LitteratureVos plumes

UNE LEÇON DE NOUS

Par LBP
C’était fin octobre 2019 dans un petit village à l’entrée de la ville de Bouar. J’y étais en mission avec quelques collègues pour. Étant au nombre de quatre, nous nous sommes répartis les zones d’action. C’est ainsi que je me retrouvai dans ce petit village. La première personne à qui je suis allé me présenter était le chef dudit village qui m’a reçu le plus simplement et le plus gentiment possible.
Il était en compagnie de deux de ses notables. Après lui avoir présenté mes hommages, je lui ai expliqué le but de ma mission qui était juste une collecte de données. Il n’était par ailleurs nullement question d’assurer aux personnes interviewées une quelconque aide. Il a accepté de jouer le jeu et a répondu à toutes mes questions sans fioritures en toute franchise.
Nous nous sommes à un moment donné abrités sous sa véranda car il a commencé à pleuvoir. J’avais fini mon interview mais je ne pouvais regagner le véhicule qui m’attendait au bord de la route. J’avais du matériel sensible, dont une tablette et rien pour me couvrir. Je décidai donc de faire un brin de causette en attendant que ça se tasse.
Mais mon hôte me trouvera un imperméable et un casque de chantier pour me couvrir la tête. Et quand je tentai de décliner l’offre en disant que je vais juste courir jusqu’à la route pour rejoindre la voiture dès que l’averse baissera d’intensité, je me vis opposer un véto catégorique.
 » Vous êtes venus en mission. Il est hors de question que vous tombiez malade chez nous ! Je vais vous accompagner jusqu’à votre véhicule. En plus, vous avez des appareils à protéger ». Il me fit comprendre qu’il était inutile de discuter. Ceci malgré mon refus. Il me signifiera que je le vexais en continuant de discuter avec lui.
Nous voici donc marchant sous la pluie. Moi emmitouflé dans l’imperméable sous lequel j’avais enfoui mes affaires et la tête sous le casque tandis qu’il marchait à mes côtés sous la pluie. Sans protection aucune. J’étais mal. Lui souriant et devinant mon embarras : » Vous devez repartir d’ici en bonne santé. Moi ça va. »
Et ce n’est que lorsqu’il m’aura conduit à bon port et se sera rassuré que j’étais au sec dans mon véhicule qu’il repartit, non sans m’avoir souhaité plein succès dans la suite de ma mission, et se couvrit enfin. Mais il était déjà trempé jusqu’aux os alors que moi j’étais aux trois-quarts secs.
J’étais confus et touché par tant de sollicitude. D’autant plus qu’il savait qu’il n’était nullement question d’une quelconque aide ou financement. J’avais été clair dès le départ pour lever toute équivoque. C’était juste une enquête ayant pour but de vérifier la valeur ajoutée des aides octroyées l’année précédente. Et il avait accepté de jouer le jeu sans rien attendre en retour.
C’est aussi ça chez moi ! Des gens simples, dignes et hospitaliers. Des valeurs qui semblent se raréfie mais qui sont toujours vivaces en certains. Comme quoi, il y a du beau en nous qui se manifeste là où on s’y attend le moins. Il y a quand-même une étincelle d’espoir. Tout n’est pas perdu.
Il m’est revenu en mémoire ce que j’avais vécu un soir alors que je marchais comme à l’accoutumée et qu’il a commencé à pleuvoir finement. Le genre de pluie qui va crescendo pour finir en pluie torrentielle. J’étais plutôt loin de la maison. Je me suis donc résigné à chercher à prendre un taxi pour ne pas finir trempé jusqu’aux os.
Alors que j’attendais, une femme qui se tenait à quelques mètres de moi a arrêté un taxi-moto. Ceux qui me connaissent bien savent le peu de sympathie que j’ai pour ce moyen de locomotion dont la plupart des conducteurs sont des chauffards sur deux roues !
Au même moment, une autre moto s’arrête. Mais la dame avait déjà enfourché l’autre. Le motard me demanda ma direction. Je n’étais plus en situation de faire la fine bouche compte tenu de la météo. Je lui ai donc indiqué ma destination tout en lui faisant savoir que je n’avais pas de pièces et que j’espérais qu’il avait de la monnaie.
Il me répondra gentiment qu’il ne cherchait pas de l’argent. Il voulait juste dépanner quelqu’un qui se trouvait sur son trajet. Surpris et confus devant une telle générosité, je montais donc sur le siège arrière. Il me déposera au carrefour le plus proche de chez moi. Je le remercierai tout en demandant à Dieu de le bénir. J’aurai le temps d’arriver à la maison avant le déclenchement de la pluie diluvienne à proprement parler.
Je serai incapable de vous décrire ce frère. Il faisait sombre et nous n’avions pas échangé plus de cinq phrases durant le trajet. Certains diront que c’était risqué, et contre-indiqué question sécurité. Mais comment vous expliquer celà ?
Tout en lui exhalait la paix, la gentillesse. Je NOUS ai reconnu en lui. Nous, ce peuple naguère connu pour son hospitalité, sa gentillesse, sa bonhommie et son sens du partage. Ce « Nous » qui faisait qu’on pouvait, avec la bénédiction des parents, aller passer la journée chez le voisin et rentrer à la maison le soir. La réciprocité étant de rigueur. Nous qui appelions notre prochain mon frère ou ma sœur sans même savoir de quelle région il ou elle venait. Ce genre de pensées ne nous traversait pas l’esprit. L’amour fraternel qui nous unissait était le ciment d’une relation sans arrière-pensée ni calculs. Juste NOUS ! Il y a donc encore de l’espoir pour nous !

Louis-Philippe BANGANZONI

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