idée c/ idée de a.Lamessi

LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE N’EST PAS LE KOSOVO

Ce n’était pas une hypothèse. Mieux que cela : c’était une thèse qu’il fallait marteler à tout le monde. La grille de lecture était connue d’avance : en République centrafricaine se déroule une guerre de religions entre les chrétiens et les musulmans. Même les multiples dénégations des Ministres du culte que sont l’Archevêque de Bangui, Monseigneur Dieudonné Nzapalaïnga, Pasteur Nicolas Grékoyamé et l’Imam de la mosquée centrale de Bangui Kobiné Layama sur les plus prestigieuses tribunes du monde n’ont assurément pas suffit à convaincre. Pire, les accoutrements plus que folkloriques des Anti-balakas bardés de gri-gris confectionnés, comme par hasard, par des marabouts musulmans, n’ont pas modifié d’un seul iota la perception biaisée des observateurs superficiels de la réalité centrafricaine. Ils ont décrété une fois pour toutes que les Anti-balakas étaient une milice chrétienne.  Blaise Pascal n’avait-il pas déjà reconnu depuis le XVIIe siècle : « vérité en-deçà des Pyrénées et erreur au-delà » ?

La République centrafricaine n’est ni le Kossovo, ni la Serbie

Ce qui se passe aujourd’hui en République centrafricaine est sans commune mesure à aucune autre crise dans le monde tant par ses causes que par son modus operandi. Par conséquent, il est illusoire d’amener dans les mallettes des soit disant experts internationaux, des solutions toutes faites et clés en mains, que l’on doit appliquer sans le moindre discernement, c’est à dire sans prendre en considération les contingences historiques, sociologiques et même tout simplement psychologiques. Ce n’est pas sérieux.

La République centrafricaine n’est pas le Kosovo. Elle n’est pas non plus la Serbie. Même si par une espèce de généralisation abusive, on veut y voir des traits communs, cela reste après tout une simple illusion d’optique. Ce n’est pas bien grave : des verres correcteurs peuvent y remédier. En effet, le truculent Slobodan Milosevic, en supprimant l’autonomie du Kosovo en 1989, poursuivait un objectif précis : chasser du Kosovo les musulmans Albanais, pourtant très majoritaires, pour le faire repeupler par les « vrais Serbes ». Pour atteindre cet objectif, il a eu recours à la stratégie de l’épuration ethnique. En effet, pour lui un Kosovo pur et ethniquement nettoyé pouvait justifier les atrocités innommables commises sur les Albanais. Cela rappelle de triste mémoire, l’enfer imposé aux juifs par Adolf Hitler, pendant la deuxième guerre mondiale.

La guerre des « va nus pieds » que nous imposent les hommes Cro-Magnon en République centrafricaine n’est pas comparable à la guerre du Soudan qui a opposé des décennies durant des Noirs du Sud aux Arabes du Nord. Il n’y a aucun parallèle entre la crise centrafricaine et la guerre du Mali, de la Côte d’ivoire, du Libéria, de la Sierra Léone, du Rwanda, du Tchad, de l’Ouganda, du Congo, de l’Angola. Par conséquent, on ne peut y plaquer des solutions qui ont fait fortune ailleurs. L’originalité de la situation nécessite une approche singulière.

En même temps, constatons pour nous en émouvoir la passivité déconcertante des acteurs nationaux qui attendent tout, absolument tout de l’extérieur y compris les mesures à prendre pour éviter le suicide collectif. Nous avons scruté l’horizon en vain. Nous n’avons pas vu le début du commencement de la moindre stratégie de sortie de crise proposé par le Gouvernement. Pourtant c’est sur ce point qu’il est attendu. Au lieu de quoi, on zozote au sujet du remaniement. Serions-nous à ce point atteints du syndrome de la mélancolie, cette forme de dépression psychotique ?

Les déplacements internes, pour sécuriser les victimes ?

Qui de la Séléka et des Anti-balaka a commis plus de crimes ? Lequel de ces deux groupes de bandits est-il responsable de plus de morts ? Combien y a-t-il de déplacés internes dans les églises et autres centres à Bangui et en provinces ? Combien y a-t-il de centrafricains qui ont trouvé refuge dans les pays voisins ? Combien de maisons ont été détruites ? Combien de magasins, de boutiques et d’entreprises ont été saccagés ? Combien de personnes qui veulent bien rentrer chez eux mais qui n’ont plus de maisons parce que détruites par les voisins ? Toutes ces  questions pourtant simples ne sont pas si saugrenues que ça pour peu qu’on ait de la considération pour les victimes. Malheureusement, il est quasi certain qu’aucun service de l’Etat, pour ce qu’il en reste, n’ait pris un peu de temps pour renseigner ces statistiques pourtant cruciales dans l’hypothèse d’une tentative de réponse à apporter. Tant pis pour la postérité, on se contentera des conjectures.

Nous voyons déjà venir les démons de la division avec leurs gros sabots et leurs cornes fourchues. Il utilise des théories fumeuses pour justifier l’injustifiable et défendre l’indéfendable. Des théories mal conçues et des convictions manifestement hostiles à l’intérêt du peuple centrafricain mal dissimulées, on en vient à imaginer dans certaines officines que la partition de la République centrafricaine serait la solution idoine à la crise. Au nombre de ces théories, rappelons la bien connue « théorie de deux nations » qui a prévalu en Inde. En effet, postulée par la ligue musulmane, la théorie des deux nations a contraint le colonisateur Britannique à consacrer la partition de l’Inde, le 15 août 1947, en deux Etats : l’Inde et le Pakistan. L’une Hindoue, l’autre Islamique. Cette division a donné lieu à un gigantesque transfert des populations : 6 millions de musulmans ont quitté l’Inde pour le Pakistan et 4 millions d’Hindous ont quitté la Pakistan pour l’Inde. A son tour, le Pakistan se divisa en deux en 1971 et donna naissance à l’Etat de Bangladesh.

Il n’est pas vain de préciser que le transfert des populations civiles peut être utilisé comme une arme de guerre. Il est souvent utilisé comme moyen de créer des sociétés culturellement, politiquement et ethniquement homogènes. D’où notre scepticisme par rapport au transfert des musulmans de Bangui à Bambari. Nous mettons sérieusement en doute la sincérité de cette démarche qui vise plus à accréditer la thèse de la division du pays. Aucune organisation internationale, quelle qu’elle soit, ne peut venir dans un pays, même à terre comme la République centrafricaine, faire ce qu’elle veut, comme elle veut, quand elle veut. Par décence, on doit respecter notre souveraineté malgré notre faiblesse provisoire.

En cas de conflit, le transfert des populations civiles d’un endroit à un autre est bien réglementé par le Droit international. Il doit être réfléchi et organisé avec l’accord express et en collaboration très étroite avec les autorités du pays et surtout avec l’accord librement consenti des personnes concernées. Peut-on aujourd’hui dire que toutes les personnes déplacées sont toutes consentantes ? A-t-on tout tenté pour les maintenir dans leur lieu de vie ? Qu’a-t-on fait pour les protéger et qui n’a pas marché ?

La preuve que cette opération, qui frise à tout le moins le mépris et l’arrogance, est mal conçue et dans la précipitation, c’est qu’une fois que les personnes sont parties, leur maison est systématiquement détruite et leurs biens pillés. Qui en est responsable ? Qui va les dédommager ? Où est-ce qu’ils reviendront dormir à leur réinstallation ? Sur le territoire centrafricain, la liberté d’aller et de venir, la sécurité de chaque citoyen est sous la responsabilité unique et exclusive du Gouvernement centrafricain. Le contraire n’est pas admissible.

Tels des charognards, ces mystificateurs poussent à la multiplication des cadavres pour mieux dépecer notre pays moribond. La synchronisation des évènements et des actes barbares ne laisse pas de place au hasard : Rapatrier en masses les étrangers musulmans de Centrafrique dans leur pays d’origine et transférer des musulmans centrafricains de Bangui à Bambari sont les deux faces d’une même opération dont le but avoué est l’exagération de la victimisation de la communauté musulmane. Ensuite, la décapitation ciblée de certains musulmans du KM5 qui ne veulent pas partir, les assassinats des soit disant chrétiens de Bouca, de Paoua, de Markounda et des membres du MSF par des colonnes qui viennent d’où on sait désormais, ainsi que des tirs sur le convoi des déplacés vers Bambari participent de la stratégie du chaos exécutée par les partisans de la division de la République centrafricaine. Ils veulent dramatiser à outrance la réalité pour justifier l’impossibilité de faire cohabiter musulmans et chrétiens. C’est clair comme l’eau de roche. A tous ceux qui veulent nous diviser pour mieux régner, opposons-leur l’unité nationale, la paix et la réconciliation.

Que Dieu bénisse la République centrafricaine !

Alain LAMESSI 

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