Libre opinion

A QUI LA FAUTE? TRADUIT EN FRANÇAIS

En voilà un titre accusateur qui met le doigt là où, ça fait mal.

Cette chanson apparaît sous forme d’une tragédie dont les acteurs sont les centrafricains eux-mêmes, toute génération confondue. La chanson balaye, met en évidence nos propres carences. Castigat ridendo mores. Elle châtie nos mœurs, nous fait rire, nous fait danser, et nous interpelle. En même temps que la chanson nous distrait, elle nous plait et nous instruit dans un langage facilement accessible à tous en nous plongeant dans notre histoire, en nous renvoyant à notre image. A un retour sur nous-mêmes. A nos écarts de conduite.

Jmc Quartier Libre scrute, recense et critique nos gestes, nos envies, notre vie mondaine insouciante, nos réalités dans les quartiers, les administrations et nos plaintes, dans un dialogue éloquent, emphatique tel un rhéteur dans l’arène, tel un orateur devant une assemblée.

L’artiste nous révèle ces mœurs ancrées dans le népotisme, de régionalisme, la corruption, la camaraderie ; autant d’épines de roses acérées qui ont engendré la mauvaise gouvernance ; les mauvais préceptes qui ont commandé notre pays et l’ont conduit sur les voix de violences, de la jalousie, de la division.

A qui la faute ? Mais qui accuser ?

Comparable à une fable, cette chanson, porteuse de message de morale déshabille ou plutôt dépouille notre conscience. Un conte qui raconte notre société. JMC intente le centrafricain en justice devant le tribunal de sa conscience. Chacun y trouve sa part de responsabilité.

JMC procède ainsi à un nettoyage des écuries d’augias qui sont enfouis en nous et qui animent quotidiennement notre existence.

Il veut révolutionner, actionner la rupture et former notre jugement sur notre propre comportement vis-à-vis des biens de l’Etat, des biens d’autrui, et de la productivité, source de salaires. Un châtiment moral, verbal, dans une mélodie suave et somptueuse qui trouble l’ordre de notre vécu. Cette tribune est une littérature qui, à la fois, accuse la mémoire collective mais la défend et la protège par les conseils. JMC impose ainsi un message de transfiguration de nous-mêmes et de notre environnement.

Aimer cette chanson, c’est vouloir comprendre le centrafricain, l’apprivoiser et le connaitre. Ce n’est pas une vengeance que de dénoncer et de corriger nos mœurs, nos maladies. L’artiste nous humilie dans cet air envoûtant, superbe mais entreprend de nous guérir de nos maux, de détruire la barbarie de nos cœurs.

Qui n’a pas aimé cette chanson, ce feu de grande pureté qui suit ?

Orchestre JMC Quartier Libre (Bangui)

A qui, la faute ?
A qui, la raison ?
Mais qui, accuser ?
Les problèmes de ce pays dépassent mon entendement
C’est pourquoi je me plains
Les problèmes de ce pays dépassent ma pensée
C’est pourquoi je pleure
Que ce soit la hiérarchie descendante, ascendante
Chacun a sa part de responsabilité
A qui, la faute ?…
Centrafrique est un beau pays comme les autres
Avec ses diamants – beaucoup d’or
De l’eau et de la forêt – de beaux arbres de la forêt
Qui rapportent de la devise dans la caisse de l’Etat
Pourquoi tant de souffrance pour percevoir son salaire
Les fonctionnaires peinent – Leur unique paire de souliers démodés
Les retraités ayant longtemps cotisé
Les payer, est un calvaire
Ces retraités meurent devant le trésor public
Pitié !
A qui, la faute ?…
Vous n’accusez que le gouvernement
Ce n’est pas que la faute du gouvernement
Vous, aussi les fonctionnaires
Vous savez, Dieu a dit : « Tu souffriras et mangeras à la sueur de ton front »
L’apôtre Paul a ajouté : « Qui ne travaille pas, ne mange pas »
Tu ne passes que 30 minutes au bureau
Tu laisses des consignes au secrétaire :
« Bruno Noel, si on me demande, je suis malade
Je pars voir mon médecin, ok ? »
Or ton médecin se nomme : vin
Il se nomme Kangoya, Guiness
Des dossiers à traiter s’accumulent sur ton bureau
A la fin du mois, tu réclames ton salaire
Où trouver les recettes pour te payer, toi, le fainéant
A qui, la faute ?…
Vous aussi, les Directeurs généraux, les Directeurs de services,
Vous n’embauchez que les personnes de votre ethnie
Que parmi vos connaissances
Vous ne vous enrichissez qu’entre vous-mêmes, les vieux
Il n’y a que vous qui en profiter
Vous en profiter tellement
Et encore
Jusqu’à ce que vos dents en soient ternies

Pendant ce temps, beaucoup de jeunes, diplômés, dans les quartiers
Errent, vagabondent
Leur unique activité : les pousse-pousse pour survivre
Ils vendent du pétrole (pour les lampes) dans les quartiers pour survivre
Aucune intégration en vue dans la fonction publique
Certains meurent dans la misère
Où est l’avenir du pays, tant qu’il n’y a pas de relève ?
A qui, la faute ?…
Quant à vous, jeunes filles
J’ai pitié de vous
Le matin, en partant en classe,
Vous portez une veste sous la tenue réglementaire
A la fin des cours, la tenue réglementaire dans votre sac
Vous assiégez les cabines téléphoniques
Pour appeler ces vieux fonctionnaires :
– « Oui, allo ! Ex-Major, c’est moi, qu’est-ce qu’on fait ?
On se rencontre chez JMC Quartier Libre ?»
Ainsi le vieux quitte son bureau
Pour se retrouver dans les gargotes
Autour des poissons braisés en abondance
Autour des brochettes garnies
Table inondée de bouteilles

Finalement, elles n’apprennent plus leurs leçons,
Elles sont renvoyées de l’école
Les vieux les rejettent parce qu’elles n’ont pas un bon niveau scolaire
Les vieux se démobilisent parce qu’eux-mêmes n’ont plus de moyens pécuniaires
Alors elles trainent sur les trottoirs
Elles sont surnommées « Kata »
Maintenant, plane le risque de contamination par le sida
Leur vie est en péril
Les parents qui ont souffert pour les élever
N’ont qu’une récompense : le sida contracté
Pitié !
A qui, la faute ?…
Le Burkina Faso s’est développé grâce à l’agriculture
Mais chez nous, en Centrafrique
Les jeunes ne veulent pas travailler
Au lieu de se regrouper en coopérative pour cultiver la terre
Au lieu de créer des associations
D’exercer du commerce
Ils errent
Tôt le matin, à l’ombre des manguiers
Autour des jeux de dames
Autour des jeux de kissoro
Les jeunes filles ne peuvent passer devant leur regard sans critique
Ils se moquent même de la femme âgée
Dont le pagne est usé par endroit
Or, ils ne sont que de pauvres oisifs, démunis
Des hébergés dormant sur des nattes à même le sol
A qui, la faute ?…
De tels individus ne souhaitent que des troubles dans le pays
En profiter pour détruire les biens d’autrui
Pour casser les commerces
Pour détruire les biens publics
Ceux-là mêmes qui accusent l’Etat
Où aller avec ce genre de comportement ?
A qui, la faute ?…
Il est vrai que de la liane de koko, on noue les feuilles de koko
De l’eau, on cuit le poisson
Ce qui est à toi, maintenant se retourne contre toi
Un jour, en Centrafrique, lors du dialogue national
Le doyen des Présidents africains, Omar BONGO a dit :
« Les armes achetées par le peuple
Aux soldats pour nous sécuriser
Malheureusement, ces mêmes soldats
Avec ces armes se retournent contre nous
A la moindre chose, les armes parlent
Au moindre mouvement, pan pan »

Tout le peuple s’en fuit
Fatigué d’être marathonien
Pendant ce temps, le monde nous observe
L’opinion internationale se démobilise
A cause de tout cela
Comment gagner la confiance des investisseurs étrangers ?
Et nous accusons toujours le gouvernement !
A qui, la faute ?…
Centrafricain, Centrafricaine,
Banguissois, Banguissoise
De l’est à l’ouest
Du sud au nord
Cessons de traiter qu’avec notre ethnie
Cessons de parler de la division
Cessons la corruption
Cessons la paresse
Unissons-nous, Travaillons
Travaillons avec efficacité pour le développement du Centrafrique

C’est un conseil de compatriote
Votre mauvaise foi, gardez la pour vous
Votre sorcellerie, pour vous
Je n’accuse personne
Je ne raconte pas d’idioties
Je plaide pour le travail
Pour le Centrafrique.

PS : Pardonnez-moi mon imperfection : « Traduire, c’est trahir ». J’ai trahi le sango et ses tournures idiomatiques.

Transcrit et traduit par

Joseph GRÉLA
L’élève du cours moyen de l’école de brousse Bakouté

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