Libre opinion

JOURNALISTE FRANÇAISE TUÉE DANS LA RÉGION DE BOUAR : LE PIÈGE ENCORE ET TOUJOURS LE PIÈGE

Proposé par Wandakpando

Après l’assassinat de deux journalistes centrafricains au début du mois de mai 2014, c’est autour de Camille LEPAGE, une jeune dame française de 26 ans, reporter photographe, de perdre la vie, alors qu’elle se trouvait dans la région de Bouar, précisément à Amadagaza, où, selon nos confrères de France 24, elle suivait un groupe de rebelles anti-Balaka.

Le corps de la journaliste française a été retrouvée par des soldats de la mission Sangaris, au cours d’une opération de patrouille, dans un véhicule que conduisaient des combattants de la milice anti-Balaka. Ce qui signifie évidemment que la jeune dame a été tuée depuis quelques jours. Il semble qu’elle ait trouvé la mort dans une embuscade tendue par un groupe rebelle non identifié, au moment où elle se rendait en moto dans une région où des exactions avaient été commises.

C’est bien plus tard que les soldats de la mission Sangaris vont découvrir le corps de la journaliste, dans une voiture qui transportait d’autres cadavres, ce qui donne la preuve du niveau élevé de l’insécurité qui est actuellement en cours en République Centrafricaine. Il faut quand même souligner, qu’il y a, avec cet assassinat odieux, un caractère particulier des crimes de sang, transformés en banalité en République Centrafricaine. Et lorsque le Président François Hollande déclare que les auteurs de la mort de Camille LEPAGE ne resteront pas impunis, il donne l’impression de vouloir distraire la galerie. L’insécurité généralisée en Centrafrique procède d’un désordre tel, et d’un tel chaos, qu’il faut pratiquement être un magicien, pour être en mesure d’aller identifier les gens qui sont à l’origine d’un acte de lâcheté comme celui de l’assassinat de Camille LEPAGE, qui, certainement, doivent déjà se trouver dans la nature, s’ils ne sont pas quelque part en train de  savourer les sensations de leur forfait sur un territoire étranger.

Comment cette jeune dame de 26 ans, qui partait faire des reportages dans une zone dangereuse n’a-t-elle pas été accompagnée, alors qu’elle avait la possibilité de solliciter la protection des soldats français de la mission Sangaris? La question en vaut bien la peine. C’est en moto qu’elle était en déplacement, lorsqu’elle est tombée dans une embuscade certainement tendue par des incontrôlés, comme on aime le dire. Des gens qui, depuis ces derniers temps, assassinent, enlèvent, tuent et font même brûler des personnes vivantes dans leur maison.

Des soldats français ainsi que ceux de la MISCA seraient déjà sur le terrain, afin de déterminer les conditions dans lesquelles Camille LEPAGE a été tuée. Il est possible que les auteurs de ce crime soient retrouvés. Mais qu’est ce que cela va changer? En quoi la mise aux arrêts voire même l’emprisonnement des tueurs de Camille LEPAGE vont-t-il changer quelque chose, alors que l’on sait qu’aujourd’hui, l’insécurité en Centrafrique est d’une dimension telle, que n’importe quel excité peut, de son propre chef, décider de porter atteinte à la vie d’un tiers, tant la confusion installée ne permet plus de savoir qui fait quoi, quand ni comment  ni pourquoi.

L’aggravation de l’insécurité en Centrafrique trouve ses racines dans la paralysie des institutions étatiques telles que l’appareil judiciaire, l’armée nationale, la police et la gendarmerie. Le plus incompréhensible, c’est que les Nations Unies et la France ont eu la gentillesse de croire que la seule présence des hommes de la Sangaris et de la MISCA était suffisante pour dissuader les bandits, des bandits en surnombre,  dont on ne maîtrise même plus les origines.

Aujourd’hui, après six mois de présence dissuasive sur le terrain, la Sangaris et la MISCA n’ont rien changé. Bien au contraire, les milices, qui ont su parfaitement s’adapter à la nouvelle donne sécuritaire, poursuivent leur campagne de terreur et atteignent exactement les objectifs qu’ils se sont fixés. Comment peut-on demander à des soldats venus de l’étranger, qui ne parlent pas les langues vernaculaires des populations rurales des zones où ils sont déployés, de se transformer en démiurges, pour pouvoir deviner les intentions des bandits, que l’on sait, sont généralement mélangés aux populations qu’ils tiennent en otages?

L’insécurité, il faut le dire, est aujourd’hui rendue plus complexe qu’à l’époque des Séléka, où il y avait encore un semblant d’Etat en Centrafrique. Ce qui se passe, c’est que si du temps de DJOTODIA, c’était l’Etat qui avait le droit de d’enlever, de torturer et de tuer des innocents, actuellement, ce sont des groupes inconnus, des milices, des bandits, voire des badauds qui se sont arrogés ce droit et agissent en toute impunité, rendant pratiquement la République Centrafricaine ingouvernable. Face à cette multitude d’assoiffés de sang, des soldats de la mission Sangaris et de la MISCA, perdus. Simplement perdus.

Aussi, on se demande pour quelle raison on empêche le retour des Forces Armées Centrafricaines dont la seule présence dans l’arrière-pays, aurait suffit pour rétablir la sécurité? En temps normal, la gendarmerie et des éléments des FACA seraient lancés aux trousses des tueurs de Camille LEPAGE. Ils seraient même pourchassés jusque dans la forêt s’il le faut. Aujourd’hui, ce type d’opérations est impossible.

Ne demandez surtout pas aux soldats étrangers d’aller dans une forêt dont ils n’ont aucune idée. Et, à la vérité, l’insécurité qui enterre actuellement la République Centrafricaine procède de la volonté de ceux qui pensent qu’il faut isoler les militaires, les gendarmes et les policiers centrafricains. Même si dans la ville de Bangui, on voit de temps de en temps passer des véhicules de la gendarmerie et de la police, avec des hommes sans armes, il faut reconnaître que la RCA est actuellement sans défense, du fait de l’absence de son armée sur le terrain.

L’assassinat de Camille LEPAGE vient peut-être attirer l’attention de la communauté internationale sur le chaos qui se vit en Centrafrique. On a certes le cas de cette journaliste, mais au même moment, sait-on combien d’autres hommes, d’autres femmes et des enfants qui, sans aucune raison sont au quotidien massacrés? Rien que dans la ville de Kaga Bandoro, en moins de dix jours, ce sont des dizaines de morts que les populations ont comptés. Le dernier cas s’est produit dans le village de Dissipou, où des habitants ont été regroupés dans une maison avant d’être brûlés vifs. Ceux qui ont tenté de fuir par la fenêtre ont été abattus.

Pour quelle raison ces pauvres gens sont-ils traités de cette manière? Pourquoi dans la ville de Mala, les Séléka ont tout pillé après avoir massacré des habitants dont les cadavres n’ont même pas pu être enterrés? Pour quelle raison, plus de trois mois après l’installation de Madame Catherine Samba Panza à la Présidence de la RCA, le pays n’arrive toujours pas à installer l’administration, même dans les zones où il n’ y a pas de Séléka et de Balaka qui s’y opposeraient?

Pourquoi même dans la ville de Bangui, ce sont des anti-Balaka qui continuent d’occuper de nombreux commissariats, comme dans le septième arrondissement, alors que ce sont normalement des policiers qui devaient s’y trouver? Pourquoi ou comment se fait-il que le long de l’Oubangui, ce sont des groupes d’anti-Balaka qui continuent de faire régner leurs lois, soumettant les voyageurs à des traitements qui rappellent la période du règne de BOZIZE ou de DJOTODIA?

La réponse à toutes ces question est la suivante: l’Etat n’est pas là! Et pour que l’Etat revienne, il faut qu’il y ait la sécurité. Et pour que la sécurité revienne, il faut que les forces de répression soient déployées. Or, ces forces de répression, que sont l’armée, la gendarmerie et la police sont bloquées et ne peuvent pas être auprès des populations pour les rassurer. Résultat, les bandits sont au paradis. Ils savent qu’aucun soldat de la mission Sangaris ou de la MISCA ne peut prendre le risque d’aller les dénicher dans leurs repères. Ils ont donc tout le temps de s’organiser et de monter des coups qu’ils exécutent froidement, loin, très loin des yeux des soldats étrangers qui ne peuvent que jouer au médecin après la mort.

Camille LEPAGE a bien été assassinée et ce n’est que quelques jours après que son cadavre sera retrouvé par les soldats français. Voilà le schéma type de la sécurité assurée par les troupes internationales en RCA. Ils ne peuvent qu’intervenir, après la gaffe! Entre temps, ceux qui ont gaffé ont le temps de s’évaporer dans la nature. Et quand François Hollande demande aux soldats français de retrouver les assassins de notre consœur, il se trompe. Ces gens savent qu’une journaliste française tuée est un acte qui provoque la réaction de la France. Ils sont peut-être déjà ailleurs, cachés dans les grottes que la Sangaris n’ira jamais visiter.

Ce qui est certain, c’est que d’autres cas, au même où vous lisez cet article, sont en train de se produire. Et le centrafricain en est à se poser la question de savoir, pourquoi s’entête-t-on à bloquer les militaires centrafricains qui se rongent le pouce à ne rien faire? A qui profite le désordre entretenu en République Centrafricaine?

Wandakpando
Quotidien L’Agora

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