Chronique de GJK

REGARDS PROSPECTIFS SUR LA LISTE ÉLECTORALE, OUTIL FONDAMENTAL POUR DE FUTURES ELECTIONS DEMOCRATIQUES REUSSIES EN CENTRAFRIQUE

Par GJK

La RCA depuis plusieurs décennies, faut-il sans cesse le rappeler, a connu une succession de régimes qui se sont pour la plupart imposés par la force. Notre pays est devenu pour ainsi dire, une terre de prédilection, un champ d’expériences politiques des pratiques anti-démocratiques, lesquelles ont naturellement toutes échoué à instaurer la paix et à donner aux populations, le minimum de moyens nécessaires et élémentaires pour leur survie et leur propre épanouissement.
Aussi, au sortir de la rencontre de Libreville de janvier 2013 qui a réuni à l’époque les principaux acteurs politiques en vue, il avait été convenu de mettre en place une transition politique dont la finalité première, est de réinstaurer durablement la démocratie intégrale. En d’autres termes, toute l’œuvre de transition actuellement en cours en Centrafrique, n’a de sens que parce qu’elle ne vise qu’un objectif primordial et prioritaire, qui est celui d’aboutir à des élections transparentes, crédibles et apaisées, à l’issue desquelles la Centrafrique réconciliée avec elle-même, pourra renouer définitivement, on l’espère, avec les principes fondamentaux de la démocratie, et s’attaquer enfin aux nombreux défis auquel il est appelé à faire face.

Or, pour parvenir avec succès à atteindre ces différents objectifs, il faut dès à présent, s’assurer de la fiabilité du processus électoral en élaboration, c’est-à-dire des différents éléments à prendre en compte, à savoir : la confection de la liste électorale, la délivrance des cartes électorales, et le dépouillement des résultats des élections.

S’agissant particulièrement de la gestion de la liste électorale, il convient avant tout de préciser qu’à partir des années 1990, la RCA comptait déjà parmi les premiers pays ayant opté pour une informatisation de son système électoral. C’est d’ailleurs ce qui a permis à l’époque d’aboutir à l’unique alternance démocratique connue à ce jour, celle de 1993 entre Kolingba et Patassé. Par ailleurs, en 1998, l’on a pu assister à victoire de l’opposition sur la majorité au pouvoir, à l’issue des élections législatives, avec son épisode légendaire notoirement connu sous l’appellation de « Koudoufarisme », du nom du député de l’opposition Koudoufara qui, en passant dans le camp du pouvoir avait fait basculer du coup la majorité parlementaire.

Du reste, il est bon de savoir et de noter que les différents processus d’informatisation ayant conduit aux résultats incontestées rappelés ci-dessus, avaient à l’époque été menés par des entreprises centrafricaines connues que sont :

  • L’Office National d’Informatique, ONI
  • L’ADMN,
  • Le Newtech Institut

Curieusement, au cours des années 2000, contre toute attente et pour des raisons que l’histoire s’attellera sans doute à rétablir, l’on a pu constater que la Centrafrique, a choisi de faire un bond d’un siècle en arrière, en rétablissant la pratique largement dépassée de la gestion manuelle des listes électorale, avec son laborieux corollaire, qu’est le dépouillement contestable et toujours contesté. Depuis lors la RCA, ce « pays des paradoxes et des records négatifs », est rentrée dans un cycle chaotique des processus électoraux qui ont suivi.

Mais en effet, comment comprendre qu’un pays qui dès le début des années 90 fut parmi les premiers à informatiser son processus électoral se retrouve dix et quinze plus tard, à voter sur des listes manuelles en 2005 et en 2010 ?

Après avoir recoupé différentes informations et analysé les documents que j’ai pu réunir, quelques points suivants ont particulièrement retenus mon attention.

UNE ABSENCE DE SUIVI ET DE LA MAINTENANCE DES RÉALISATIONS

L’on se bornera avant, à admettre que le problème de l’informatisation de la liste électorale en Centrafrique est avant tout « technique ».
Dans notre pays, tout le monde le sait, la notion d’entretien et de maintenance des réalisations n’est jamais entrée en ligne de compte des principales priorités des acquisitions. Souvent au sein de l’administration, les budgets alloués aux activités de maintenance semblent superflus et sont utilisés à d’autres fins. Ainsi, il arrive souvent par exemple, qu’un véhicule, une machine ou un outil quelconque pourtant achetés à prix d’or, se retrouve presque aussitôt ou seulement quelques années plus tard en panne faute de respect des principes élémentaires d’entretien. A ce sujet, combien de 4×4 rutilants neufs, appartenant à l’Etat, n’ont-ils pas été déclassés après à peine deux années d’activités et rachetés à vil prix par des responsables de service ? Tel est également le sort des bâtiments neufs, qui se retrouvent au bout de 2 ou 3 ans sans fenêtres, des toilettes hors d’usage et des toiles d’araignées dans tous les coins faute d’entretien.

Le processus d’informatisation des élections n’a pas échappé à cette triste règle.

Mais au-delà de toutes ces questions de maintenance et d’entretien, il existe en Centrafrique une culture des pratiques « nauséabondes » et des comportements antipatriotiques, qu’il convient de dénoncer. Et puisqu’il est question de liste électorale, allons tout droit au but.

En 2005 et 2010, alors que des sociétés locales dotées d’une expérience assise, munies des compétences avérées, disposant des solutions adaptées, et ayant fait leurs preuves en matière de gestion du processus électoral, avaient offert leurs différents services, on a cependant préféré faire appel – pour des raison que je laisse à chacun le soin d’imaginer -, aux listes manuelles et au dépouillement sur la base d’un logiciel bricolé, le tout offert à des prix inimaginables, par Monsieur Sessou, statisticien et économiste béninois.

Tout cela doit cesser. Et l’ANE dont les Centrafricains ne demandent qu’à voir et apprécier le professionnalisme a le devoir de nous conduire dignement à sortir de l’impasse dans laquelle se trouve actuellement notre pays.

LA DÉPLORABLE MÉFIANCE NATURELLE ET L’EXISTENCE D’UN CLIMAT DE SUSPICION PERMANENTE ENTRE CENTRAFRICAINS

Les Centrafricains sauront-ils tirer des leçons du passé ?

Au mois de janvier 2010, suite à un appel d’offre de la Commission Électorale Indépendante (CNI), visant à informatiser la liste électorale, l’Office National d’Informatique (ONI), et la société Newtech Institut, dont les expériences éprouvées dans le domaine de l’informatisation des processus électoraux ne souffrent plus de l’ombre d’un quelconque doute, avaient décident de mutualiser leurs compétences pour faire soumissionner ensemble.

Leur offre fut retenue et les deux entités, en collaboration avec la sous-commission liste électorale de la CEI dirigé par le président d’un parti de l’opposition de l’époque, pour faire un travail formidable consistant à :

  • Informatiser la liste manuelle de 2005,
  • supprimer les doublons,
  • mettre à jour la liste 2005 à partir de la révision électorale de 2010 pour supprimer les personnes décédées
  • prendre en compte les jeunes ayant atteint l’âge de 18 ans après 2005.

Ce travail fut réceptionné le 07 octobre 2010 par le Président de la sous-commission liste électorale de la CEI, en la personne de Monsieur Christophe Brémaïdou.

Malheureusement l’opposition de l’époque, semble-t-il, sans chercher à vérifier si le travail avait été bien fait ou non, pour soulever d’éventuelles objections et émettre ses suggestions – sachant qu’une liste électorale est un document public qui peut être consultée dans tous les quartiers et villages du pays afin de détecter d’éventuelles anomalies – , va le rejeter sans autre forme de procès.

C’est ainsi que lors d’une réunion dans la salle de cinéma du Palais de la renaissance, fin octobre 2010, tous les participants – majorité et opposition -, vont accepter le principe de la constitution d’une nouvelle liste électorale manuelle.

Au final, le résultat obtenu a été de réintroduire sur la liste manuelle établie, une multitude doublons- que le système d’informatisation mis en place par le tandem ONI-NEWTECH avait supprimée -, au grand plaisir et avantage à l’époque, faut-il le souligner, du parti KNK de Bozizé.

Tout ce mic-mac organisé, aurait reçu l’aval et le soutien du conseiller Technique du Projet d’appui au cycle électoral du Pnud Monsieur Alain Ayadokoum et son expert Monsieur Moubamba Moubamba, présentés naguère comme des experts en informatisation des processus électoraux, et qui se précipitèrent pour ramener de Cotonou à Bangui, Monsieur Sessou, pour le travail de dépouillement avec son logiciel bricolé. Plus est, ces « mafieux internationaux », vont s’arranger à lancer des appels d’offres uniquement sur le site du Pnud Bénin dans le but de sélectionner des entreprises béninoises auxquelles ils confieront le travail d’édition des cartes d’électeurs vierges à remplir manuellement. Et le tour est joué !

On connaît la fin de l’histoire : Bozize fut réélu au premier tour et l’opposition en fut réduite à la création du FARE (Front pour l’Annulation et la Reprise des Elections).

Monsieur Sessou pour sa part allait être grassement rémunéré et retourner au Bénin pendant que l’ONI et le Newtech Institut, payé seulement en partie, vont se retrouver avec sur les bras leur travail mené avec professionnalisme et selon les règles de l’art.

La RCA et l’ANE se doivent de tirer absolument des leçons du passé, s’inspirer des exemples et du nationalisme vécus dans d’autres pays d’Afrique.

En Côte d’Ivoire à l’époque des dernières élections, l’on se souvient, quand l’opposition a eu des doutes sur l’impartialité de la société à qui revenait la charge de dépouiller les élections, une réunion avait alors tout de suite rassemblé la majorité au pouvoir. A l’issue des pourparlers, les représentants de l’opposition avaient ainsi réussi à imposer qu’une société de leur choix, puisse également participer au dépouillement des élections.

Cette proposition fût accepté par tout le monde, bailleurs y compris même si pour cela l’informatisation du processus électoral à dû coûter plus de 80 milliards de francs cfa.

Au regard des 500 millions de francs cfa demandé par l’Office national d’informatique et Newtech Institut et qui a fait hurler l’opposition Centrafricaine de l’époque, cela laisse rêveur !

En conclusion et eu égard à ce qui précède, que convient-il de faire pour les élections centrafricaines de la « dernière chance » ?

Juste quelques observations qui ont aussi valeurs de suggestions :

  • Les Centrafricains doivent se prendre en charge et se faire confiance pour assurer le suivi des réalisations, trouver des solutions consensuelles pour régler les problèmes et quand cela est possible faire appel aux compétences locales qui maîtrisent mieux les réalités du pays. Point n’est besoin d’aller au Bénin ou ailleurs pour faire appel à des compétences afin de gérer notre processus électoral, en croyant naïvement que ces derniers seront plus impartiaux et honnêtes.
  • Pour 2015, dès lors qu’une base de données électorale informatisée existe, il convient de s’y référer, pour procéder au nouveau recensement électoral. Ce n’est que comme cela que nous ferons un joli pied de nez à cette horde d’étrangers qui détruisait les mairies et les registres d’état civil de nos villes et villages, espérant ainsi biaiser les futures listes électorales.

Dans tous les cas et en attendant, la tenue des élections requiert un minimum de sécurité, et surtout, vivement que le dialogue national passe.

Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié

De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô

Penseur Social

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