDICALES EN LAMBEAUX

On ne veut pas la guerre

Au fur et à mesure que les jours et les mois s’égrainent, les pas du centrafricain, posés sur ce chemin de croix qui le mène vers le Golgotha, l’ensevelissent graduellement dans le tourment de la souffrance, dans le tourbillon de sacrifice humain, dans des atrocités bestiales. Et pourtant sa tragédie se déroule encore et toujours « au vu et au su de tous » dans l’indifférence en attendant septembre. «Mais qu’est-ce qui va se passer d’ici septembre?», s’indigne Joanne Liu, médecin québécoise habituée des zones d’urgence de son retour de Centrafrique, dans La Presse.ca du Canada ce lundi 21 avril.

Pardonner pour réapprendre à vivre ensemble

Dans ce contexte le pape François a demandé dimanche, à l’occasion de Pâques, que des « initiatives de pacification » soient entreprises dans la crise. « Nous t’implorons (le Seigneur), qu’un terme soit mis aux affrontements en République Centrafricaine » a-t-il prononcé pendant la bénédiction Urbi et Orbi rapporté par la Radio Vatican et autres médias. Quant au message de l’archevêque sud-africain Desmond Tutu livré, également, ce dimanche, il s’est alarmé au sujet de la Centrafrique « au bord du génocide », appelant ses habitants à pardonner pour « réapprendre à vivre ensemble » ont mentionné à Johannesburg, les journaux Afriquinfos et Jeune Afrique. Toutefois, à l’exemple de l’Afrique du Sud, « les habitants de la République centrafricaine détiennent la clef pour une paix durable.», a souligné le prix Nobel de la paix dans un communiqué transmis par sa fondation. M. Tutu dit ajouter sa voix à celle du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon pour inciter le peuple centrafricain et ses dirigeants à « faire revivre l’esprit de tolérance et de respect mutuel ». L’un des plus grands dons de Dieu, que ce soit pour les chrétiens, les musulmans, les animistes ou les athées, « est la capacité de distinguer le bien du mal, de raisonner et de faire avec les différences », a-t-il ajouté à l’occasion des fêtes de Pâques.

« Quand nous pardonnons, nous nous libérons et semons la graine d’un nouveau départ. Cela a un effet multiplicateur puissant », a conclu le prélat.

Pourtant, le monde ne fait rien. Ou si peu

Selon le journal en ligne La Presse.ca du Canada de ce 21 avril, Joanne Liu a raconté et a déploré avec contrition le sort des blessés terrorisés qui ont peur de se rendre à l’hôpital par leurs propres moyens, par crainte d’être tués en chemin. «Il y avait une telle résignation dans leurs yeux. C’était comme s’ils disaient: « Si toi, tu ne peux pas me sauver, moi, je n’y arriverai pas ».

La présidente internationale de Médecins sans frontières a admis au journal que la Centrafrique tombe mal. Il y a actuellement trois crises de niveau «L3» dans le monde, selon la classification de l’ONU qui comporte trois échelons. La Syrie et le Soudan du Sud partagent la première place au palmarès de l’horreur avec la Centrafrique. Aujourd’hui, les États veulent voir les résultats de leurs engagements humanitaires. «Mais en Centrafrique, il faudra longtemps avant de cueillir les dividendes», a reconnu Joanne Liu. Elle se heurte à un mur d’indifférence particulier. Elle sent qu’on l’écoute distraitement. Que la Centrafrique, tout le monde s’en fout. Malgré cette apathie, elle se démène avec ses collègues d’autres ONG dans leur tournée de sensibilisation à l’ONU pour placer Centrafrique sur le radar de la solidarité internationale, souligne le journal.

Joanne Liu, qui continue à sonner l’alarme et à s’indigner accuse la communauté internationale de ce que l’on ne puisse pas agir plus rapidement. Avec les images diffusées sur Twitter et Facebook, «plus personne ne pourra dire que nous ne savions pas ce qui s’est passé », a-t-elle déploré, à l’occasion de son bref passage à Montréal. Elle reste bouleversée des vagues de violences sur les populations, les femmes, les enfants, les personnes âgées impuissantes et sans protections sécuritaires. Elle s’est résumée à rappeler que d’ici là, « le pays devra se contenter des quelques milliers de soldats français et africains qui ne suffisent pas à stopper les massacres ». Les Centrafricains devront, eux, continuer à vivre des situations inhumaines liées à ce conflit qu’on aurait tort de réduire en un conflit interconfessionnel. « Les latrines débordent, il y en a partout, a témoigné a Agnès Gruda de La Presse.ca, Joanne Liu. Des gens m’ont dit : on est pires que des rats. Les rats, au moins, peuvent se cacher.»

Transfert et évacuation des musulmans dénoncés

Dans ce contexte de violences répétitives et aveuglées, RFI annoncé que le HCR a transféré ce lundi 21 avril plus de 90 habitants musulmans de Bangui pour les regrouper sur un site dans la ville de Bambari afin de les protéger des risques de violences. Le gouvernement, par Antoinette Montaigne, ministre en charge de la Réconciliation qui déclare n’avoir pas été associé aux opérations, dénonce une division de fait du pays. Elle aurait préféré être associée à la décision. « J’ai beau être membre du gouvernement, personne ne m’a contactée en tant que ministre de la Réconciliation pour voir ce que je peux faire. Nous, nous constatons simplement que la communauté internationale déplace les populations musulmanes tantôt à l’extérieur du pays, tantôt à l’intérieur du pays, constituant de facto les prémices de la division alléguées de notre pays », a déclaré la ministre au correspondant de RFI.

Mais pour Josep Zapater, coordinateur au HCR, il n’est pas question de fixer définitivement à Bambari ces populations : « Il y a des mesures d’assistance, d’hébergement et des protections pour ces populations que nous prenons en charge car, comme vous le savez, les autorités et l’Etat se trouvent en situation de faiblesse et en manque de ressources. Nous allons donc soutenir tous ces efforts pour que la population ne soit pas une charge, ni pour la population locale ni pour les autorités locales, ce qui ne veut pas dire qu’on cherche à fixer la population dans le long terme», explique Josep Zapater. D’autres sites verront le jour à Kabo et Sido, selon La Croix, ce mardi 22 avril.

La Centrafrique serait-elle déjà sous-tutelles larvée de l’ONU ?

Grimari et Bambari, derniers verrou de l’est de la Centrafrique

Pour appuyer le choix de Bambari, ville à majorité chrétienne, Fatoumata Lejeune-Kaba explique qu’« il n’a pas eu de problèmes interreligieux, les musulmans ont toujours été épargnés », a indiqué La Croix. Or, nuance l’envoyée spéciale de la Libération, Florence RICHARD à Grimari et à Bambari «les musulmans gonflaient trop le torse devant nous (les populations non musulmanes) » dans son reportage du 17 avril.

Les combats du matin qui ont laissé des traces sur les visages des ex-rebelles de la Séléka ont provoqué un exode massif de la population de cette ville devenue entre temps, le territoire de ces combattants musulmans en grande majorité, et devenue par la même l’une des principales portes d’entrée vers l’est de la Centrafrique qu’ils détiennent toujours. « La capitale, Bangui, et l’ouest du pays sont déjà tombés depuis début décembre aux mains armées de machettes, de fusils de chasse et de grenades des anti-balles AK. Les ex-rebelles refusent que la digue cède ici. Ils ont donc repoussé l’ennemi à grand renfort de lance-roquettes et de tirs nourris à l’entrée de la ville. Ces combats ont instantanément vidé les quartiers. Des milliers d’habitants se sont installés à la hâte dans les bâtiments de la mission catholique, créant un camp de déplacés qui – les pères italiens de la paroisse en sont sûrs – est là pour longtemps tant la peur est dorénavant ancrée », a commenté la journaliste. A Grimari comme ailleurs, les civils musulmans fuient désormais entassés dans des camions ou massés sur des motos déglinguées. Ils partent plus à l’est, notamment en direction de Bambari et siège du commandement régional de la Séléka.

Les affrontements ont fait plusieurs morts de chaque côté. Aujourd’hui, le général, un Peul, musulmans traditionnellement nomades et éleveurs de bétails, dit s’être rangé du côté du gouvernement de transition et œuvrer pour le rassemblement : «Nos parents ont été maltraités, leur bétail a été tué ou récupéré de force. Nous avons décidé de ne pas faire la même chose et de faire en sorte que tous ceux qui sont maltraités ne le soient plus.» En ce qui concerne Eli, «avant, les Séléka pillaient nos maisons et nous étions obligés de fuir en brousse mais depuis que Darassa est arrivé, la paix est venue» a-t-il renchéri. Malgré tout, quand il s’agit d’évoquer les liens entre les communautés religieuses, le discours se radicalise. «Les musulmans gonflaient trop le torse devant nous. Maintenant qu’ils savent que les anti-balles AK sont autour, c’est différent», estime le commerçant.

De même, l’évêque de Bambari, monseigneur Edouard MATHOS, qui appelle au calme dans Libération de Pâques, est le premier à reconnaître combien la situation est fragile. «Il y a un semblant de paix ici, un semblant. On essaie de préserver ce que l’on a et de travailler sur l’esprit des gens. Il n’y a pas de tensions encore mais des suspicions», explique le prélat, très soucieux pour l’avenir. Une plateforme qui réunit des représentants de toutes les confessions se retrouve chaque semaine depuis début décembre et diffuse sur les ondes d’une radio locale un message d’unité, a rapporté l’envoyée spéciale.

Dans cette atmosphère de suspicion et sous la menace de l’arrivée imminente des renforts des anti-balles AK, prêts à reprendre Bambari dans sa  la cathédrale Saint-Joseph a célébré la fête de Pâques devant plus d’un millier de fidèles a indiqué La Croix avec l’AFP du 20 avril.

Les chrétiens et surtout musulmans craignent que ces combats, transposés au cœur de Bambari, n’apportent leur cortège de pillages, de destructions, de morts, toutes communautés confondues. « Maintenant, les musulmans disent que si les anti-balles AK viennent leur faire du mal, ils vont se retourner contre les chrétiens pour rendre les coups », s’est inquiété à la sortie du culte Camille Pandjikoro, un cultivateur de 53 ans. « On ne veut pas la guerre, on ne veut pas de mal », a observé sa sœur Madeleine Nguéréthanga. Ses enfants, âgés d’une vingtaine d’année, sont interdits de sortie. « On leur ordonne de rester à la maison pour ne pas qu’ils créent des problèmes »

Radio bè-oko, radio de la Paix et de l’unité

Dans son container hébergeant la structure est dévastée, pillée par les selekas en décembre 2012, la radio Bê-Oko qui reprend du souffle, diffuse des messages de conseils et lance des slogans de paix.

Cette unique radio, facteur de pacification permet de calmer les tensions entre musulmans et chrétiens selon L’expansion et L’express du 22 avril à Bambari. « Un seul cœur » (Bê-Oko), qui est à l’origine une radio catholique, devient multiconfessionnel. « L’évêque a demandé à chaque leader religieux de prendre le micro. Pour éviter que ce qui se passait à Bangui ne se déroule ici », raconte l’abbé Firmin, qui en a la charge. Les trois communautés (catholiques, protestantes et musulmanes) achètent des bidons d’essence pour nourrir le groupe électrogène de Bê-Oko, dont le rôle est d’autant plus primordial qu’elle a le monopole des ondes dans la ville et ses environs.

Sangaris grogne

La radio France Info pour sa part s’attarde sur les conditions de vie des soldats de sangaris en Centrafrique et l’état de leur matériel sur place dans son reportage du mardi 22 avril : Armée « bouts de ficelle » : la colère des Français en Centrafrique. Ils ont un devoir de réserve. Les militaires se confient donc anonymement à des tiers : souvent leur femmes ou leurs mères. Qui rédigent et publient leurs récits. Sur des forums, des blogs, on lit des témoignages comme celui-ci : « On circule dans des véhicules sans blindage dans des zones pourtant sensibles. Alors on fait avec les moyens du bord : on prend des gilets pare-balles et on les déplie sur les portières en guise de protection. A l’arrière, là, on met des sacs de sable pour arrêter les balles », raconte Caroline, 50 ans, qui a ses deux fils à Bangui, et qui alimente la principale page Facebook où sont collectés les témoignages anonymes de soldats. 56 soldats français auraient attrapé le paludisme ces deux derniers mois en Centrafrique à cause des douches insuffisantes, des problèmes d’évacuation d’eau, des nuits sous des tentes sans climatisation et sans moustiquaires. La « débrouillardise et l’improvisation » des soldats seraient donc l’un des ingrédients indispensables depuis plusieurs années à la réussite des opérations  extérieures selon la radio.

Le général Francisco Soriano de Sangaris en Centrafrique, interrogé sur le problème du matériel vétuste et des conditions de vie difficile pour les soldats se veut rassurant : « Oui, les conditions de vie ont été rustiques  au départ, car il a fallu se déployer très vite. Ces conditions se sont maintenant améliorées et je ne constate pas d’indisponibilité de la force due aux conditions rustiques d’intervention », a-t-il répondu en visioconférence, il y a deux semaines, lors d’une conférence de presse de l’état-major. Mais les budgets de maintenance, eux, sont rognés.

Deux journalistes détenus pour outrage envers la présidente

L’Express et l’Expansion rappellent, ce 21 avril  l’arrestation et l’incarcération prison de Ngaragba à Bangui, pour outrage, diffamation et incitation à la haine, des directeurs de la publication des quotidiens Le Palmarès et Le Peuple, les 7 et 15, après la publication d’articles visant la présidente de transition Catherine Samba Panza, a-t-on appris lundi de source judiciaire. L’Observatoire des médias a jugé « injurieux » l’article publié par le directeur de la publication du Palmarès, Régis Zoumiri, intitulé « Catherine Samba Panza, cette cancre qui nous gouverne ». Il a été placé en garde à vue pour avoir violé les dispositions du Code de déontologie et d’éthique de la presse et son journal a été suspendu une semaine, selon la même source.  Patrick Stéphane Akibata, directeur de la publication du Peuple, quant à lui, a, été arrêté pour avoir repris dans son journal un article d’abord paru sur un site d’information en ligne étranger et intitulé « De l’illégitimité et de la moralité douteuse de la présidente de transition ». Le texte affirme notamment que Mme Samba Panza « a été élue à la suite d’une campagne à coups de billets de banque ».

Centrafrique, sous tutelle ou sous curatelle ?

Joseph GRÉLA

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page