Tribune de A.Pakoua

CENTRAFRIQUE : UN NOUVEAU-NÉ MALADE

Dans exactement une semaine, jour pour jour, le CENTRAFRIQUE aura cinquante-quatre ans. Qui s’en souvient encore ? Les éclats d’obus, les rafales des mitraillettes, les vols, les viols, les saccages, les pillages et autres actes inimaginables nés de la créativité diabolique de la SELEKA avec ses hordes de bêtes sauvages sorties des jungles d’un autre temps et d’une autre histoire, ont soufflé sur le CENTRAFRIQUE, pour balayer de l’esprit de ses populations qui ont toujours vécu en harmonie, la notion de fraternité, d’amitié, de bon voisinage, d’appartenance à un même territoire, une même

Ceci a eu pour effet d’accrocher à la poitrine de certains, l’étoile « marron » qui les distinguerait des autres, cette étoile qui a pour nom « musulman » et qui doit tracer une ligne de démarcation avec le reste appelé « chrétien ». Ce « marron » qui ne figure nulle part sur le drapeau centrafricain, car cela n’aurait pas été vert, le vert qu’on retrouve ailleurs dans les pays se réclamant de la confession religieuse dont ils semblent défendre la bannière. Bref, nous n’avons aucune animosité à l’égard de quiconque, qui aurait des croyances différentes de celles qui pourraient être les nôtres, mais nous condamnons l’usage de la religion pour faire justice ou pour revendiquer ce qui, ailleurs, doit se revendiquer dans les

Dans ce mélange détonnant, cet amalgame créé de toutes pièces et qui ne profite qu’à ceux qui ont volontairement allumé le feu dans le foyer centrafricain, on voit bien que le pays est totalement oublié, jeté comme un pneu crevé qui ne servirait plus à aucun Les centrafricains ont laissé les militaires et les aventuriers politiques se paître gaiement des ressources de ce pays, en applaudissant souvent à leurs bêtises, et les intellectuels ont rabattu leur queue, pour ne pas avoir à affronter des lévriers prêts à leur faire la peau et à les scalper comme l’auraient fait les sioux, des méchants cow-boys

Les intellectuels ont pendant tout ce temps rabattu leur queue ou ont rasé les murs pour ne pas être aperçus par la meute sauvage. Sans trop généraliser, il faut reconnaître cependant qu’à une certaine époque, ils avaient su prendre leur place, jouer leur rôle pour atténuer le bouillonnement hégémonique de celui qui allait devenir un moment Empereur de CENTRAFRIQUE. Ce fut une époque où cette classe intellectuelle avait un rôle à jouer dans la société et où elle avait su prendre ses responsabilités.

Et la solidarité, même avec la divergence dans les idées et les opinions, n’avait pas été ébranlée par l’individualisme, effleurée par l’idée même du tirage de la couverture à soi ou perturbée par la course vers l’eldorado des postes ministériels.

Aujourd’hui que le pays est en lambeaux, qu’il est, malgré ses cinquante-quatre années d’existence, comme un nouveau-né, né malade parce qu’orphelin très tôt et ne sachant pas trouver ses repères pour s’orienter et se tracer un chemin qui ne le conduirait pas à l’égarement, que font les intellectuels et que doivent faire les intellectuels ?

Quand on parcourt les pages des réseaux sociaux, on voit la grande envie qu’ont les centrafricains d’exprimer ce qu’ils ressentent du fond de leur cœur, et l’on voit à quel point les injures ne sont pas loin de venir polluer des débats de bien haute facture, des débats souvent très productifs à l’issue desquels certains sont obligés de se taire pour éviter de recevoir la volée de cartouches d’injures qu ‘ils ne voudraient pas essuyer.

C’est surréaliste de croire qu’on peut partager les mêmes opinions sur des sujets variés, tout le temps, avec ceux qu’on aime ou ceux avec qui on chemine, mais la confrontation des idées doit être indispensable, l’écoute et la recherche de la compréhension des opinions des uns et des autres nécessaires.

A un moment où le CENTRAFRIQUE est vraiment bien malade et à la croisée des chemins, les intellectuels de ce pays doivent prendre leurs responsabilités, prendre réellement leurs responsabilités objectives et dans la défense de tout ce qui est juste, quand bien même ils auraient leurs inclinaisons politiques car, si le pays est dans la tourmente, c’est justement parce que cette élite a préféré laisser le champ libre aux ignares, aux aventuriers, de pouvoir se mettre en valeur sous des projecteurs « obscurs », pour s’exposer comme des tonneaux vides résonnant pour faire danser la galerie, une galerie qui s’est bien laissée prendre au piège.

L’aventure de la SELEKA est venue nous faire la preuve de ce que le CENTRAFRIQUE doit radicalement changer, car cinquante années de balbutiements ne nous permettent plus de retomber dans les mêmes erreurs.

Et ce changement incontournable ne se fera qu’avec l’aide des intellectuels, ceux-là mêmes, capables de se mettre ensemble pour réunir les faits, les analyser, les confronter et les interpréter en vue de trouver les solutions aux énormes problèmes qui ont été longtemps la source des maux de ce pays.

Et sauver le CENTRAFRIQUE, ce sera commencer par la reconnaissance, le respect, la réhabilitation des symboles de la République, dont le 13 Août qui, aujourd’hui, risque de faire les frais des turbulences politiques.

Adolphe PAKOUA

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