Grand format de J.Gréla

REVUE DE PRESSE: CENTRAFRIQUE, UNE TERRE « SOUVENT OUBLIÉE DES HOMMES »

Le verbe de la paix, impuissant devant la haine

 Alors que la malnutrition des enfants s’identifie aux horreurs et au sunami  centrafricain, le chant de la paix interprété par les trois religieux missionnaires, ne parviennent par aux oreilles de leurs compatriotes assourdis par les détonations des armes lourdes et légères, mais  aux oreilles de celui qui est  l’instrument de Dieu résidant à Rome, le Pape Francois 1er.

La malnutrition infantile mortifie Bangui

Le Réseau des Journalistes des Droits de l’homme en Centrafrique rapporte, dans son reportage de ce vendredi 28 mars,  que la pluie qui s’est abattue sur la ville de Bangui, le mercredi 26 mars, a poussé certains déplacés à regagner leurs domiciles. C’est dans cette condition que la famille Laurent Bissengué a regagné sa maison au quartier Guitangola, malgré l’insécurité qu’y perdure. « Il n’y a plus de place à l’intérieur pour garder tous ces effets, car la maison, éventrée, ne compte plus que deux chambres, au lieu de quatre », a relevé le chef de famille, devenu chômeur. Famille composée de 20 personnes, les enfants ont des joues gonflées, des cheveux frisés de couleur jaunâtre et ils sont tous pâles. « Comme ils ne mangent pas bien, mes petits fils courent un risque de malnutrition.  Certains d’entre eux sont toujours malades, je n’ai pas d’argent pour leur payer des médicaments » a-t-il ajouté, ankylosé par ce qui lui arrive.

Pendant que les pillages, les lynchages, les assassinats et les viols s’intensifient  sans inquiétude en plein jour, les ONG sont toujours à pied d’œuvre pour sauver le couple vulnérable, mère et enfant. L’Action contre la faim apporte, chaque semaine, de la nourriture et des soins aux enfants de moins de cinq ans. Elle a mis en place des programmes pour venir en aide aux plus fragiles. Dans les centres de soins ou encore dans les sites de déplacés, les équipes dépistent les cas de malnutrition et viennent en aide aux familles, a précisé RFI ce 28 mars, dans son reportage au PK 12.

Pauvreté généralisée et défaillance des structures étatiques

Au marché de Bangui, signalent Le Monde du 26 mars avec l’AFP, les denrées se raréfient. « On vit actuellement dans une situation de guerre », explique un vendeur d‘épices. « Tout est cher, tout est bloqué, il n’y a pas d’activité. Les véhicules qui nous viennent du Cameroun, les éleveurs qui amènent les bœufs… Il n’y a plus rien. On est obligé de supporter cette situation comme ça », témoigne ce vendeur. Neuf personnes sur dix ne mangeraient plus qu’une fois par jour, affirment pour leur part les Nations Unies.

Et la situation risque de s’aggraver

 En matière d’importation, des quarante grossistes qui ravitaillaient la capitale, il n’en resterait plus que dix, selon une enquête d’Oxfam et d’Action contre la faim, qui risquent à leur tour de se sauver.

Face à cette situation humanitaire chaotique sur l’ensemble du territoire national, le CICR veut élargir ses activités et « accroître ses actions humanitaires » a indiqué French.china.org.cn du 27-03-2014 par LIANG Chen, pour répondre aux besoins d’urgence et de développement des victimes de la crise et renforcer ses services dans le pays. « Je viens donc mesurer les besoins » a déclaré à l’Agence de presse Xinhua, Peter Maurer, président du CICR en visite à Bangui, à la sortie d’une audience mercredi avec Catherine Samba-Panza, présidente de transition. Près d’un million de la population reste dans les sites des déplacés et la moitié des 4,6 millions d’habitants du pays nécessite une assistance humanitaire immédiate. La mission de 3 jours, du président du CICR l’a conduit à Ndélé et à Kaga-Bandoro.

Malgré les efforts des ONG par l’apport d’une aide nécessaire et accrue, d’une ambition d’augmenter leur assistance, en particulier dans le domaine de la santé, et d’étendre leur couverture géographique, a dit M. Maurer, chaque jour qui passe, Centrafrique coule et se noie dans son propre sang.

Malgré le rôle des organisations humanitaires de redonner espoir et dignité à la population, les nuits de violences s’invite à la table de la tragédie humaine. La nuit de jeudi 27 mars à vendredi 28 mars a connu non pas des machettes, mais, signale l’Humanité.fr du 27 mars, une « poursuite des exactions », tandis que le journal Témoignages du 28 mars déplore une « nouvelle nuit de violence » contre une famille réunie pour une veillée mortuaire. Au moins 11 morts et 6 blessés, au quartier Fatima, ont été décomptés tristement et attribués aux tirs pendant quelques minutes, à la kalachnikov, des hommes armés qui ont jeté deux grenades dans la cour avant de fuir. « Nous, on est des Centrafricains. Ce que, pour l’instant les musulmans font de notre pays, on a assez. On a mal, avec ça», crie un homme dans la foule en colère contre la terre entière : les Burundais de la Misca, les Français de Sangaris, les musulmans, la présidente de transition.

Dans leurs cris de haine viscérale, dans leur détresse, beaucoup rendent Catherine Samba-Panza, la présidente de transition, responsable de cette insécurité : « La présidente, madame Samba-Panza, elle ne peut pas venir voir ça ? On souffre beaucoup. On tue les Centrafricains », assène-t-on, au micro de RFI ce 28 mars 2014.

Centrafrique, sous curatelle ou sous tutelle

Dans une interview accordée, ce jeudi 27 mars, au reporter de La Libération, Thomas Hofnung, Didier Niewiadowski, chargé des Affaires culturelles et de la coopération à l’ambassade de France à Bangui de 2008 à 2012, analyse les raisons de la recrudescence de la violence.

«En ce qui concerne la nouvelle flambée de violence, D. Niewiadowski explique que les milices anti-balaka, souvent dénommées à tort «milices chrétiennes» par opposition à l’ex-Seleka musulmane, ne sont toujours pas cantonnées à ce jour et encore moins désarmées […] Cette situation les autorise à perpétrer leurs exactions en toute impunité. Ils sont des désœuvrés composés des  paysans spoliés, de coupeurs de route au chômage, des enfants des rues non scolarisés qui ont été rejoints par d’anciens militaires des Forces armées centrafricaines et par des boutefeux de Bozizé ».

De leur vrai nom «anti-balles AK» (ils se croient invulnérables aux balles des kalachnikovs AK 47), ils sont tout aussi inorganisés que l’ex-Séléka, mais éparpillés en des groupuscules de quelques individus. Ils se trouvent livrés à eux-mêmes, obligés, pour survivre, de s’emparer des biens d’autrui et le plus souvent avec une violence extrême. » Ils peuvent donc accomplir des actes les plus odieux : d’abord sur les musulmans, mais aussi sur tout quidam.

Du népotisme au clientélisme en passant par «la mangeoire»

A propos de la présidence de transition, il rejoint avec son expérience de diplomate en Centrafrique, les critiques des centrafricains eux-mêmes écrits et lus dans beaucoup de journaux.

« Le gouvernement nouvellement élu est tombé dans les mêmes travers que les précédents. Samba-Panza et son gouvernement pléthorique, flanqué de 35 conseillers contribuant à faire régner la confusion et la prédation, n’ont aucune prise sur les événements. L’Etat est toujours dans un coma profond. Comment se fait-il que les leaders anti-Balaka et Séléka ne soient pas arrêtés? Que les criminels ne soient pas traduits en justice? »

Des interrogations similaires ont vu le jour dans le message Monseigneur Nongo Aziagbia de Bossangoa à l’occasion du 55ème anniversaire de la mort accidentelle de Boganda : Pour une Centrafrique, Une, Forte, Indivise. « La faillite de l’Etat face aux groupes armés qui commettent des exactions sur les populations civiles et l’impunité ont mis à mal la cohésion sociale. […]. En effet comment expliquer que certains quartiers de Bangui ont fait l’objet de désarmement à plusieurs reprises alors que d’autres connus pour être des poudrières, ne l’ont jamais été ? On a même le sentiment que ces derniers sont protégés par les forces internationales. Si tel est effectivement le cas, on entretient des rancœurs qui ne favoriseront guère la cohésion sociale que nous recherchons tant. »

« Par ailleurs, il se pose la question de la souveraineté de notre Nation. Comment, sous prétexte d’escorter en toute sécurité leurs concitoyens, les forces armées tchadiennes traversent en armes nos frontières nationales et commettent les pires exactions sur les populations civiles, tuant en passant des victimes innocentes et brûlant des maisons, sans que ces forfaits ne suscitent une quelconque protestation de la part de nos dirigeants et de nos gouvernants ? »

Monsieur D. Niewiadowski poursuit sa démonstration, en ces termes, dans son interview : « Les premières nominations sous la présidence de Catherine Samba-Panza ont surpris car le népotisme et le clientélisme, si souvent décriés en RCA, sont revenus au galop. Des personnalités loin d’être irréprochables se sont retrouvées une nouvelle fois «à la mangeoire». La déception est grande dans les milieux centrafricains de la diaspora mais aussi chez les observateurs étrangers. […] Les notables de la région natale de la Présidente, la Ouaka, et les Gbanziris (sa communauté) vont-ils succéder aux Gbaya de Bossangoa? »

« Va-t-on, comme toujours en RCA, créer des Hauts conseils, des agences, des commissions, faire financer des études de faisabilité, organiser des voyages incessants à l’étranger souvent rémunérateurs pour l’import-export. L’urgence est au développement social, à la reconstruction de la voirie urbaine et l’accessibilité des chefs-lieux de région.  La mobilisation des ingénieurs, techniciens, travailleurs sociaux et professeurs centrafricains est prioritaire », conclut-il.

Peut-on croire aux élections dans quelques mois ?

« Qui peut encore croire que des élections démocratiques pourront avoir lieu dans quelques mois alors qu’il y a un million de déplacés, 500 000 réfugiés et que la moitié de la population est en état de survie? La saison des pluies arrive avec toutes ses conséquences dramatiques pour la population, déplacée ou non. Il faut faire preuve d’imagination car les vieilles recettes de sortie de crise ne marcheront pas. C’est privilégier la facilité, mais encourir aussi un cuisant échec que d’imaginer sortir de la crise par des élections avec une organisation étatique similaire, en appuyant la reconstruction d’un Etat central et en ne s’interrogeant pas sur les idées fédérales et la décentralisation territoriale. Et en raisonnant dans un cadre uniquement étatique alors que la crise est aussi régionale».

«En tout état de cause, la transition semble mal partie, encore une fois. Devant ce constat, ne faudrait-il pas envisager une forme de curatelle, et non de tutelle, en Centrafrique ? Cela permettrait de maintenir les institutions centrafricaines pour assurer la gestion quotidienne du pays, une représentativité internationale et une reprise en main progressive des secteurs régaliens. Mais la curatelle confierait à une organisation ad hoc, par exemple au Bureau des Nations unies (déjà présent à Bangui), épaulé par une administration dédiée, la gestion des programmes internationaux de relèvement de l’Etat, le paiement de ses agents, les programmes humanitaires, les financements des pôles de développement à mettre rapidement en place. Et, à terme, le processus électoral tel qu’il sera précisé par la Constitution de la nouvelle RCA. Il faut aussi, sans tarder, que la Cour pénale internationale ouvre le processus de création d’un Tribunal spécial sur la Centrafrique pour mettre fin à l’impunité. »

Sans attendre le déploiement virtuel fin mars de l’Eufor/Rca qui n’a pas atteint sa «pleine capacité » à l’issue des quatre conférences appelées « génération de forces », pour renforcer les forces sur le terrain, l’archevêque, l’Imam de Bangui et le chef de la communauté protestante continuent de proclamer :

« La paix peut revenir »

Leur bâton de pèlerins les a amenés à New York et les Nations unies où ils ont plaidé et obtenu, selon eux, des garanties pour le déploiement rapide d’une force de maintien de la paix, évoque le correspondant à Rome, Antoine-Marie Izoard de RFI. Pendant quelques minutes, en marge de la grande audience générale, place Saint-Pierre, les leaders religieux centrafricains, ce mercredi 26 mars, se sont entretenus avec le pape François, lui ont exposé les épreuves que traverse leur pays.

Le chef de l’Église catholique a promis de parler du conflit centrafricain avec le président américain Barack Obama, qu’il allait rencontrer pour la première fois ce jeudi, a relevé le correspondant de RFI. «Restez unis, ne laissez pas les événements vous diviser », a recommandé le pape en invitant les responsables religieux à bien rester proches de leur peuple. A leur tour, ils ont demandé au pape François de plaider en faveur d’une aide humanitaire des pays riches à la République centrafricaine.
Le pape, le jour de Noël dernier, avait déploré : Centrafrique, une terre «souvent oubliée des hommes ».

Didier Kassaï, ce chrétien marié à une musulmane

Jeune Afrique.fr, dans son édition du 28 mars 2014, met en lumière cet illustrateur, caricaturiste et aquarelliste, pour le bonheur du centrafricain, Didier Kassaï, un pur autodidacte. Il dessine l’horreur au quotidien et a publié « Bangui, Terreur en Centrafrique » dans La Revue dessinée, un magazine trimestriel de reportages en bande dessinée, signale Vincent Duhem. On trouvera un lien sur le site de «  les plumes de RCA », dans la rubrique, «ILS EN PARLENT».

Lauréat de plusieurs prix, Didier Kassaï explique les tensions communautaires qui ont atteint leur paroxysme. « Il suffisait d’avoir un parent musulman ou proche de la Séléka pour être la cible des attaques des anti-balaka. » Lui qui est chrétien marié à une musulmane, a été plusieurs fois arrêté par des membres des anti-balles AK. Il a décidé de fuir…

Joseph GRÉLA

Commentaires

0 commentaires

@Lesplumes

www.facebook.com/lesplumesderca - www.twitter.com/lesplumesderca

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page