Grand format de J.Gréla

GRAND FORMAT – CENTRAFRIQUE, LE DEFI : LA MARCHE VERS LES ELECTIONS

Par Joseph GRÉLA

« Le temps tourne, la population s’impatiente »

Les villageois centrafricains dans les zones occupées par les selekas continuent de supporter et de s’éteindre lentement en silence et sans murmure. Exaspérée, la population centrafricaine a disparu du paysage du pouvoir de la transition, de la pensée première des anti-balles AK qui, à ce jour, manipulent les jeunes, se métamorphosent en véritables ogres, sangsues, impuissants devant les selekas. Les anti-balles AK déguerpissent les lieux dès leurs forfaits commis sur de singuliers musulmans. Ils abandonnent les villageois désemparés, frustrés, qui ne peuvent se réfugier, subir les conséquences de la loi de talion des selekas. Les anti-balles AK ne sont, ni considérés comme les défenseurs auto-proclamés de la population, ni comme les sauveurs ou libérateurs de la nation. Ils contribuent par leur barbarie à l’anéantissement de leur propre famille et avec elle celui du pays tout entier. « Ils sont pires que les selekas », s’enflamme un père de famille venant d’être dépossédé de sa moto et de sa besace. « Rien de comparable », susurre un certain nombre d’observateurs.

De leur côté, les selekas sévissent et intensifient leur propre stratégie de paupérisation des populations. Ils massacrent et continuent de se nourrir du désespoir de ces misérables et du peu qu’il leur reste pour survivre. Les uns et les autres refusent de se faire désarmer malgré le forum de Brazzaville. « D’abord, les selekas, ensuite les anti-balles AK et les apparentés ». « Non ! Les seconds d’abord, puis les premiers »… Un jeu de ping-pong infini s’est installé. Un discours de sourds. Le Centrafrique est pris en tenaille entre les différentes entités armées, malfrats, « anars » et anti-sécurité, des desperados tout court.

Les partis politiques et leurs leaders, quant à eux, ont oublié le sens de leur combat, la source de leur légitimité c’est-à-dire la population, l’électorat. La souffrance de cette population n’ébranle plus ces entités. Son supplice est banal, ordinaire. La transition s’est ingéniée, bon gré, mal gré, à rallonger sa présence au pouvoir en ne s’occupant de rien sinon de la prédation des ressources financières et naturelles. Maintenant, les politiques et les démagogues se réveillent péniblement de la torpeur qui les a ankylosés. Leur langue gelée se dilate, se délie, mais dans le but d’annoncer dans cette cacophonie des sons meurtriers des armes, leur candidature. L’onde de leur voix encore inaudible s’évanouit dans le firmament de ce ciel centrafricain. La population est toujours absente et inexistante dans leur discours. Quelques-uns circulent dans les pays environnants et européens pour se positionner, se proclamer salvateurs, Messie, libérateurs… A chacun son vocable. D’où viennent-ils ? D’où sortent-ils ? Le miracle est-il à venir ? « Telle que se présente la situation, il ne me semble pas que la société centrafricaine serait à elle seule en mesure de faire fonctionner les ressorts de sa reconstruction, sauf à s’appuyer sérieusement sur les potentialités que nous avons décelées à travers cet ensemble d’intellectuels qu’il nous a été donné de rencontrer, entre autre les hommes de culture, la culture pouvant être un vecteur de réconciliation. Deux indices troublants qui attestent cette défaillance des fondamentaux : certains de ceux que nous avons rencontrés plaçaient leurs perspectives d’avenir dans la nostalgie d’une époque révolue, celle de l’empereur Bokassa et par ailleurs on pouvait constater que les seuls leaders jouissant d’une vraie crédibilité ne sont pas les responsables politiques ni les décideurs économiques, mais des hommes de religion, l’archevêque de Bangui, le président de l’Alliance évangélique et le grand Imam de Centrafrique » selon le compte-rendu intitulé « Des rencontres en milieu centrafricain » du 22 au 25 octobre 2014 à Bangui de la délégation conduite par Monseigneur Marc Stenger, Evêque de Troyes, Président de Pax Christi France et Vice-Président de l’Observatoire Pharos. Ce rapport est éloquent et doit piquer les leaders politiques.

Derrière toutes les intentions fallacieuses et électoralistes de ceux qui s’agitent maintenant, aucune stratégie perceptible ne se dégage. Le sort des populations n’est pas à l’ordre du jour. Aucun signe d’unité des partis. Aucun programme concret ou cahiers des charges pour expliquer aux populations leur capacité de gestion ou de la bonne gouvernance, leurs moyens d’action, leur stratégie sécuritaire et leur démarche de la paix et de l’unité. Chacun veut entrer dans cette bataille électorale autorisée ou enclenchée par la communauté internationale avec les mêmes discours de ceux qui ont échoués et brillés par leur inconsistance insolente voire incontinence verbale. Les mêmes charognards, « les chercher à manger » sont à la recherche des « tables de la mangeaille » auprès des candidats fortunés pour devenir non pas des acteurs pétrifiés des idées de leurs leaders mais des griots et des profiteurs sans conviction ou encore prédateurs d’un autre genre.

Le défi des élections : oser la paix

Malgré la situation qui prévaut dans ce pays, la Centrafrique ne peut plus continuer sur le chemin de la transition interminable. Elle doit oser poser le pas devant l’autre, se dépouiller de ses contradictions, de ses divergences qui l’entravent, aller au-delà d’elle-même pour trouver les ressources dignes de la propulser vers sa destinée. Cette ressource est dans la nation, dans la patrie, dans la communauté nationale. Elle doit choisir une des solutions à sa portée avec bravoure : Ce sont les élections. La communauté internationale est fatiguée d’être à son chevet. Elle ne peut plus veiller sur son agonie sempiternellement. Le débit des liquides contenus dans les perfusions internationales pour la maintenir en vie diminue. La Centrafrique doit prendre conscience de sa descente aux enfers, se surpasser pour affronter ce défi : Les élections. Elle ne peut plus reculer.

Des Etats qui ont vécu ou qui vivent des situations semblables ont réagi et pris le train de la sortie en accord avec leurs réalités. De la même manière que certains pays en guerre, tels l’Afghanistan, l’Irak, le Mali, ont élu leurs représentants républicains, de la même manière la Centrafrique doit passer cet examen malgré l’occupation, malgré l’insécurité. La Centrafrique est au pied du mur. En cas d’échec, la communauté internationale ne regardera plus en direction de ce pays qu’elle a tant assisté. Elle sifflera probablement la fin de l’hospitalisation.

Au regard des événements vécus ces dernières années, les élections, l’une des issues de crise, légitimeront le pouvoir de l’élu, assiéront son autorité, lui offriront un peu d’indépendance sur les cendres du pays. Or, des réflexions négatives fusent de part et d’autres : « A l’ouest, les candidats des anti-balles AK seront élus. Au centre et à l’est, les selekas imposeront dans les urnes les noms de leurs candidats. Les zones occupées voteront pour leurs occupants. Les déplacés internes, les registres des mairies détruites… Ce seront des élections non pas au suffrage universel, mais à moitié, au tiers, au quart. Des élections pour les populations de Bangui et quelques grandes villes. Des élections bâclées, à la va vite…des élections tronquées, inéquitables…Certes, « on dort sur la même natte, mais on ne fait pas le même rêve » disent les anciens. La Centrafrique est une pour tous et nous avons un seul rêve : Revivre tout simplement, en sécurité, en paix comme nos grands-parents et parents.

Les défaitistes obstinés, enfermés dans leurs notions de sécurité à tout prix, embrigadés dans une démonstration aux frontières de l’utopie, celle de libération des 623.000km2 que compte le pays avant toutes élections, craignent des élections circonscrites à une minorité des populations libres. Ils ont raison de secouer l’arbre Centrafrique pour attirer l’attention des compatriotes sur leur diversité, leurs tactiques sournoises destructrices, leurs agissements antinationalistes ; pour prévenir des actes contradictoires avant-coureurs. Mais ne pas choisir une issue est une résistance à l’action. C’est l’inaction, l’immobilisme. Dans cette situation, entre l’inaction et action, la réponse explose au visage. C’est l’action. Il faut avancer.Beaucoup de Centrafricains sont en quête de stabilité et de la certitude du lendemain.

Ces élections sont essentielles pour l’avenir du pays

« Le poisson pourri par la tête » dit un proverbe burkina-bé. La tête de la transition est corrompue, infectée. Sachant qu’elle a un pouvoir au contrat à durée déterminée, elle doit s’arrêter, s’évaporer pour que le peuple centrafricain puisse tenter d’asseoir sa destinée. Elle est sous la coupe des nations unies. Elle ne peut donc décider de la direction politique nationale sinon que de se noyer dans la prédation. Elle ne peut, non plus, mener la guerre contre les groupes armés dont elle est déjà complice, dont les revendications sont épuisées.

La Centrafrique est dans les radars des de la communauté internationale qui va prendre le pouls de la maturité des centrafricains à travers ces élections.Celles-ci constituent le dernier test pour la stabilité du pays par le centrafricain.

Les enjeux sont, notamment, énormes et le défi, fondamental : c’est le combat de l’unité ; le combat de concilier les exigences des uns et des autres ; de montrer qu’un scrutin digne de ce nom peut avoir lieu dans un pays dont des régions entières échappent aux autorités, dans un pays qui compte des millions de déplacés.

Le courage doit être l’étoffe du combat du politique centrafricain pour re-instituer la démocratie, la sécurité et la paix. Bancales, nous les redresserons nous-mêmes.

Les défis sont là. Ils existent maintenant et doivent être relevés. Réalistes, acceptons-les.

Joseph GRÉLA

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