À vous la parole

RECIT DE LA MESAVENTURE DU CAPORAL MADIBAYE

Il était une fois dans la Lobaye un petit village du nom de Gounga aux environs de la sous-préfecture de Manghoumba, où vivaient de paisibles populations de cultivateurs, pécheurs et chasseurs.

Pour des questions de sécurité, un détachement militaire séjournait également dans cette localité séparé de la République démocratique du Congo par le fleuve Oubangui.

Une nuit de pluie diluvienne, vers 9H du soir, pendant que le ciel avait couvert la terre de son immense manteau noire, un événement inhabituel allait perturber la quiétude de ce paisible village. Il faisait si sombre dans cette région forestière, que du coup, la visibilité s’en trouvait réduite  à ces heures. L’on pouvait apercevoir néanmoins au loin, le reflet que renvoyaient des flaques stagnantes d’eau de pluie située devant les cases, comme l’on pouvait aussi entendre au loin les vagues se briser sur les rochers.

Il se trouve que l’armée centrafricaine avait lancé une vaste compagne de recrutement dans les préfectures, sous-préfecture, communes et villages de toute la République centrafricaine, et tous les jeunes, majeurs et aptes de ce village attendaient ce jour pour intégrer l’armée.

A l’évidence le village de Gounga est difficile d’accès et quand l’équipe chargé de recrutement se rendit compte qu’en plus de devoir impérativement traverser la rivière Lobaye, le parcours serait difficile, ils décidèrent de ne plus se rendre dans ce village et de se rabattre sur une autre commune environnante et par conséquent les jeunes de Gounga ne seront jamais recruté à cause de leur emplacement géographique.

Quand ils eurent echo de la nouvelle, les jeunes ont décidé de se mobiliser afin d’attirer l’attention des autorités locales sur leur situation. Face à la passivité de ces dernières, ils interpellèrent le lieutenant Kembi Pountou chef du détachement militaire à Manghoumba pour avoir des explications sur le fait que les recruteurs ne soient pas venus dans leur village.

Dans cette nuit noire, le lieutenant n’eut même pas le temps de prononcer un seul mot qu’il fut encerclé par les jeunes se faisant de plus en plus menaçant. Pris de panique, il a appela ses éléments en renfort afin de le sortir cette situation difficile.

C’est ainsi que le caporal Madibaye qui essayait de pousser les jeunes gens pour permettre au lieutenant de se dégager, poussa violemment par erreur le chef du quartier qui tomba.

Furieux de voir leur chef du quartier à terre, les jeunes voulaient absolument en découdre avec le caporal. Le chef du quartier s’interposa, mais c’est peine perdu.

C’est l’émeute, les jeunes reprochent par ailleurs au sous-préfet dont la résidence se trouve à peine à quelques kilomètres de la base des militaires de ne rien faire pour les aider.

Ils entamèrent un sit-in devant la base des Faca en chantant l’hymne nationale accompagné des lancers de pierres sur les toits des maisons et ce, jusqu’au matin.

Le lieutenant Kembi Pountou, malgré ce vacarme assourdissant, a su contenir ses hommes à qui il intima l’ordre de ne surtout pas réagir afin de ne pas envenimer la situation.

La nuit suivante les sages du village se réunirent en présence du chef Ikoumba Omokozoyen du village voisin qui a la réputation d’être un très grand sorcier, et de quelques jeunes initiés à la sorcellerie et arts occultes, pour décider de la sentence du caporal Madibaye dont le geste bien qu’involontaire doit être sévèrement réprimé.

Après un vif et houleux débat, la sentence tomba : le caporal Madibaye ne mérite pas la mort car il n’a pas fait exprès.

Mais cette décision fut prise contre l’avis des jeunes initiés qui considéraient cela comme une double humiliation et quoi qu’il en soit, pour eux le caporal ne mériterait rien d’autre que la mort.

Face à l’inextricable situation, l’état-major décida de rapatrier le caporal à Bangui mais les jeunes mis au parfum lui promirent la mort dans les deux jours suivant son arrivée à Bangui si jamais il acceptait de partir.

Les sages pour apaiser les tensions, proposèrent au chef du détachement des solutions. Soit laisser partir le caporal Madibaye sur Bangui et il mourra dans deux jours. Soit, il reste dans le village mais les jeunes vont continuer à manifester. Donc le lieutenant doit choisir : Perdre un élément pour la paix ou le laisser dans la ville avec des troubles.

C’est là dans cette situation qui paraît sans issues que l’ex beau-père du caporal Madibaye, chef d’un autre village voisin, qu’il avait par ailleurs aidé à construire sa maison, lui proposa de venir rester quelques temps chez lui sous sa protection. C’est ainsi qu’il aura la vie sauve.

Un bien fait n’est jamais perdu. Jusqu’aujourd’hui le caporal Madibaye vit toujours

Eric MATSHIKOHO

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