Grand format de J.Gréla

REVUE DE PRESSE : SIBUT, PREMIERE VILLE CAPITALE ANTI-PARTITION

Ce qui se passe en Centrafrique, aujourd’hui, est dramatique

Boganda est à l’agonie. Boganda va bientôt mourir pour la seconde fois. Son idéal, mal assumé par ses héritiers, est en lambeau après une cinquantaine d’années en dents de scie. Bokassa, de son sobriquet, « successeur » mord, non pas ses lèvres dans sa tombe, mais claque ses diverses décorations militaires pour attirer l’attention de la communauté internationale, l’ONU, et surtout celle des centrafricains à se lever et à se sacrifier pour l’unité de la République Centrafricaine une et indivisible.

Pour l’unité, la paix et le non cantonnement des frères musulmans

Dans ce contexte les habitants de Sibut ont manifesté le dimanche 27 avril, contre le cantonnement des déplacés de Bangui qui éventuellement risque de dégrader davantage leur sécurité. Les églises ont fermé leurs portes. Les paroissiens de Ste Famille ont rejoint la manifestation après la messe. Selon une habitante de Sibut jointe au téléphone, ce jour, « les manifestants sont sortis de toute part. Des femmes, des enfants, des jeunes et des hommes ont scandé : ‘Nous ne voulons pas des déplacés chez nous’ ». Beaucoup ont pleuré dans ce vacarme mêlé de cris, de chansons, de tristesse et se sont plaints : « ils vont nous tuer ». Des quartiers Binguiti, Socada, au centre commercial Adrahaman, en passant par la Crapette, les quartiers Isolé, Gossara, Ngao, toute la population s’est dirigée vers le lycée de Sibut, le QG de la Misca gabonaise et de sangaris. « Non au cantonnement, non à la scission de Centrafrique », ont pu entendre tous azimuths, quelques fonctionnaires de la localité témoin de la manifestation. Certaines femmes, selon des sources concordantes habitant Sibut, se sont déshabillées devant les soldats pour maudire les sélékas et leurs cohortes de malheurs et contester les arguments de délocalisations.

Vers les régions dites islamisées ou vers la division du peuple centrafricain

Toutefois, a rapporté Le Monde.fr avec AFP ce dimanche 27 avril, l’exode des musulmans se poursuit. Environ 1300 musulmans, qui se terraient en périphérie de la capitale centrafricaine, Bangui, au PK-12, et étaient fréquemment attaqués par des anti-balles AK, sont partis en masse, escortés par la Misca à destination du nord du pays. Le gouvernement centrafricain, en colère, a dénoncé et qualifié cette opération « unilatérale ». « Alors que le gouvernement n’avait pas encore notifié de décisions », à la suite de deux rencontres avec les organisations humanitaires, « grande a été sa surprise » de constater que ces dernières avaient décidé « unilatéralement » d’organiser cette opération, a asséné la ministre de la santé, Marguerite Samba-Maliavo.

Selon la ministre, les relocalisations sont « effectuées à l’insu et contre le gré du gouvernement ». Elles sont « dommageables » et ne sont « pas de nature à entretenir un climat de confiance », a-t-elle martelé à Afriquinfos avec AFP, ce lundi 28 avril. Les forces internationales n’ont « pas vocation à participer aux opérations unilatérales de délocalisation des personnes déplacées », poursuit-elle, contristée, impuissante, en référence aux militaires africains de la Misca qui ont encadré l’opération en mobilisant un imposant dispositif.

Le journal en ligne Afriquinfos qui a décrit le départ des musulmans du PK-12, a précisé que la ministre a remis en doute « la neutralité et l’objectivité » des partenaires humanitaires dans le pays. De son côté, RFI, a relevé que le gouvernement a été mis « devant le fait accompli », selon la ministre de la Santé

Or, pendant longtemps, la France fut réticente à mettre en œuvre une politique de relocalisation malgré l’instance des organisations humanitaires. Paris, tout comme les autorités de la transition, ne veut pas cautionner et encore moins participer à la logique d’épuration ethnico-religieuse mise en place par les anti-balles AK. Paris et Bangui ont jusqu’alors privilégié une politique de sécurisation des populations et des enclaves qui, selon les humanitaires, a montré ses limites : des heurts, affrontements ou assassinats les communautés. C’est pourquoi selon la RFI de ce lundi 28 avril, les défenseurs des droits de l’homme et les organisations humanitaires ont tiré la sonnette d’alarme, et Paris a suivi. « Désormais, la priorité est de sauver des vies humaines. Lorsque les populations sont en danger, il faut les évacuer, » a affirmé l’ambassadeur de France à Bangui au micro de RFI.

Le gouvernement de transition est accusé de ce qu’il feint d’ignorer la comptabilité macabre et refuse la politique de relocalisation. Il est, selon les humanitaires et les forces internationales, incapable d’assurer un minimum de sécurité en citant l’exemple les dix chefs de bande anti-balles AK arrêtés par la Misca en février dernier et évadés quelques semaines plus tard.

Toute la Centrafrique est la proie d’une extrême violence
Attaque en série dans le nord

Des hommes armés porteurs d’arcs, de flèches, de sagaies sur de chevaux ont envahi les champs, menacé les paysans qui ont assisté impuissants au saccage de leurs champs et à l’assassinat de quatre jeunes hommes tués alors qu’ils récoltaient de la paille dans la région de Goré ville frontalière, selon les informations de RFI du 23 avril. En plus, ces hommes armés, éleveurs peuls mécontents de la mort de l’un des leurs, ont retenu captifs le sous-préfet de Békan et un chef de canton pendant plusieurs heures avant de les relâcher.

Dans la même région et cette fois en Centrafrique, ce lundi 28 avril « des hommes armés assimilés aux Séléka et aux Peuls ont attaqué samedi, en fin d’après-midi, un hôpital soutenu par MSF dans la région de Nanga Boguila, tuant au moins 22 personnes, parmi lesquelles trois Centrafricains employés de MSF et faisant près d’une dizaine de blessés », a déclaré un officier de la force africaine Misca.

La Presse.ca du Canada, La 45ème Nord.ca, la Libération avec l’AFP et la presse internationale qui ont rapporté ces informations, ont précisé que selon l’officier de la Misca, «l’attaque a eu lieu alors que se tenait une réunion regroupant des représentants locaux et les employés de MSF (…) Les assaillants ont d’abord ouvert le feu sur un groupe de personnes fauchant quatre d’entre elles. Puis ils se sont dirigés vers l’hôpital où ils ont tué 15 autres personnes […] Ils ont emporté des ordinateurs et de nombreux autres biens, fracassant des portes des locaux probablement en quête d’argent ».

MSF Pays-Bas a confirmé la mort de ses trois collaborateurs. «La seule chose que nous pouvons confirmer, c’est la mort des trois membres de notre personnel à Nanga Boguila», a déclaré sans plus de détails à l’AFP Samuel Hanryon, porte-parole de l’ONG en Centrafrique. Pour sa part, Stefano Argenziano, chef de mission de MSF en Centrafrique, cité dans un communiqué a déclaré au nom du MSF : « nous sommes extrêmement choqués et attristés par la violence brutale utilisée à l’encontre de notre personnel médical et de la communauté », a relevé  45ème nord.ca ajouté par Jacques N. Godbout, ce  28 avril. « Ce tragique incident nous a obligés à réduire notre équipe et suspendre nos activités à Boguila», a-t-il précisé.

En déroute, la rébellion Séléka, renforcée par les musulmans délocalisés peuvent continuer à nuire à cette «région qui n’est pas totalement sécurisée » et qui est sous sa domination. Cette région a été le théâtre de nombreuses violences, notamment communautaires, entre les Séléka, musulmans pour la plupart et majoritaires dans le nord, et les anti-balles AK, qui avaient fait plus de 150 morts et provoqué la fuite de près de 45.000 personnes, en août et septembre 2013.

En sens inverse, des milliers de musulmans ont quitté ces derniers mois la capitale Bangui pour se réfugier dans le nord et le centre du pays, créant une partition de fait de la Centrafrique, un pays chrétien à 80%, ont souligné les médias précités. Toutefois, un déploiement dans ces localités du nord, ne devrait toutefois pas intervenir avant septembre, mois de l’arrivée des casques bleus en Centrafrique.

La France qui intervient militairement depuis décembre en Centrafrique livrée au chaos a «condamné fermement» la tuerie. «Les auteurs de cette attaque intolérable devront répondre de leurs actes devant la justice», a déclaré lundi le ministère des Affaires étrangères, à l’AFP.

Les cent jours de Samba Panza et ses technocrates

Dans son numéro n° 2781/82 du 27 avril au 10 mai 2014, Jeune Afrique par son reporter Vincent Duhem a titré : « Charivari à Bangui » pour décrire les rivalités au sein de l’exécutif,  l’administration  déliquescente et l’économie paralysé de Centrafrique à l’occasion des cent jours du gouvernement des « technocrates ».

Selon les observations du journaliste la magie de l’instinct maternel a cessé de s’opérer. Le pays est à l’arrêt et au bord de la scsission. « Rien avance. Il n’y a pas de ca politique ». L’espoir de la Centrafrique s’est envolé avec celle que l’on croyait  « la seule capable de panser les plaies d’un pays ravagé par les bandes armées et les violences interconfessionnelles ».

Vincent Duhem précise dans son reportage que la situation économique du du pays est dégradée et particulièrement inquiétante. L’essentiel des taxes est perçu par les groupes armés (antiballes AK et seleka). Les recettes de l’Etat ne dvraient pas atteindre les 2 milliards de francs cfa soit 3 millions d’euros pour le mois d’avril. « Il n’y pas de structures, pas d’administration. Le pays est entrain de couler… La gestion des finances publiques est floue, la liste des fonctionnaires n’est pas toujours à jour ». Pour tout cela, avant de reprendre ses activités à Bangui, le FMI demande des garanties

Le journaliste constate par un proche de la présidente un manque d’expérience politique : « Elle ne dispose pas d’un entourage soudé, à même d’expliquer. son message et de mettre en œuvre sa politique. Il manque dans son équipe une personnalité dotée d’une forte capacité de réflexion » a souligné un proche du pouvoir. « C’est une femme seule qui n’a pas les instrumentspour diriger, son gouvernement est faible, les forces de défenses et de sécurités sont inexistantes » poursuit ce proche. Démafouth, ex-rebelle et ancien ministre de la Défense de Patassé, s’est engouffré dans cette brèche pour gagner de l’influence et outrepasser les limites de sa fonction actuelle de ministre-conseiller à la présidence chargé des relations avec les forces internationales.

Le couple Samba Panza-Nzapayéké

Le constat du journaliste demeure sévère. Le tandem a montré ses limites aussi par la dégradation de leurs relations à la tête de l’exécutif. Leur pouvoir est établi sur la base des accords de Libreville signés en Janvier 2013. Mais « à plusieurs reprises, la présidente a contesté l’autorité de son premier ministre Nzapayéké qui se trouve réduit au rang de simple collaborateur. » A la confusion, la présidente de transition a créé un gouvernement bis de 20 conseillers souvent ministre. Son premier ministre n’a pas lésiné à disposer d’un cabinet autant que la présidente. « Résultat : L’action gouvernementale est paralysée par d’incessantes rivalités. » Un profond lifting du gouvernement s’impose suite aux critiques émises sur « le manque d’implication et les incompétences de certains ministres ».

Les faiblesses de la présidente de transition

Un accord tacite aurait été conclu à Ndjamena à la démission de Djotodia. Madame Samba Panza qui n’était pas à Ndjamena n’ « entrait pas dans les plans des chefs d’Etat de CEEAC qui voulaient tous être des leaderships ; aucun des parrains du processus de transition n’imaginait qu’elle serait élue » explique un diplomate européen.  Selon le journaliste « A Ndjamena, un accord tacite a aurait été conclu entre les différents protagonistes, prévoyant que si un chef de l’Etat chrétien était élu (ce qui est le cas de Samba Panza), le premier ministre devrait être un musulman. Depuis la nomination de Nzapayéké, Déby boude et l’a clairement fait comprendre à Samba Panza, mi-février, lorsqu’elle est venue en visite officielle au Tchad ».

On doit comprendre ici les véritables raisons du retrait du contingent tchadien et suivi du départ des troupes soudanaises avec lesquelles le Tchad formait une force tripartite.

Une autre faiblesse de la présidente de transition vient de la presse qu’elle « accuse de présenter son action de manière tendancieuse ». L’arrestation des journalistes de Palmarès et du Peuple poursuivis pour un article jugé diffamatoire, pour outrage, diffamation et incitation à la haine n’icite pas à l’optimisme.

Le lynchage public, en février, d’un militaire par ses coreligionnaires, à l’ENAM, a terni définitivement le visage de son pouvoir et a affaibli son autorité vis-à-vis de la communauté internationale.

Le manque de clarté dans ses relations avec les responsables autoproclamés des anti-balles AK dont Ngaïssona a encore enfoncé la présidente de transition madame Samba Panza. En effet, interpelé par la Misca en possession de mandat signé par le procureur de la république Grézenguet, à sa sortie du Palais de la Renaissance, Ngaïssona qui devrait être détenu, est simplement, après plusieurs heures d’interrogatoires, placé en liberté provisoire avec obligation de pointer à la gendarmerie chaque semaine, le mardi et le vendredi, a commenté le journaliste de Jeune Afrique.

Le double jeu dont le pouvoir est habitué se retourne aujourd’hui contre lui-même. Malheureusement, il emporte dans son sillage les centrafricains sans se soucier de la partition qui le guette.

Joseph GRÉLA

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