Libre opinion

LE TRIBALISME COMME ARME ÉLECTORALE DU POLITIQUE EN CENTRAFRIQUE

Par Passi Keruma

Le tribalisme tel que défini

Le tribalisme, comme sentiment d’appartenance à une tribu, c’est à dire à un groupement humain ayant en partage une même culture fondée essentiellement sur la langue, est un phénomène culturel régulier, tout à fait normal. Il traduit en chaque homme la conscience de l’identité qu’il porte et des devoirs culturels et moraux liés à cette identité. Du strict point de vue où il concourt à l’affirmation d’une identité culturelle, le tribalisme n’est en rien un vice, une tare.

Le tribalisme devient un danger, en revanche, quand on valorise son identité propre, sa tribu ou son ethnie au détriment de celles des autres lorsqu’on accomplit son devoir civique. Lorsque les ralliements politiques se font sur la base de la commune appartenance linguistique, par-delà les programmes et les principes idéologiques – s’il en existe vraiment – cela ne peut avoir d’autre nom que le tribalisme ; Lorsque l’adhésion à un parti politique se fait par référence au seul critère de l’origine socioculturelle ou provinciale, cela ne peut avoir d’autre nom que le tribalisme ; Lorsqu’on prête à l’auteur d’un article des intentions qu’il n’a pas, ou des propos qui ne sont pas les siens simplement parce qu’on le soupçonne – sans preuve de surcroit – d’être d’une autre tribu ou ethnie, cela ne peut avoir d’autre nom que le tribalisme.

Le tribalisme, faiblesse électorale des politiques 

Pendant les échéances électorales, il est indécent de constater que le tribalisme  s’érige comme une arme au service de certains candidats à la présidentielle. Le candidat se réconcilie avec sa base constituée d’hommes, de femmes appartenant à son ethnie. Cette survalorisation de sa propre identité pendant les échéances électorales est un obstacle à la démocratisation car contraire à la culture de l’acceptation de la différence d’autrui et de l’alternance pacifique du pouvoir.

Cela dénature l’identité sociale, nourrit les ressentiments car le pouvoir à base tribale ou ethnique conduit à l’exclusion politique et économique des autres tribus ou ethnies éloignées du cercle du pouvoir. Ainsi dans un contexte de rareté des ressources et méfiance généralisée, le tribalisme conduit chaque groupe à voter sur une base ethnique afin de placer leur représentant dans les rouages de l’appareil étatique. Ce faisant, il en découle une sorte de détourner l’élu vers son ethnie au détriment du reste des autres factions. Il en découle aussi une sorte de course effrénée à l’appropriation de l’État car c’est le seul moyen de contrôler les ressources publiques et s’enrichir.  D’où l’émergence d’une économie fondé sur le clientélisme et la corruption.

Dans toute démocratie, comme l’a fait savoir Pr Ngoï Ngalla « l’ethnie est un état fragile qui reste en permanence exposé à l’explosion des violences des pluralismes qui s’adaptent mal ». C’est le cas permanent bien connu en Centrafrique. Et cela s’est fait voir lors des élections du 1° tour où l’ethnisme a nourri chez certains compatriotes des passions déréglées. Il fallait que ce soit leur candidat qui sort vainqueur et rien d’autre.

Le tribalisme, un obstacle à la cohésion sociale

Généralement, dans les pays occidentaux, les partis politiques réflètent les clivages idéologiques de la nation et recoupent dans une certaine mesure la structuration en groupes socio-professionnels. En Centrafrique, les partis politiques sont caractérisés par de particularismes ethniques ou régionaux. Il est déplorable de constater que ce sont les politiques soit-disant « intellectuels » qui alimentent cette expression politique tendancieuse.

Par conséquent, il semble que le loyalisme tribal, lorsqu’il resurgit, vient masquer souvent d’autres sentiments ou des formes d’intérêts qui sont abusivement confondus avec lui. Cela devient une cohésion politique du régionalisme, engendre la fragilité de la solidarité nationale.

C’est pourquoi, des agitations tribales ou ethniques autour des deux candidats Dologuélé etTouadéra ne peuvent que nous ramener à la case départ. Le serpent de mer n’est pas mort. Il s’exhibe encore dans ce paysage électoral.  Nous souhaitons, pour cette élection et pour l’avenir de notre pays, un « dépassement régional ». Car, une nation moderne doit se modeler autour d’un vaste ensemble ethno-culturel. Un parti politique doit s’imposer à une multiplicité d’ethnies sans particularisme agressif, comme ce fut le cas dans le passé en République Centrafricaine.

En guise de conclusion, il faut dire que les Centrafricains doivent admettre qu’une « ethnie », une « tribu » est d’abord une entité culturelle et sociale qui permet l’identification d’un peuple. Cette notion est certes fragile, manipulable au grès des politiciens, mais les centrafricains doivent demeurer  vigilants pour que  « vouloir vivre ensemble » l’emporte sur la haine tribale.

Passi Keruma
Militant de la liberté

 

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