idée c/ idée de a.Lamessi

RCA: LA RÉVOLTE DES SANS-CULOTTE – QUAND LA SOCIÉTÉ CIVILE SONNE LE TOCSIN

Le psychodrame qui se déroule en mondio-vision en République centrafricaine, depuis décembre 2012, avec l’entrée fracassante en scène de la Séléka et bien plus tard des Anti-balakas avec son cortège d’assassinats, de destruction, de viols et de pillages, a fini par dynamiter les fondements de la République et faire voler en éclats les institutions de la Nation. Le vivre ensemble des différentes communautés nationales paraît tout simplement mis à rudes épreuves.

L’une des décisions phares de la rencontre des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC qui s’est tenue le 27 juin dernier à Malabo, en Guinée équatoriale, à la marge du XXIIIème sommet de l’Union africaine, est la convocation du forum de Brazzaville en rapport à la crise centrafricaine. Il s’agit, dit-on, d’un dialogue inclusif inter centrafricain dont l’objectif avoué est double : d’une part réconcilier les centrafricains et d’autre part aboutir à la signature d’un cessez-le-feu entre la Séléka et les Anti-balakas. Cette initiative certes louable viendrait balayer du revers de la main une autre initiative prise par la présidente de transition Mme Catherine Samba Panza qui avait réuni, cette fois-ci à Bangui, un atelier de consultation préparatoire du dialogue politique national qui avait regroupé une trentaine de personnalités centrafricaines. Tout comme le projet de remaniement gouvernemental annoncé tambour battant avait été étouffé dans l’œuf par les parrains de l’Afrique centrale, le dialogue à la mode Samba Panza ne pourrait peut-être plus jamais prospérer ?

La simple perspective de la tenue d’un forum à Brazzaville semble avoir une certaine vertu aphrodisiaque tant elle a la propension de doper la virilité politique de tous ceux qui n’arrivaient manifestement plus à s’assumer. L’air frais de Brazzaville en cette saison sèche serait-il devenu le viagra pour les nostalgiques d’un pouvoir perdu sur le terrain de l’action? En tout cas, toutes les autruches, fidèles à la stratégie d’évitement, qui ont mis la tête sous le sable pendant des mois durant alors que la Séléka et les Anti-balakas redoublaient de monstruosité et rivalisaient de criminalité, ont comme par enchantement retrouvé une nouvelle virginité qui attend d’être confirmée dans les jours à venir. Les uns et les autres veulent avoir voix au chapitre. C’est tant mieux car plus il y a des phraseurs, pertinentes seront les résolutions. Espérons-le.

Les religieux, chrétiens et musulmans confondus, mus par une même conviction, unis dans une même communauté de destin, ont sonné le tocsin. La société civile a enfourché le cheval blanc de la révolte des sans-culotte, de tous ceux et toutes celles qui n’ont rien à perdre mais seulement leur dignité à défendre. Tous les pauvres et les gueux, prenant en mains leur destin se mettent enfin debout pour dire à tous « ça suffit ! ». Les partis politiques sont désormais sur la ligne de départ de la longue marche en avant pour un véritable sursaut national.

A force de déléguer systématiquement la résolution de ses propres problèmes aux autres, à vouloir remettre dans la main des voisins, aussi solidaires soient-ils, la gestion de ses problèmes domestiques on prend le risque d’un procès en irresponsabilité et en immaturité. L’image est proprement désespérante pour ne pas dire catastrophique : Convoyer des hommes et des femmes politiques d’un pays par charters entiers (Ô Dieu, préserve-les de tout accident !), les parquer dans des hôtels 2 ou 3 étoiles et leur distribuer quelques billets verts en guise de per-diem, et le tour est joué. Cette infantilisation de la classe politique centrafricaine dure depuis longtemps. Les Chefs d’état et de gouvernement de la sous-région de l’Afrique centrale en sont lassés. Ils ont d’autres chats à fouetter que de changer les couches culottes des gens qui ne veulent pas grandir. Et cette infantilisation a pris une forme tragi-comique avec la transportation des membres du Conseil national de transition à Ndjamena où on leur a intimé l’ordre de virer le Président de la transition, le sieur Djotodia et son Premier Ministre Maître Nicolas Tiangaye. Elle est devenue simplement pathétique à Malabo avec la mise à l’écart de Mme Catherine Samba Panza de la recherche de solution à la crise centrafricaine. Quelle forme aurait-elle prise à Brazzaville ? On pourrait aisément imaginer que les dialogueurs en seraient réduits à la figuration, astreints à paraphraser un communiqué final qu’ils n’auraient même pas eu le temps de lire au préalable.

IMPATIENCE A L’EXTÉRIEUR ET INERTIE A L’INTÉRIEUR 

Nous sommes nombreux à nous émouvoir de cette image catastrophique, tournée en boucle sur toutes les chaînes de télévision, de Mme Catherine Samba Panza, Chef d’Etat de transition, priée inélégamment de sortir de la salle de conférences et d’attendre toute seule au bout du couloir, le résultat de la délibération des autres Chefs d’Etat de la CEMAC sur la crise centrafricaine. Que ç’a dû être long !!! Elle est apparue comme n’appartenant pas à la même catégorie que les autres Chefs d’Etat. Assurément dans l’esprit des initiateurs de cette mise à l’écart, elle est un cran en-dessous des autres. Soit dit en passant, c’est le même modus operandi qui avait prévalu à Ndjamena lorsqu’on avait décidé de faire démissionner brutalement Djotodia et son Premier Ministre.

La nature a horreur des faibles. Aujourd’hui ce n’est un secret pour personne, Madame le Chef d’Etat de transition est le bouc émissaire de ceux qui ont brutalement retiré leurs troupes de la MISCA. Elle est aussi devenue le bouc émissaire des incohérences stratégiques de Sangaris qui a pourtant reçu un mandat clair de l’ONU de recourir à la force pour désarmer les bandits.

La couleuvre une fois avalée, remettons notre orgueil national au placard. Il faut revenir à la réalité et reconnaître qu’il y a de l’eau dans le gaz. Le moteur de la transition patine et peine à atteindre la vitesse de croisière surtout qu’elle n’a même pas réellement démarré. L’impatience de la communauté internationale est fort compréhensible tant le Gouvernement ne semble pas vouloir prendre le taureau par les cornes pour instaurer l’autorité de l’Etat, réduire de façon significative l’insécurité, instaurer la chaîne pénale, poursuivre et condamner les criminels. Il n’est pas normal qu’après près de dix-huit mois de crise il n’y ait pas un seul criminel qui soit condamné.  Le flagrant délit n’est même pas évoqué pour le crime commis par des militaires en plein jour devant témoins à l’ENAM. La commission d’enquête était-elle mise en place pour faire la lumière sur le charnier découvert derrière le camp de Roux ? Quelles en sont les conclusions ? Attendons-nous que ce soit l’ONU qui vienne faire l’enquête ? Le Gouvernement n’a pas encore élaboré et mis en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation, réintégration, réinstallation ou rapatriement des anciens Sélékas ou anti-balakas. Le Gouvernement n’a pas encore engagé ne serait-ce que le début du commencement du programme global et national de la réforme du secteur de la sécurité. Il n’a pas engagé des actions énergiques pour combattre l’insécurité généralisée ainsi que la violation flagrante et massive des droits de l’homme.

La question que l’on est en droit de poser est de savoir est-ce que c’est le Gouvernement qui est incompétent comme on le clame çà et là ou ce sont les solutions qu’on lui impose qui sont inadaptées. Une chose est sûre, c’est qu’il est confronté à des injonctions souvent paradoxales : il a par exemple l’obligation d’instaurer la sécurité en même il est soumis à un embargo drastiques sur les armes. Véritable casse-tête centrafricain.

QUELS INTERLOCUTEURS POUR QUEL FORUM ?

Il y a quelques mois nous sous interrogions déjà sur l’utilité d’une Nième conférence nationale en République centrafricaine. Cette interrogation légitime découlait d’un scepticisme raisonnable. Non pas que nous soyons contre le dialogue entre les fils et les filles d’un même pays mus par une même volonté de sortir de la crise. Le dialogue n’est jamais un but mais toujours un moyen. De l’avis de tous les observateurs, il n’y a pas de guerre de religions opposant chrétiens et musulmans en Centrafrique pas plus qu’il n’y a de guerre ethnique, ni de guerre de régions Nord-Sud ou Est-Ouest. Il n’y a pas eu de problème constitutionnel jusqu’à l’avènement de la Séléka quand bien même l’inaptitude du Président Général Bozizé à respecter la Constitution est flagrante. Et aujourd’hui il nous est obligeamment demandé de modifier cette constitution. Alors de quelle réconciliation parle-t-on ? Qui va être réconcilié avec qui ? Et pourquoi ?

Le diagnostic de la situation centrafricaine est connu et reconnu. Il est rabâché à maintes occasions. Des solutions existent. Elles sont consignées même contresignées dans de pléthoriques résolutions et autres recommandations qui ont ponctué les différents fora et qui dorment tranquillement dans les tiroirs.

A quelques exceptions près, il y aura autour de la table de la discussion les mêmes acteurs qui ont participé à toutes les discussions antérieures et défendant peu ou prou les mêmes positions qu’ils ont défendues naguère. L’élément nouveau reste bien sûr l’arrivée des acteurs que sont la Séléka et les Anti balakas qui n’ont pas vocation à être des interlocuteurs crédibles. Ce sont des monstres à plusieurs têtes qui ne parlent jamais d’une même voix. Sans commandement unique, est-ce les énergumènes qui sont à Nzako, à Bria ou à Koango, ceux qui sont à Boda, Carnot ou à Baboua se sentiront-ils engagés par des textes même signés par leur soit disant généraux et autres coordinateurs aux petits pieds alors même qu’ils n’y comprennent que dalle?

Gageons que le dialogue à venir ne sera pas réduit dans la forme et dans le fond à une simple kermesse aux chapeaux ou au carnaval de Rio où l’on se déguise volontiers pour se donner l’illusion d’être un autre personnage. L’heure est venue de se surpasser pour donner un peu de dignité à notre peuple qui le mérite tant.

Que Dieu bénisse la République centrafricaine !

Alain LAMESSI

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