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REVUE DE PRESSE : LE TEMPS PRESSE, LAISSEZ PASSER LA MINUSCA

En Centrafrique, « on aura tout essayé ». La première intervention militaire en Centrafrique fut le renversement de Bokassa par l’opération Barracuda dans la nuit du 19 septembre 1979. Ce fut alors la période de « Grâce à Dacko », le début de lente descente mais sûre aux enfers du pays. Après la première mutinerie de 1996, les missions de maintien de paix ont multiplié leur existence dans ce pays, des chrétiens au sud et la minorité musulmane au nord. Le pays a connu alors sa première mission, sur le plan sécuritaire, la MISAB en 1997, le MINURCA en 1998, la FOMUC en 2002, la MINURCAT en 2010, la FOMAC jusqu’en août 2013 en passant par le plan politique, le BONUCA en 2000, la MICOPAX, le BINUCA.

Viendront se greffer à cette liste, la Misca et le Sangaris qui vont bientôt s’éclipser au profit de la Minusca née ce jeudi, 10 avril 2014 à New York, à la maternité de l’Onu, sous l’égide de la France épaulée par le conseil de sécurité assisté de Ban Ki- Moon.

Entre espoir et lassitude, la Minusca est née

Ban Ki- Moon, pour éviter « le chaos sans précédent » en Centrafrique depuis un an, n’a cessé de clamer à l’endroit de la communauté internationale pour la survie de ce pays dans le gouffre : « Le temps presse » a-t-il lancé. Il faut se mobiliser pour empêcher la réédition d’un drame similaire à celui du Rwanda en Centrafrique, livrée à « une épuration ethnico-religieuse ». Des exactions, pillages et meurtres n’ont pas cessé, surtout en province, malgré le déploiement progressif des forces internationales dans l’ouest et l’est du pays.

Malgré les efforts de la communauté internationale, les violences continuent, les exactions se poursuivent. Déjà mardi, au moins 30 personnes, dont une majorité de civils, ont été tuées dans des affrontements entre miliciens anti-balles AK et les Séléka à Dékoa, à 300 km au nord de Bangui, a-t-on appris mercredi, auprès de la gendarmerie locale, rapporté par Afruinfos.

La résolution 2149 de l’ONU et les priorités

Dans ce contexte de violences et de tueries, les 15 membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont adopté, jeudi, à l’unanimité la création d’une force de maintien de la paix en Centrafrique, la MINUSCA, en remplacement de la Misca née le 1er août 2013, pour tenter de mettre fin à la spirale de violences entre les communautés composantes de la population centrafricaine ont rapporté la BBC et l’agence de presse Reuters. La Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en RCA (Minusca) sera composée de 10000 soldats et 1800 policiers prévus par la résolution 2149 de l’ONU. Elle autorise aussi les 2000 soldats français de Sangaris à appuyer les casques bleus. Selon les termes de la résolution, « le plus grand nombre possible » de ces soldats africains de la Misca deviendront Casques bleus après une sélection effectuée par l’ONU. La mission commencera le 15 septembre prochain. Le Figaro, ce jour 10 avril, rappelle que la résolution de l’ONU invite les autorités de transition à Bangui à « accélérer leurs préparatifs de façon à tenir des élections présidentielles et législatives libres et équitables au plus tard en février 2015 », la fin de la mission. Le meurtre de 30 civils fin mars, par des soldats tchadiens à la gâchette facile, a précipité le retrait de ces derniers, mentionne La Croix. Il est acquis, confirme une source diplomatique à New York, que la Minusca n’aura pas de composante tchadienne.

Les priorités de la Minusca seront la protection de la population et des convois humanitaires, le maintien de l’ordre, le soutien à la transition politique, le respect des droits de l’homme et l’arrestation des responsables d’exactions, dont les crimes de guerre passibles de la Cour pénale internationale. La Minusca pourra aussi contribuer à réformer les forces de sécurité locales et superviser l’embargo sur les armes imposé par l’ONU depuis décembre 2013. Selon le journal Libération, pour démontrer le caractère évolutif et exceptionnel de la Minusca, la résolution l’autorise, à titre exceptionnel à adopter « des mesures temporaires urgentes » si les autorités de RCA en font la demande, « autrement dit, d’exercer les pouvoirs exécutifs de police et de justice », a résumé un diplomate.

La correspondante du Monde, Alexandra Geneste, ce jeudi 10 avril, à New York, dans l’immédiat, seule la composante civile de la Minusca (génie, moyens de transport, administrateurs, ingénieurs, juristes), à même d’apporter un soutien logistique, sera déployée. La mission de ces 500 personnes sera de rétablir un minimum d’Etat et d’administration, et de préparer les élections pour février 2015. « C’est un nouveau défi et une opération extrêmement complexe », explique le patron des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, qui rappelle que « toutes les infrastructures ont été rendues inopérationnelles » et souligne la difficulté d’agir dans un pays totalement enclavé, sans accès à la mer, avec peu ou pas de réseau routier, alors qu’approche la saison des pluies.

Le budget annuel de cette opération est compris entre 500 et 800 millions de dollars, ce qui en fait une des plus grosses opérations de maintien de la paix de l’ONU, loin derrière la Monusco en RDCongo.

Dans les colonnes du Figaro, ce jeudi, l’ambassadeur français auprès des Nations unies, Gérard Araud, s’est félicité du vote à l’unanimité de la résolution 2149, qui, selon lui, «change la donne» sur le terrain. Le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Toussaint Kongo-Doudou précise, pour sa part que «ce n’est pas à la communauté internationale de régler nos problèmes, mais elle apportera le cadre nécessaire à notre réconciliation nationale et à un processus politique menant à des élections» présidentielles et législatives en février 2015.

Forces en présence dans le pays

Dans son reportage, du jeudi 10 avril, Laurent Larcher, dans le journal la Croix a tenté de mettre en lumière les forces en présence dans le pays.

L’Armée française « sangaris » avec 1600 puis 400 hommes déployés depuis le 5 décembre 2013. Les troupes françaises sont surtout à Bangui et dans l’ouest du pays. Depuis début avril, elle est dans l’Est. Elle dispose de huit hélicoptères et du soutien des Rafale basés au Tchad. La force africaine, la Misca, désormais sans le Tchad, créée le 1er août 2013, par l’Union africaine, compte environ 6 000 hommes. Les groupes armés : les anti-balles AK, milices d’autodéfense composées de paysans majoritairement chrétiens, de partisans de l’ancien président François Bozizé et de pillards. Puis les Séléka, majoritairement musulmans, qui avaient pris le pouvoir en mars 2013. Ils ont été cantonnés depuis décembre 2013 dans un camp au nord de la capitale. Une partie a fui dans le nord-est du pays. Enfin, les forces centrafricaines composées en ce moment de 400 policiers et gendarmes à Bangui. L’armée centrafricaine n’est pas opérationnelle. Depuis que des militaires, début février, ont lynché un homme suspecté d’être de la Séléka, elle suscite la méfiance des autres armées.

L’Eufor/RCA, enfin sur le terrain

Annoncés depuis 01 avril, selon la Libération et l’AFP, les gendarmes mobiles français, en attendant le déploiement officiel de la force Eufor, ont commencé ce mercredi 9 avril 2014, leurs patrouilles à Bangui, encadrés par des soldats français de l’opération Sangaris. « Il s’agit de leurs premières sorties. Cinquante-cinq gendarmes sont arrivés. Leur premier objectif est le maintien de la sécurité mais aussi la formation des gendarmes locaux», explique le lieutenant-colonel François Guillermet, chargé de la communication de l’armée française à Bangui au quotidien français le Monde. Leur mission est de sécuriser certains quartiers sensibles de Bangui, comme le PK5, l’une des dernières enclaves musulmanes de Bangui et de former des gendarmes locaux. Elle sera pleinement opérationnelle à la fin mai avec 800 hommes.

Toutefois, deux soldats français de la force Sangaris ont été légèrement blessés aux jambes par l’explosion d’une grenade mercredi à Bangui, écrit le journal Ouest France, alors qu’ils voulaient contrôler un homme dans un quartier dangereux de Bangui, quartier combattants à l’entrée du camp Mpoko où sont basées Sangaris et Misca, a annoncé à l’AFP, le chargé de communication de la force, le colonel François Guillermet. « Nos soldats contrôlaient un individu ivre, excité, avec une arme blanche quand il a lancé une grenade. […] Il n’y a aucun souci pour eux », a précisé le colonel.

Vers un dialogue entre les forces en présence

Dans une déclaration rendue publique, mardi 8 avril, sept généraux leaders des Séléka, dont le général Issa Issaka, encore présents dans la ville de Bangui se sont opposés à l’idée de la partition de la Centrafrique, tout en exigeant aux autorités de la transition le début d’un programme de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), a rapporté le RJDH. Abakar Sabone a quant à lui, prôné l’intolérance et la partition du pays. Il ne reconnaît pas l’autorité de ceux de Bangui. Ces leaders ont également mis en place un comité militaire de crise, chargé de défendre leurs intérêts.

Le document, signé par les sept généraux de l’ancienne coalition rebelle Séléka, dénonce toute idée de partition de Centrafrique. Les membres du comité signataire déclarent « abandonner les projets politiques de la coalition pour se consacrer à la question de l’unité nationale ».

De même le Réseau de Journalistes des Droit de l’Homme a souligné dans son article en ligne que, dans la soirée du même jour, des leaders des Anti-Balles AK et des Séléka ont montré leur intention de signer un accord de cessation des hostilités devant les leaders religieux venus des Etats-Unis.

Dans le même ordre des actions, a souligné le réseau, la Misca a renoué le dialogue avec les anti-Balles AK par une « réunion de prise de contact » après les avoir traités d’ennemis de la paix et de « groupes terroristes ».

Abakar Sabone déclare la guerre aux anti-balles AK

Toutefois, Sabone, la réincarnation ou le mutant des seleka crée une nouvelle l’Organisation de la Résistance Musulmane Centrafricaine (ORMC). L’ancien cofondateur du mouvement rebelle UFDR met en garde la France contre toute tentative de désarmer ses hommes et réitère ses menaces de la partition de la Centrafrique dans une interview accordée à Vincent Duhem du Jeune Afrique paru en ligne le 10 avril 2014. Il refuse d’être désarmé dans le but « de regrouper tous les musulmans centrafricains dans la Vakaga où ils doivent élire domicile » a-t-il souligné. « Si la France nous désarme, les anti-balles AK nous massacreront. Cela doit intervenir dans un processus précis, celui du DDR (Désarmement, démobilisation, réintégration). Dans le cas contraire, nous répondrons par la force et la France en sera responsable. C’est la consigne que nous avons donnée à nos combattants. » Sinon, « nous rendrons la Centrafrique ingouvernable », a-t-il asséné. Il a menacé Centrafrique de « somalisation » et a qualifié le conflit en Centrafrique de « confessionnel ».

« La partition existe déjà de fait.
La partition de la RCA dépend de la France » a proféré Sabone

Ces combattants se retrouvent à Kaga-Bandoro, à Sido, à Kabo et la grande majorité dans le Nord-Est, précisément dans la région de la Vakaga, a-t-il précisé au journaliste. Il entend disposer « entre 4 et 5 000 hommes » et exhorte «tous les musulmans, de 18 à 60 ans, à se joindre à lui pour ensemble imposer leur droit ».

Il dément avoir des liens avec les groupes extrémistes comme les Shebab ou Boko Haram. « Nous n’avons aucun lien avec ces organisations. Nous sommes aujourd’hui capables de résister sans elles. Jusqu’à aujourd’hui, aucune force armée musulmane n’a affronté les anti-balles AK. » Il lance un ultimatum d’un mois à la transition, réclame une conférence nationale et le désarmement des anti-balles AK, sinon, a-t-il surenchéri, «nous prendrons nos responsabilités » et ce sera « désormais la politique du talion : œil pour œil, dent pour dent. Nous descendrons vers Bangui et nous nous imposerons par les armes. Nous avons laissé le temps à la communauté internationale de trouver une solution pacifique. Maintenant, nous allons trouver une solution à la centrafricaine».

Enfin, il nie avoir été rencontré Nourredine Adam, il y a quelques semaines au nord du Nigeria.

S’agissant des affrontements de Dékoa, Sabone a assuré au reporter que « les anti-balles AK ont attaqué nos [selekas] positions alors que nous [selekas] étions cantonnés. Nous avons ripostés. La guerre avec les anti-balaka commence ». Il déplore évidemment le retrait du Tchad. « Aujourd’hui, elle [l’armée tchadienne] est devenue un mal pour la République centrafricaine. C’est inadmissible. Nos deux États ont un lien de sang. À l’époque de l’Oubangui, ils ne formaient qu’un seul et même pays ».

« Je veux rester ici »…
« Les musulmans doivent quitter » ou mourir d’inanition

Afriquinfos du mardi 8 avril dénonce la situation des 14000 musulmans, natifs de Boda pour la plupart, piégés dans la ville. Des peuls centrafricains, encerclés par les miliciens anti-balaka, affamés, malades, ne savent pas quand, ni comment, ils pourront échapper au piège infernal. Leur calvaire a commencé le 29 janvier, au lendemain de la fuite des Séléka menacés par les anti-balles AK. Depuis, « Boda la Belle » a basculé dans l’horreur, raconte le journaliste de l’AFP avec Afriquinfos. « Je souffre beaucoup. Pas de maison, pas de manger » explique Saïfou dans son mauvais français. Dans la grange, où, ils sont regroupés, « une femme, bébé dans les bras, soulève sa chemise, presse son sein dont ne sort pas de lait pour expliquer la dénutrition de son enfant. Khadidja Labi, huit enfants, sa mère malade au visage mortuaire, immobile sur sa natte, n’a plus rien » raconte journal devant la désespérance des déplacés.

Elle n’a pas réussi à se faire enregistrer pour une distribution de nourriture du PAM (Programme alimentaire mondial) qui commence au matin. Aura-t-elle une ration ? « Nous, c’est le manioc qu’on aime », s’offusque Karim en colère contre le riz et le maïs…

Assistance matérielle à la Misca

Le RJDH annonce 09 avril que les Etats Unis ont doté la Misca de 36 véhicules militaires comprenant deux ambulances, un camion-citerne, un bus de trente places et des pick-up. Ces matériels viennent s’ajouter aux 100 radios de communication offertes le mois dernier à la Misca. L’ambassadrice des USA, Samantha Power a également promis un autre don de 200 véhicules, qui arriveront prochainement à Bangui.

Enfin, précise le RJDH, une vingtaine de véhicules accompagnés de soldats tchadiens lourdement armés sont stationnés à Kaga-Bandoro, leur état-major. « Ils se sont regroupés dans cette ville pour préparer leur retrait définitif du pays », a souligné une autorité locale.

Ils quitteront prochainement…

Joseph GRÉLA

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