À vous la parole

POÈME: PAROLE DE MORT AUX VIVANTS DE CENTRAFRIQUE

C’était, il y a quelque temps.
Des hommes m’ont fait fuir.
Rattrapé et fait prisonnier,
Ils m’ont tué.
Je suis « MORT »,
Je n’ai, plus droit de cité
Sur la terre des vivants.
J’ai mon monde,
Un monde où tout n’est qu’Amour.

Jeté à l’eau
J’ai réuni tous les êtres des fonds des eaux.
Mon corps leur a servi de repas de fête.
Rassasié, chacun s’est blotti
Dans son coin pour le repos.
Les petits poissons peuvent
Désormais nager à la surface
Sans craindre les carnassiers.
J’ai apporté la paix au fond de l’eau.

Abandonné dans la brousse
J’ai dégagé une odeur forte
Une invitation aux bêtes sauvages,
Oiseaux du ciel, fourmis, vers de terre.
Ils se sont bien régalés
En compagnie du grand concert des mouches.
Les carnivores n’avaient pas à courir après leurs proies.
Il régnait un calme jamais connu dans la jungle.
Les êtres des airs et de la terre, je les ai réunis.

Entassé avec d’autres dans une fausse commune,
Que les vivants nous ont creusée,
Nos chairs se sont fondues, mêlées les unes aux autres
Coulant à travers nos squelettes.
Sans le savoir, les vivants nous ont permis
« Le vivre ensemble ».
Si un mot pouvait encore sortir de mon gosier,
Ce serait « AMOUR »
Qui a pour socle : compréhension, respect, pardon.

J’ai un désir ardent d’apprendre aux vivants
A s’assoir pour se parler et se comprendre,
A s’accepter et à se respecter,
A dire comme dans le livre des chrétiens
« Je pardonne à l’autre, car il ne sait pas ce qu’il fait ».
Les vivants ne peuvent ni me voir ni m’entendre.
Rassemblés pour me voir et m’écouter,
Ils se bousculeraient pour se faire des places de choix,
Et me prendraient pour musulman ou pour chrétien.

Comment arriverai-je ?
M’incarner ou attendre la résurrection des morts ?
L’incarnation me prendra beaucoup de temps.
Des choix de parents,
Une ethnie, un groupe religieux,
Et le temps de grandir
Acquérir des connaissances…
Les vivants d’aujourd’hui seraient trop âgés
Ou auraient déjà fait le grand voyage.

La résurrection des morts,
Même Jésus ne sait pas quand.
Un enseignement ne sera plus possible.
Le verdict est tombé,
Et il est irréversible.
Chacun a choisi son camp
Et le choix est confirmé.
C’est maintenant qu’il faut parler
Aux vivants de ce qu’ils ignorent.

Je veux parler à mon frère le musulman
Qui dans sa prière lève les mains vers Allah
Et se prosterne devant lui pour dire sa soumission ;
Je veux parler à mon frère le chrétien
Qui se frappe la poitrine pour dire son « Mea culpa »
Et en silence scrute la miséricorde de Dieu, le Père ;
Je veux parler à mon frère le centrafricain
Qui ne sait de quoi demain sera fait ;
Je veux parler dans le silence du cœur de chacun.

En silence, et dans le silence du cœur
Je veux dire : « Amour »
Qui invite à poser le premier pas
Pour accueillir à bras ouverts
L’autre Amour qui vient à la rencontre
De l’Amour qui attend l’Amour,
Seul et unique prix pour la paix
Et le vivre ensemble
Sur la terre des vivants.

Parole de mort aux vivants de Centrafrique.

Pascal TONGAMBA
L’homme aux cheveux blancs

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page